La situation du commerce illégal des ânes et de leurs produits en Afrique de l’Ouest est alarmante. Au Burkina Faso, par exemple, avant que le trafic d’ânes ne débute, en moyenne 15 000 ânes étaient abattus par an. Avec la forte demande en peaux d’ânes, le pays a enregistré environ 65 000 ânes abattus. Selon Emmanuel Sarr, directeur régional de Brooke Afrique de l’Ouest, la situation nécessite que plusieurs mesures soient prises dans les pays de l’Afrique de l’Ouest, sans quoi, les ânes disparaîtront dans les jours à venir.
Le phénomène du trafic d’ânes et de ses produits est né du besoin de fabrication d’un produit cosmétique, en Chine. « C’est un produit dénommé Ejiao qui aurait des vertus pour la santé… La demande est telle qu’aujourd’hui, les Chinois ont besoin de 5,8 millions de peaux pour développer ce produit. Ayant elle-même épuisé ses propres ressources, elle a dû se rabattre sur des pays comme ceux en Afrique, faisant croire qu’il était possible de développer l’élevage des ânes. Cela a eu comme principale implication la flambée du prix de l’âne. Un âne qui coûtait 30 000 francs CFA coûte aujourd’hui 120 000 francs CFA. Cela fait que, dans certaines communautés aujourd’hui, l’âne a tendance à disparaître », a-t-il déploré.
Conscient du phénomène, I’Union africaine (UA) a pris en février 2024, une décision visant à interdire le commerce des ânes et de leurs produits à l’échelle continentale. En 2016 déjà, au Burkina Faso, le gouvernement adoptait un décret portant règlementation de l’abattage et de l’exploitation des ânes. Mais en 2019, le phénomène a repris de plus belle. Le 3 décembre 2024, le gouverneur de Dédougou, par un communiqué, rappelait l’interdiction de la délivrance des certificats de transhumance des équidés de la région vers d’autres régions.
Selon Emmanuel Sarr, le Burkina, lui, joue sa part pour stopper le phénomène. Seulement, si le mouvement n’est pas soutenu par les autres Etats, la lutte n’aura pas les effets escomptés. « La plupart des pays qui ont pris des décisions d’interdire le commerce font face à d’autres pays qui n’ont pas encore pris de décision. On parle du Togo, du Nigéria par exemple. Etant des pays côtiers, ils constituent des portes de sortie pour les ânes vers la Chine. Les routes du trafic vont du Niger, du Nigeria, du Mali, passent par le Burkina Faso comme couloir de transmission, et sortent vers le Ghana et le Togo pour aller vers la Chine », a-t-il décrit.
Selon ses dires, avec la demande actuelle qui est de 5,8 millions de peaux, les estimations montrent qu’en 2027, si rien n’est fait, elle passera à environ 7 millions de peaux par an. Conséquence, l’âne finira par disparaître. « Si nous savons qu’en Afrique de l’Ouest nous avons moins de 10 millions d’ânes, cela veut dire que si ce commerce est laissé tel quel, en l’espace d’un an, il n’y aura plus un seul âne en Afrique de l’Ouest. C’est ce qui s’est passé en Chine. La population asine là-bas est passée de 11 à 2 millions en l’espace de dix ans. C’est cela qui a fait que les Chinois sont sortis de leur pays pour venir chez nous », a dépeint le directeur régional de Brooke Afrique de l’Ouest.
A la question de savoir s’il y a eu des échanges entre les différents pays d’Afrique de l’Ouest pour stopper le phénomène, Sanfo Kadré, directeur général de la santé publique vétérinaire et de la législation, répondra qu’il n’a pas connaissance d’échanges tenus à ce propos. « Mais au niveau des acteurs frontaliers, il y a certainement eu des communications », a-t-il informé. Et comme mesures pour accentuer la lutte contre le phénomène, il propose que le décret de 2016 soit revu pour réduire les déplacements des ânes et s’assurer que, dans certaines zones, la transhumance des ânes soit bien réglementée. Aussi, souhaite-t-il que les amendes soient élevées pour décourager ceux qui seraient tentés par cette aventure.
Erwan Compaoré
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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