En marge du 26e anniversaire de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques (CODMPP) et la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC) ont organisé, ce vendredi 13 décembre 2024 à Ouagadougou, une conférence publique sur la question des droits humains et des libertés dans le contexte de crise sécuritaire que vit le Burkina Faso. Elle a été animée par Aly Sanou du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) et modérée par Aminata Kaboré de l’association KEBAYINA, en présence des défenseurs des droits humains et des libertés comme Chrysogone Zougmoré, président du MBDHP et du CODMPP, Sagado Nacanabo, secrétaire exécutif du REN-LAC, Tolé Sagnon, ancien secrétaire général de la CGT-B et désormais chef de canton de Karaborola, dans les Cascades.
13 décembre 1998 – 13 décembre 2024, voilà 26 ans que le journaliste Norbert Zongo et ses compagnons d’infortune ont été assassinés. Pour marquer ce triste anniversaire comme à l’accoutumée, les organisations de défense des droits humains et des libertés, notamment le CODMPP, la CCVC, ont organisé une conférence publique sur le thème : « États des lieux des droits humains et des libertés dans le contexte de crise sécuritaire : enjeux et perspectives pour la lutte du peuple’ ». Ce thème a été décortiqué par Aly Sanou, secrétaire général du MBDHP, sous la modération de Aminata Kaboré de l’association KEBAYINA.
Dans son développement, Aly Sanou a d’abord défini les concepts des « droits humains » garantis notamment par la Constitution du Burkina Faso. Selon ses définitions, les droits humains sont des droits innés qui s’appliquent à tous les êtres humains du seul fait qu’ils soient nés humains. « Ainsi, les droits à la vie, au respect de l’intégrité physique des personnes, à la sécurité, à une justice équitable, à l’éducation, à la santé, au travail sont d’abord et avant tout consacrés par la Constitution et l’ensemble de nos textes nationaux », a soutenu Aly Sanou.
Les droits humains remis en cause au Burkina
Selon le conférencier Aly Sanou, ces différents droits suscités sont des acquis de décennies de luttes menées par le peuple burkinabè depuis « les indépendances formelles de 1960 ». Malheureusement, à en croire Aly Sanou, ces droits sont aujourd’hui remis en cause.
Sur le plan politique, Aly Sanou note l’aggravation de la crise sécuritaire caractérisée par « la persistance des attaques terroristes avec des tueries de masse, l’existence d’un nombre indéterminé de PDI, d’écoles et d’infrastructures sanitaires fermées, etc. Les massacres de Barsalogho et d’autres localités, les tueries ciblées du fait des groupes armés terroristes (GAT), les attaques contre les positions militaires et les postes de VDP ou encore les rapts de citoyens par les GAT continuent de constituer le lot quotidien des Burkinabè ».
On retient également de son exposé le retour de l’instabilité politique à travers la résurgence des coups d’États militaires, la remise en cause des libertés démocratiques, même les plus élémentaires, à travers « des enlèvements de citoyens, des disparitions forcées, des réquisitions arbitraires pour le front, des menaces de mort et autres formes d’intimidations contre les voix discordantes ».
Toujours selon Aly Sanou, sur le plan économique et social, le contexte national est marqué par l’aggravation de la vie chère à travers la flambée des prix des produits de grande consommation combinée à la baisse du pouvoir d’achat des populations consécutive à la multiplication des taxes sur les salaires, les produits et les services. « Dans les zones sous blocus des groupes terroristes, l’on assiste à la flambée vertigineuse des prix des produits de grande consommation, pourtant essentiels à la survie des populations. Les populations y sont confrontées à la famine et à la malnutrition chronique, le tout ponctué par des difficultés d’accès aux services sociaux de base tels que l’éducation et la santé. L’activité économique connait un véritable ralentissement. Les entreprises coulent sous le poids de la dette intérieure impayée. Cette situation engendre une véritable morosité économique, alors que le pays s’enfonce dans l’application des recettes de la Banque mondiale et du FMI qui ont paradoxalement le vent en poupe », a-t-il indiqué.
Pour Aly Sanou, ce contexte a naturellement un impact sur la situation des droits humains dans le pays. Ces atteintes sont imputables aussi bien aux groupes armés terroristes qu’à l’État burkinabè.
Les atteintes aux droits humains imputables aux groupes armés terroristes
A en croire Aly Sanou, le terrorisme constitue une atteinte grave aux droits humains dans la mesure où les actions terroristes visent sans nul doute possible la destruction même des droits de l’homme et de l’État de droit. « Le terrorisme s’attaque à tous les principes des droits de l’homme que sont : le respect de la dignité humaine, la primauté du droit, la protection des populations civiles, la tolérance entre les peuples et les nations, etc. Les actes terroristes compromettent la paix et la sécurité et menacent le développement social et économique », a-t-il défendu.
De façon concrète, le terrorisme constitue une atteinte grave et caractérisée aux droits humains à travers les tueries de masses et/ou ciblées contre les populations civiles ainsi que les éléments des forces de défense et de sécurité et des VDP, les atteintes à l’intégrité physique et psychologique de plusieurs milliers de personnes blessées et traumatisées quelques fois à vie, le déplacement forcé de centaines de milliers de personnes coupées de leurs terroirs et privées de leur vie de famille, les privations des droits à l’éducation et à la santé à travers les fermetures des services sociaux de base qui affectent plus d’un million d’enfants et d’adultes, etc.
Les violations des droits humains émanant de l’Etat
Aly Sanou, citant les organisations de défense des droits humains, note que, sous le prétexte de la lutte antiterroriste, l’on assiste à des cas de disparitions forcées, de tortures et de traitements cruels, inhumains et dégradants, à des cas de détentions arbitraires de citoyens bien souvent en dehors de tout processus judiciaire, etc.
« Dans ce cadre, l’État doit veiller à ce que les civils non armés ne soient pas victimes de son action antiterroriste. Ceux-ci doivent être protégés. Cela permet de nouer avec eux une relation de confiance qui permet d’en faire des alliés objectifs face au terrorisme. Qu’on se le dise tout net ! Lutter contre le terrorisme, ne dispense pas l’État du respect des droits humains. Naturellement, l’obligation faite à l’État de garantir la sécurité des personnes et des biens peut conduire à des restrictions des droits et libertés. Mais celles-ci doivent être légitimes, prévues par la loi, proportionnelles à la menace et limitées dans le temps », a-t-il insisté.
Aly Sanou ajoute que la situation actuelle des droits humains au Burkina Faso est également marquée par les restrictions des libertés de presse, d’opinion, d’expression, de manifestations à travers notamment les menaces contre les médias, les menaces de mort et diverses formes d’intimidations, les enlèvements et les disparitions forcées de citoyens, les réquisitions forcées de citoyens pour le front, etc.
L’État et les citoyens interpellés pour renforcer les acquis démocratiques et respecter les droits humains
Pour finir et pour préserver les acquis démocratiques, Aly Sanou a invité « chaque Burkinabè à constamment garder à l’esprit queles droits humains en général et les libertés démocratiques en particulier sont les fruits de décennies de luttes consenties, qu’aucun droit et aucune liberté ne sont définitivement acquis et qu’ils dépendent de la force de mobilisation des peuples et de leur engagement à défendre leurs libertés ».
Il interpelle les autorités à faire du droit des populations à la sécurité une réalité au Burkina Faso en veillant à assurer de manière effective et efficace, la sécurité des personnes et de leurs biens, sans discrimination aucune, sur toute l’étendue du territoire national, à mettre définitivement un terme à la pratique des exécutions sommaires, extrajudiciaires ainsi qu’aux disparitions forcées de citoyens et à assurer une meilleure protection des civils non armés, à mener des investigations sérieuses et impartiales sur tous les cas de violations des droits humains rapportés par les médias et les défenseurs des droits humains.
Aly Sanou appelle l’Etat à apporter toute l’assistance humanitaire nécessaire aux populations victimes du terrorisme et de la lutte anti-terroriste à la fois sur les plans médical, social et psychologique, en vue de soulager leurs souffrances et leur apporter la solidarité et le réconfort de la Nation, à accentuer la formation des FDS en matière de droits humains et de respect des règles de l’État de droit et prendre des sanctions disciplinaires contre les éléments des FDS auteurs de violations de droits humains sans préjudice de sanctions judiciaires, à prendre des mesures concrètes pour lutter contre toutes les formes de stigmatisation et de discrimination basées notamment sur l’appartenance : ethnique et/ou religieuse et mettre en œuvre des actions concrètes en faveur de l’unité nationale et de la cohésion sociale.
Il invite également l’État à procéder à la libération de toutes les personnes arbitrairement réquisitionnées, à respecter scrupuleusement les règles de l’État de droit en appliquant toutes les décisions de justice et en garantissant de façon effective l’indépendance de la justice, à prendre les mesures nécessaires pour améliorer les conditions de vie des populations frappées par la vie chère, les effets de l’insécurité et le ralentissement actuel des activités économiques, etc.
Mamadou ZONGO
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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