Le monde change à une vitesse telle que dire ce qu’il deviendra demain est une gageure. La troisième guerre mondiale est-elle à nos portes ? La paix en Ukraine est-elle pour demain et à quelles conditions ? L’OTAN existera-t-elle encore et sous quelle forme, avec ou sans les États-Unis de Donald Trump ? Les changements sont si brusques, si peu prédictibles, que nous en sommes pour la plupart à observer la course du monde comme des vaches dans le pré regardent le train passer. Qui aurait pu nous assurer que les Américains donneraient les clés du bureau ovale au président qui leur proposait de boire de l’eau de javel pour soigner le Covid ? C’est vrai que l’élection présidentielle ne vise pas à trouver le meilleur médecin des États-Unis, mais ne peut-on pas attendre de celui qui peut appuyer sur le bouton nucléaire un peu plus de bon sens ? Il a fait campagne pour la paix, Donald Trump.

Les grands traits de l’évolution du monde

Mais personne ne se doutait que pour la paix il s’en prendrait au protégé des États-Unis, l’Ukraine, qu’il abandonnerait pour devenir l’allié de la Russie, votant avec elle et la Corée du Nord à l’ONU. Qui aurait pu prédire que la Russie n’offrirait que l’exil à son protégé syrien déchu du pouvoir, Bachar Al Assad, et que des anciens adeptes d’Al Qaeda prendraient le pouvoir à Damas avec la bénédiction de la Turquie et seraient adoubés par la communauté internationale ? Israël est réputé pour la puissance et la compétence de ses services de renseignement et de son armée, mais ils ont été incapables de prévenir l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

La communauté internationale, les pays occidentaux, arabes, africains, ont regardé, dans l’indifférence générale, Israël détruire la bande de Gaza et le peuple palestinien souffrir et mourir sous les bombes qui n’épargnent ni hôpital ni école. L’indignation et la révolte sont venues de la jeunesse estudiantine dans les pays occidentaux et de l’Afrique du Sud qui a porté une plainte devant la Cour internationale de justice pour génocide contre Israël. La Cour pénale internationale a, en dépit des pressions, émis un mandat d’arrêt international le 21 novembre 2024 contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou qui fait la guerre pour rester au pouvoir et son ancien ministre de la Défense Yoav Galant pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. En émettant ces mandats d’arrêt contre les deux dirigeants israéliens, la Cour pénale internationale a fait une révolution contre une institution qui faisait une « justice des vainqueurs, contre des parias et des ennemis de l’Occident ».

Jusque-là, elle a fonctionné à deux vitesses en sanctionnant les coupables du tiers monde et l’ennemi russe, Vladimir Poutine, mais pas les crimes des Occidentaux. C’est ce qui explique toute la haine des « trumpistes » contre l’Afrique du Sud et leur volonté de faire de ce pays un pays raciste sur la base de leurs fantasmes. Ces quelques faits illustrent à grands traits une évolution du monde marquée par la résurgence d’un impérialisme sans fard qui se caractérise par la conquête de territoires, le non-respect des frontières des pays voisins, la lutte féroce pour une mainmise sur les ressources minières dans la plupart des conflits et guerres actuels. La diplomatie n’est plus un concept prisé et on a vu à la Maison Blanche un débat surréaliste où le président et le vice-président américain s’en sont pris au pauvre président ukrainien en lui mettant le couteau à la gorge pour qu’il fasse la paix selon leurs convenances et qu’il leur remette les ressources minérales de son pays pour se rembourser du soutien de leurs prédécesseurs.

En se battant ainsi face aux caméras des télévisions, ils ont certes voulu humilier l’Ukraine et son président mal fagoté à leurs yeux parce qu’il ne suit pas une coutume vieille du 19ᵉ siècle qui considère que l’on est bien habillé quand on se soumet au port du costume-cravate. Mais ils ont montré aux yeux du monde leur intolérance et leur manque d’ouverture au monde. Ils ont surtout fait preuve de peu de grandeur d’esprit et d’empathie pour des dirigeants de la première puissance mondiale, incapables d’écouter l’autre. C’est l’une des caractéristiques des dirigeants du monde actuel. Ils ne peuvent pas s’écouter les uns les autres, chacun parle en même temps que l’autre, et c’est un vacarme assourdissant le spectacle du monde que les dirigeants du monde nous offrent, fait de batailles pour rester au pouvoir et sans solutions des problèmes. Les tensions et les conflits sont le principal ressort du monde.

Avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, les conflits sont partout et les alliances ne tiennent plus qu’à un fil. Entre l’Europe et les États-Unis, la guerre des tarifs douaniers a commencé, avant celle des affrontements pour le Groenland. La guerre économique est entre le Canada et les États-Unis, avant celle qui devra faire du Canada un nouvel État confédéré des États-Unis. En s’alignant sur les positions russes dans le conflit Ukraine-Russie, les États-Unis ont changé d’allié et renversé l’alliance atlantique qui ne les préoccupe plus, l’Union européenne se retrouvant sans le parapluie américain, dont les dirigeants la considèrent comme créée pour nuire à leur pays.

Nous sommes en phase de nous retrouver non plus avec trois superpuissances impérialistes rivales : États-Unis, Chine, Russie, mais avec une rivalité assumée États-Unis-Chine, une tendance à la vassalisation des États-Unis face à la Russie sur certains sujets. Le plus grave est que Donald Trump et Elon Musk se sont donné le mot pour détruire le soft power américain, l’agence américaine pour le développement, l’USAID et tout dernièrement, la Voix de l’Amérique (VOA). Dans ce paysage de ruines côté américain, en même temps, on observe des rapports prudents de collaboration entre la Chine, la Russie et l’Iran s’entendant tous contre les États-Unis. Si le président Donald Trump, qui est une girouette, reste sur ces options belliqueuses envers ses alliés et le reste du monde sauf la Russie, c’est l’Amérique qui sera perdante et qui devra courir toujours derrière son passé glorieux.

Les droits des peuples et des individus sont en recul

Les conflits et les guerres de contrôle des ressources minérales sont à l’œuvre partout au Soudan, en République démocratique du Congo, au Sahel. Ces tensions peuvent être entre des forces rebelles et des groupes armés terroristes d’une part et les régimes en place d’autre part. L’objectif pour les puissances impérialistes étant d’accéder à ces ressources à bas prix par l’entremise du désordre et de la guerre. L’absence de multilatéralisme est à la base de certains conflits, comme l’expansion du terrorisme au Sahel et en Afrique de l’Ouest, si on prend en compte comment la France de Sarkozy a manœuvré pour déclencher les frappes de l’OTAN contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi, dont la chute a répandu les groupes terroristes sur le continent.

Les voix discordantes de l’Union africaine et ses propositions de médiation ont été royalement ignorées pour faire la guerre et obtenir la chute et la mort de Kadhafi. Après quoi le pays a été abandonné à ses divisions et aux pêcheurs en eaux troubles qui profitent du pétrole libyen. Le monde aujourd’hui n’est pas unipolaire, mais il n’est pas non plus multipolaire. Des courants de pensée comme le non-alignement sont presque inaudibles aujourd’hui. Si on voit comment l’ONU n’est plus crédible et ne peut rien changer dans l’ordre du monde du fait du refus des pays détenteurs de véto d’accepter de la réformer. Si bien qu’Israël refuse d’appliquer ses résolutions et commet des crimes de guerre et contre l’humanité dans la bande de Gaza dans l’impunité totale.

La faiblesse de l’Organisation des Nations unies et de ses principes fait que des droits comme celui de l’autodétermination des peuples sont aujourd’hui bafoués par les pays pour des intérêts économiques. Le succès de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental est un cas palpable du recul des droits des peuples. Sur l’autel des intérêts économiques, les Palestiniens, les Sahraouis n’ont aucun droit sur la terre de leurs ancêtres.

Le monde est dans une situation chaotique où des dirigeants autoritaires émergent partout, cherchant à imposer leurs points de vue, même dans l’appellation du golfe du Mexique. La xénophobie, le racisme et la lutte contre les immigrés sont devenus les seuls axes de programme de partis politiques qui sont incapables de résoudre les problèmes des pays. Comment obtenir un nouvel ordre mondial si tout le monde trouve normal que « 8 % de la population mondiale détiennent 82 % des richesses mondiales, et que plus d’un milliard de personnes continuent de vivre dans l’extrême pauvreté, sans accès à la protection sociale, à un emploi décent ou aux services publics de santé ou d’éducation ? »

Sana Guy

Lefaso.net

Source: LeFaso.net