Mathieu Romaric Pooda a soutenu sa thèse de doctorat en sciences et technologies, spécialité mathématiques appliquées, de l’université Thomas Sankara de Ouagadougou. Sa soutenance, qui s’est déroulée ce vendredi 31 janvier 2025, a pour thème « Modélisation et contrôle du terrorisme au Sahel ». À l’issue de la présentation et de la délibération des membres du jury, son document a été accepté avec la mention « très honorable ».

D’entrée de jeu et après les salutations d’usage, le président du jury, le Pr Pierre Clovis Nitièma, professeur titulaire à l’université Thomas Sankara, a accordé quarante minutes à l’impétrant Mathieu Romaric Pooda pour défendre les résultats de ses recherches. En plus du président du jury, Bisso Saley, professeur titulaire à l’université Abdou Moumouni de Niamey au Niger (rapporteur qui a suivi par visioconférence), Boureima Sangaré, professeur titulaire à l’université Nazi Boni de Bobo-Dioulasso (rapporteur), Gilbert Bayili, professeur titulaire à l’université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou (examinateur), Oumar Traoré, professeur titulaire à l’université Thomas Sankara (directeur de thèse), Yacouba Simporé, maître de conférences à l’université Yembila Abdoulaye Toguyeni de Fada N’Gourma (co-directeur de thèse), sont les autres membres du jury de cette soutenance, ouverte au public.

L’impétrant défendant les résultats de son étude devant les membres du jury

Dans son développement, l’impétrant a indiqué que l’objectif de cette étude était de développer des modèles mathématiques capables de décrire les dynamiques de la propagation du terrorisme au Sahel, de créer un cadre théorique permettant non seulement d’analyser les causes et effets de l’expansion du terrorisme au Sahel, mais aussi de fournir une contribution substantielle à la compréhension approfondie de la menace terroriste au Sahel, de proposer des solutions holistiques et des stratégies de contrôle optimisées pour réduire la menace terroriste, de renforcer la résilience des sociétés sahéliennes face à cette menace et de contribuer à la lutte contre l’extrémisme violent et à la promotion de la stabilité dans les Etats du Sahel.

Mathieu Romaric Pooda posant avec sa thèse acceptée par le jury avec la mention très honorable

L’approche proposée par Mathieu Romaric Pooda se caractérise également par l’identification de seuils critiques, fournissant des conditions suffisantes pour l’éradication du fanatisme idéologique, du terrorisme idéologique, du narcoterrorisme et du brigandage. Les conclusions de son étude proposent des solutions pragmatiques pour promouvoir la sécurité, la stabilité et le développement durable dans la région, mettant en lumière l’importance d’une approche intégrée pour relever ces défis complexes. Cette démarche requiert une coordination multisectorielle, une coopération transfrontalière ainsi que des interventions éducatives, socio-économiques et de sensibilisation, conjuguées à une amélioration de la gouvernance et de la sécurité aux échelles locale et nationale.

A l’issue de sa présentation et des apports des différents membres du jury, sa thèse a été acceptée par le jury avec la mention « très honorable ». Mathieu Romaric Pooda accède donc au grade de docteur en mathématiques appliquées.

Mathieu Romaric Pooda est désormais docteur en mathématiques appliquées

Un modèle mathématique pour maîtriser le terrorisme

Mathieu Romaric Pooda nous donne le contenu de sa thèse :

« À travers cette thèse, nous avons d’abord formulé un modèle mathématique qui décrit la dynamique d’évolution du terrorisme au sein de notre pays à travers différentes classes de populations. L’idée, c’est d’élaborer des outils qui pourront permettre aux Forces de défense et de sécurité ainsi qu’aux décideurs politiques de faire une meilleure planification en ce qui concerne surtout le recrutement au sein des FDS, des VDP afin de mieux lutter contre cette menace qui nous entoure. À travers cette étude, nous arrivons à identifier des résultats de type seuil à partir desquels on peut donner des conditions suffisantes pour l’extinction du terrorisme idéologique ainsi que pour la stabilisation sans brigandage. On peut les utiliser dans tout ce qui concerne les planifications, les prises de décision pour la défense de la patrie », s’est-il défendu à la fin de la soutenance.

Pour Mathieu Romaric Pooda, cette thèse permet également de mettre en lumière l’importance des sciences exactes, notamment les mathématiques. « De plus en plus, on se pose la question de l’utilité des mathématiques, notamment de l’utilité des sciences exactes. À travers cette thèse, nous voulons montrer que les sciences exactes aident à résoudre tout type de problème, par une modélisation mathématique, par une identification des paramètres qui pourront permettre de trouver le meilleur contrôle pour stabiliser la situation sécuritaire au Burkina Faso. Donc, je pense qu’à travers cette thèse, nous n’allons plus démontrer l’utilité des mathématiques et leur contribution dans notre vie quotidienne », a-t-il précisé.

Répondant aux questions des journalistes présents à cette soutenance, le Pr Pierre Clovis Nitièma, président du jury, a affirmé que le sujet de l’impétrant est d’actualité. Un travail qui, selon lui, permettra de mettre à la disposition des décideurs des outils mathématiques pour contrôler le terrorisme. Il dit regretter cependant la faible utilisation des résultats mathématiques par les décideurs.

« C’est un sujet d’actualité, c’est-à-dire ce que nous vivons dans notre quotidien. Ça peut être les maladies, des problèmes de planification et ici, nous abordons donc le problème du terrorisme. Comment on essaye de contrôler le terrorisme. C’est-à-dire, mettre en place les outils mathématiques qui vont permettre aux décideurs de maîtriser ou de solutionner ce problème dans les meilleurs délais. Les outils sont là, c’est aux décideurs d’en faire ce qu’ils veulent. À peine 2% des résultats des mathématiques sont mis en application. C’est pour dire que les travaux sont là, les résultats sont là, certains dorment dans les tiroirs, mais ce n’est pas à nous de décider », a-t-il confié.

Le Pr Pierre Clovis Nitièma de l’université Thomas Sankara et président du jury de cette soutenance

Associer des actions de dissuasion au tout militaire

De son côté, le Pr Oumar Traoré, professeur en mathématiques appliquées à l’université Thomas Sankara et directeur de thèse de l’impétrant, a laissé entendre que les gens utilisent les mathématiques pour résoudre de nombreux problèmes. Et selon lui, l’impétrant a pu démontrer que la solution du tout militaire associée à des actions concrètes de dissuasion est plus efficace.

Le Pr Oumar Traoré, professeur en mathématiques appliquées à l’université Thomas Sankara et directeur de thèse

« Les gens utilisent les mathématiques dans tous les domaines, parce que les mathématiques permettent d’interroger les phénomènes et d’apporter des solutions pour résoudre les problèmes qui se posent à nous. Ici, il (l’impétrant) a essayé de travailler, de modéliser le phénomène du terrorisme dans le cas particulier du Burkina Faso. Il a essayé de voir comment on peut lutter contre le terrorisme en proposant un certain nombre de stratégies. Et quand on regarde, ce sont des choses qui collent un peu avec la réalité. Par exemple, il a démontré que s’il y a un tout militaire, on peut arriver à la solution. Mais, si on associe le tout militaire à des actions concrètes pour dissuader les gens d’accéder à l’idéologie terroriste, on arrive mieux à réduire la menace terroriste », a détaillé le Pr Oumar Traoré.

Photo de famille du désormais Dr Mathieu Romaric Pooda avec tous les membres du jury

Pour mieux élucider le problème et aller au-delà de l’aspect mathématique, le Pr Oumar Traoré recommande à l’impétrant d’associer d’autres chercheurs comme les sociologues, les géographes et aussi les forces de défense et de sécurité. « On a posé le problème sous un aspect mathématique. Il y a sans doute des aspects sociologiques qu’il faut voir et qui peuvent aider à mieux poser le problème. C’est pour cela qu’on a pensé que ce serait bien de poursuivre plus tard en associant les sociologues, les géographes et les forces de défense et de sécurité. Toutes ces personnes peuvent aider dans la modélisation. Et quand on a un bon modèle, c’est un bon pas pour arriver à lutter contre ce phénomène du terrorisme », a-t-il conseillé.

Mamadou Zongo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net