Il est connu de tous, que toute évolution dans une société est le fruit de la lutte des classes. Il n’est pas opportun dans le cadre de cette analyse d’en faire l’histoire de par le monde. Au Burkina Faso, cette lutte des classes a été portée au fil des temps par plusieurs formes d’organisations, quelques fois sous forme d’association (appelée aujourd’hui par abus de langage organisation de la société civile), quelque fois par des partis politiques, mais bien plus, dans l’air contemporain, par les syndicats.
Une définition simple du Petit Larousse (sans être simpliste) fait du syndicat « un mouvement qui a pour objectif de grouper des personnes exerçant une même profession en vue de la défense de leur intérêt ». Il faut d’emblée préciser que les intérêts peuvent prendre plusieurs formes (matérielle et/ou morale, …) et la défense peut, elle aussi, peut avoir divers postulats (socioéconomiques ou prise de position idéologique…). Dans tous les cas, au Burkina Faso, une simple rétrospective permet de reconnaitre à toutes ces luttes des avancées certaines voire substantielles (pour ne pas écrire révolutionnaires).
Aujourd’hui, plus que jamais, comparaison faite de tous les régimes de droits établis par des élections en Haute-Volta comme au Faso (les événements de 1966 et les soubresauts sous le CMRPN ayant été conjoncturels), on n’a enregistré un tel dynamisme des mouvements sociaux, sinon des revendications syndicales. Qu’est-ce qui explique une telle explosion de ces mouvements ? Les conditions des travailleurs au Burkina ont-elles empiré ? La production de ceux-ci a-t-elle doublé alors que leur rémunération n’a pas évolué ? Les gouvernants sont-ils plus regardant vis-à-vis des revendications ou le sont-ils de moins en moins ? Tout observateur de la scène sociopolitique nationale a certainement son opinion face à chacune de ces interrogations.
Cependant, l’évolution des choses est de nature à inquiéter le simple citoyen que nous sommes. Quoiqu’adepte des luttes voire de la rue, certaines attitudes interpellent. Sans même faire référence au contenu de la plateforme du Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (Syntsha) ni faire référence aux explications du Ministre de la santé passé à la télévision nationale, il nous semble qu’il y a un profond malaise dans ce corps qui se traduit par l’attitude de son syndicat. Au-delà de toute question d’intérêt matériel, ou de disposition favorable gouvernementale à mener le dialogue sociale, il nous semble difficile d’admettre la négation collective du serment d’un corps face à une nation. Oui, il faut revendiquer mais il faut savoir aussi que c’est parce que l’on est du corps que l’on revendique en tant que tel. Si l’on refuse de respecter son serment (qui en la matière est de se dévouer au péril de sa vie à la cause des patients), on dénonce par là-même le fait son appartenance à ce corps ; à quel titre alors revendique-t-on (puisque l’organisation incongrue de cette grève semble vider les centres de santé de tout le personnel soignant) ?
Ce bras de fer entre ses groupes « constitués » et l’autorité étatique « établie » n’arrange personne dans ce pays. Le personnel de la santé ne saurait sous aucun prétexte imposer au peuple des conditions aussi désastreuses (aucun service minimum). Cette attitude, nous semble condamnable mais bien plus celle du gouvernement à laisser faire. Force reste à la loi et l’autorité étatique est investie pour faire respecter la loi. Nul ne saurait nier ses obligations contractuelles et exiger du co-contractant de s’acquitter des siennes à son égard. C’est un principe simple et l’État doit le faire appliquer à tous. Oui pour les revendications, oui pour la lutte syndicale (si elle n’est manipulée), mais non aux excès. On aurait pu imaginer tout, mais pas une situation de grève totale sans un service minimum dans les centres de santé. Le peuple tiendra chacun pour responsable à la hauteur du contrat social conclu. L’histoire condamne quiconque tente de la nier.
D’ailleurs, les dernières évolutions du débat sur le syndicalisme dans le monde devraient nous interpeller tous au Burkina. Les syndicats ne sont-ils pas en train de muer en tyrannie contre le peuple ? La question qui a soutenu leur existence était de savoir qui contrôlera les abus de l’employeur cupide sur les travailleurs ? Ce paradigme est-il encore d’actualité ?
Au demeurant, il nous semble que nous devrons nous ressaisir et mener des luttes justes qui reflètent les aspirations du peuple : vivre ensemble des différences constructives de chacun de ses fils dans la cohésion.
Célestin Badolo
Activiste de démocratie et de la bonne gouvernance
Source: LeFaso.net
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