Le lundi 30 décembre 2024, les députés de l’Assemblée législative de transition (ALT) réunis en séance plénière, ont voté la loi portant amnistie et conditions d’octroi de la grâce amnistiante relative au putsch manqué de 2015. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, Patrice Sanogo, président de l’association des blessés du coup d’État du 16 septembre 2015 nous donne sa lecture de cette loi et plaide une fois de plus pour que les blessés du coup d’État de septembre 2015 soient indemnisés dix ans après les faits.
Lefaso.net : Pouvez-vous revenir sur les circonstances dans lesquelles vous avez été blessé lors du coup d’État du 16 septembre 2015 ?
M. Sanogo : C’est peut-être une bonne question, mais je ne sais pas si je dois parler de moi. Je représente une association, j’en suis le porte-parole. Il serait beaucoup plus intéressant que je parle de l’association plutôt que de moi-même, car il ne s’agit pas pour moi de me mettre en vitrine.
Combien de membres compte votre association à ce jour ?
La liste n’est pas exhaustive. L’Association des blessés du coup d’État regroupe les blessés de cet événement. Bien entendu, il y a des gens qui ont été blessés lors de ce douloureux événement, mais qui ne sont pas membres de notre association ou qui peut-être même ignorent l’existence d’une association œuvrant pour les intérêts des blessés du coup d’État. Mais nous avons plus de 200 personnes, membres de l’association.
Le 30 décembre 2024, les députés ont adopté la loi portant amnistie et conditions d’octroi de la grâce amnistiante pour les auteurs du coup d’État manqué du 16 septembre 2015. Comment avez-vous accueilli l’adoption de cette loi ?
Cette loi, nous l’avons entendue lors du compte rendu du conseil des ministres du 18 décembre 2024. Et comme tous les Burkinabè, nous n’en savions pas tellement sur le contenu. Mais le ministre de la justice, des droits humains, chargé des relations avec des institutions, garde des sceaux nous a fait l’honneur de nous convier à son cabinet pour nous expliquer un peu en profondeur le contenu de cette loi. Donc c’est à l’issue de cette rencontre avec le garde des sceaux que nous avons compris.
Votre association n’a donc pas été associée à l’élaboration du projet de loi ?
Non, comme on parle de projet de loi, ça veut dire que c’est d’initiative gouvernementale. Nous n’avons pas été associés à l’élaboration dudit projet. Comme je vous le disais tantôt, c’est après l’annonce à la nation suite au compte rendu du conseil des ministres, que nous avons été invités par le ministre garde des sceaux qui nous a donné beaucoup plus d’informations et nous avons donné notre quitus pour accompagner ce projet de loi qui a été voté à l’assemblée le 30 décembre de la même année.
Et comment est-ce que vous avez accueilli justement cette loi ?
Au départ, ne connaissant pas le contenu exact de la loi, il va sans dire que nous étions un peu inquiets. Mais lors de notre rencontre, le ministre a bien spécifié que la loi ne porte pas atteinte aux intérêts de la partie civile. En termes simples, les intérêts de la partie civile seront préservés et le gouvernement s’engage à nous accompagner dans ce sens.
Alors d’aucuns disent que cette loi, c’est un peu une remise en cause de l’insurrection populaire. Vous, qu’est-ce que vous en pensez ?
On ne peut pas empêcher quelqu’un de faire son analyse comme vous l’avez expressément bien dit. C’est d’aucuns qui le disent, c’est leur analyse. Je pense que le garde des sceaux a eu à plusieurs reprises à donner son point de vue et le point de vue du gouvernement sur cette question. Du reste aussi à l’assemblée, certains députés sont revenus sur la même question que vous et le gouvernement leur a répondu. Le gouvernement a apporté la loi à l’assemblée, qui l’a voté, nous nous inscrivons dans le sens de cette loi.
À ce jour, comment se portent les blessés du coup d’État ?
À ce jour tous les blessés du coup d’État n’ont pas recouvré la santé. À l’instant précis je pense à Paré Ousmane, sapeur-pompier de son état qui traîne encore deux balles proches des poumons et c’est assez triste. À chaque fois que je vois la maman de ce dernier, j’avoue que ce n’est pas du tout simple. Il n’est pas le seul dans le cas.
Il y a d’autres blessés encore qui ont des problèmes de santé. Et vous me donnez justement l’occasion d’interpeller le gouvernement pour qu’il n’oublie pas ceux qui encore ont des difficultés suite à leurs blessures lors de cet événement douloureux.
En plus des blessés, notre association a enregistré trois décès après le procès. C’est le lieu pour moi de m’incliner respectueusement sur la mémoire de mes camarades disparus.
Nous sommes au terme de cet entretien, avez-vous un dernier mot ?
Merci de l’occasion que vous m’offrez. Oui, j’ai un dernier mot. Mon dernier mot va à l’endroit du président du Faso chef de l’État pour lui dire que les blessés du coup d’État du 16 septembre 2015 accompagnent le gouvernement dans sa lutte contre l’hydre terroriste. Nous sommes de tout cœur avec le gouvernement.
Je voulais aussi dire au Premier ministre, chef du gouvernement, de ne pas oublier les blessés du coup d’État du 16 septembre 2015, de les accompagner et d’accélérer si on peut le dire ainsi leur indemnisation.
Ensuite, je n’oublie pas un monsieur qui me tient très à cœur, c’est notre avocat, maître Prosper Farama. Pour ceux qui ne le savent pas, de 2015 à nos jours, maître Farama nous a assisté avant, pendant et après le procès et ne nous a jamais demandé cinq francs. Notre avocat ne nous a jamais tendu une facture d’aucune sorte et je ne peux pas passer sous silence ce geste à notre endroit. Je dis à maître grand merci, les blessés du coup d’État vous seront éternellement reconnaissants.
Entretien réalisé par Justine Bonkoungou
Photo et vidéo : Ange Auguste Paré
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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