Originaire du Sri Lanka, un pays d’Asie du sud, Maduri Dhanapala est arrivée au Burkina Faso en 2009. Venue rejoindre son mari, affecté pour le travail, elle a surmonté des défis d’adaptation culturelle et linguistique. Aujourd’hui pâtissière reconnue à Ouagadougou, elle a su trouver son chemin, tout en incarnant une belle histoire d’intégration et de résilience. Portrait.
Maduri Dhanapala n’avait jamais imaginé qu’elle vivrait hors du continent asiatique. Pourtant, en 2008, lorsque son mari est affecté comme représentant d’une marque commerciale dans 12 pays d’Afrique, l’idée commence à germer. A Colombo, la capitale du Sri Lanka, Maduri occupait un poste de responsable des expéditions dans une usine. Mais étant un jeune couple avec un fils en bas âge, son époux lui propose de le rejoindre au Burkina Faso, pays des hommes intègres. D’abord hésitante en raison des barrières linguistiques et culturelles, l’idée ne l’enthousiasme pas. « J’avais peur parce que je ne connaissais pas l’Afrique et aussi parce ce que trouver un emploi serait difficile à mon avis », raconte la jeune dame. Mais finalement, en 2009, elle démissionne de son emploi puis parcourt près de 9 000 kilomètres pour réunir sa famille. C’est ainsi que commence son aventure au Burkina Faso.
Dans ce nouveau chapitre de sa vie, Maduri s’est heurtée à un obstacle de taille : la langue. « Le français est tellement complexe pour moi », avoue-t-elle en parlant l’anglais. Le fait de parler l’anglais, une langue utilisée dans son pays dans le monde professionnel, a rendu son intégration laborieuse. « La langue est ma plus grande difficulté, mais j’essaie de mélanger un peu de français à mon anglais souvent pour me faire comprendre. À l’écrit sur WhatsApp, j’utilise Google translate pour comprendre ou me faire comprendre », explique la Sri-Lankaise. Malgré cela, Maduri souligne la gentillesse des Burkinabè, qui se montrent compréhensifs face à ses difficultés. Pendant ses premières années à Ouagadougou, elle mène une vie différente de son quotidien d’antan. Elle est femme au foyer. Si ce rôle lui permet de s’occuper de sa famille, il lui laisse quand même un goût d’inachevé.
Un nouveau départ vers la pâtisserie
En quête d’une activité qui lui permettrait de rester disponible pour sa famille, elle envisage un temps la coiffure. « J’ai remarqué que la texture des cheveux ici n’est pas la même que ceux de chez moi. Je ne pouvais pas maîtriser les coiffures et attirer de la clientèle », dit-elle en riant. Son choix se tourne alors vers la pâtisserie. Déterminée à exceller dans ce domaine et à se faire un nom, elle retourne au Sri Lanka pendant un temps pour une formation approfondie en pâtisserie. Forte de cette nouvelle expertise, elle revient au Burkina Faso et lance son activité. Des gâteaux préparés uniquement sur commande, à partir de chez elle. La particularité des douceurs de Maduri est sa décoration consommable. « Au début, quand j’ai commencé, dans les années 2011, j’ai remarqué que les pâtissiers utilisaient des fleurs en plastique ou d’autres objets pour décorer leurs gâteaux. J’ai donc décidé de faire des gâteaux dont l’intégralité est consommable. Je pense que c’est ce qui a plu aux gens et m’a permis de me faire un nom dans le domaine. »
Elle a aménagé son espace de travail chez elle dans une pièce détachée du bâtiment principal. La pâtissière produit ses entremets uniquement à la demande, car selon elle, pour mieux savourer un gâteau, il doit être frais, mais ne doit pas rester des jours dans un réfrigérateur. Ses gâteaux ne sont pas seulement des desserts, mais ils sont le symbole d’un mélange harmonieux entre deux mondes, le Sri Lanka et le Burkina Faso. « Je fais tous types de gâteaux. Les gâteaux de mariage, d’anniversaire, de baptême, etc. Les goûts des Burkinabè sont différents de ceux du Sri Lanka en matière de pâtisserie. Ici, j’ai remarqué que les Burkinabè aiment les gâteaux à la chantilly, mais chez moi ce sont les gâteaux au beurre. J’ai donc adapté mes productions en fonction de cela », fait savoir la pâtissière.
Elle importe du Sri Lanka ou de l’Inde des ingrédients essentiels comme les colorants alimentaires et le chocolat en poudre, qu’elle juge de meilleure qualité. Cette activité, dans laquelle elle s’en sort bien, lui a permis de remporter le prix du meilleur pâtissier à la première édition du concours mariage de l’année en décembre 2023.
Certainement la seule famille sri-lankaise au Burkina…
« À ma connaissance, toutes les personnes d’origine sri-lankaise vivant au Burkina sont sous mon toit », a dit Maduri avec un ton d’humour. Elle affirme n’avoir rencontré qu’un seul autre compatriote venu travailler pendant une courte durée. Sa communauté se limiterait donc à son mari, leur fils unique et son neveu, qui les a rejoints il y a quelques années. Face à cette absence de communauté sri-lankaise, Maduri et sa famille se rapprochent des Indiens vivant au Burkina Faso. Ils sont d’ailleurs très souvent confondus avec les Indiens. « Ne pas avoir de communauté sri-lankaise ici est parfois difficile, mais cela nous pousse à être très unis en tant que famille. Lorsque des gens m’assimilent à une Indienne, je ne discute pas, car nous sommes voisins », confie-t-elle. Pour ce faire, sa famille se joint aux activités de la communauté indienne la plupart du temps. « J’ai beaucoup d’amis indiens et comme ils sont plus nombreux, ils m’aident comme ils peuvent quand j’ai des difficultés pour acheminer mes produits. Il n’existe pas d’ambassade du Sri Lanka au Burkina. La plus proche se trouve au Kenya, mais heureusement, il n’y a pas beaucoup de complications pour venir ici », a souligné Maduri dans la langue de Shakespeare.
Malgré la complexité de la langue française et les défis liés à l’adaptation culturelle, Maduri se dit contente d’être à Ouagadougou. « La vie au Burkina Faso est dure, je dois l’avouer, car comparativement à mon pays, il pleut moins et il fait plus chaud. Il pleut tout le temps au Sri Lanka, mais ici, c’est uniquement pendant trois mois. Mais je vois les gens heureux avec une énergie débordante. Je me suis habituée au climat et à la chaleur et tout va mieux maintenant. Ce que j’apprécie ici, c’est l’accueil des gens. Ils sont toujours gentils avec moi quand je les rencontre », pense-t-elle.
Avec son sourire chaleureux et ses créations sucrées, Maduri Dhanapala est une preuve vivante qu’une idée peut fleurir dans les circonstances les plus inattendues. Elle espère que ce pays qui l’a accueillie sorte de l’insécurité et, pour elle, cela est en bonne voie. « Chez moi au Sri Lanka également il y a des problèmes, donc je comprends un peu ce que vit le Burkina actuellement. Mon mari a choisi de vivre au Burkina parmi les 12 pays dont il est responsable en raison de sa sécurité à l’époque, mais aussi pour la bienveillance de sa population. Et malgré les années et le contexte, je pense que ces raisons sont toujours valables », termine-t-elle en remerciant le Burkina pour l’avoir acceptée.
Le Sri Lanka est situé dans l’océan Indien, à une trentaine de kilomètres au Sud-est de l’Inde. C’est une île d’une superficie de 65 610 km2. Sa population s’élève à environ 22,4 millions d’habitants, selon le dernier recensement. Elle a pour capitale économique Colombo et comme capitale administrative Sri Jayawardenapura Kotte, située à 7 km au sud-est de Colombo. 57,7 % de son PIB (Produit intérieur brut) est issu principalement du tourisme, du textile, du ciment, du raffinage du pétrole et des services de technologies de l’information. Les langues locales sont le singhalais et le tamoul. L’anglais est la première langue étrangère enseignée, mais seulement 0,1 % de la population a l’anglais comme langue maternelle. Sans être langue officielle, elle est utilisée comme langue de travail par le gouvernement et est considérée comme une « langue de lien » par la constitution sri-lankaise.
Les relations de coopération entre le pays des hommes intègres et le Sri Lanka sont fines mais ne sont pas inexistantes. En décembre 2023 le président du Faso, chef de l’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré a reçu la lettre de créance de Kananathan Veluppilai nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire auprès du Burkina, avec résidence à Nairobi au Kenya.
Farida Thiombiano
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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