Après sa reconstitution en 1947, la Haute Volta était jusque-là un territoire d’outre-mer de la France. De la mise en place d’un conseil général en 1948 à l’avènement d’un conseil de gouvernement en 1956 avec la loi-cadre, en passant par la mise en place d’une assemblée territoriale en 1952, la Haute Volta deviendra, le 11 décembre 1958, une république autonome, membre de la communauté française. Retour sur le processus qui a conduit à la proclamation de cette république.
Dès que reconstituée en 1947, la Haute Volta connaîtra une évolution rapide de ses structures et des institutions qui la fondent comme un territoire d’outre-mer de la France. En 1947, avec la création du Grand Conseil de l’AOF, la Haute Volta participe avec quelques députés dont l’une des figures majeures était Gérard Kango Ouédraogo. Dans le grand Conseil de l’AOF, la Haute Volta se sent lésée car ayant servi durant sa suspension de base arrière humaine et économique pour ses voisins. Les députés y défendirent le droit de la Haute Volta à avoir un budget spécial capable de relancer son économie et de financer les projets de développement. En 1948, il y eut un décret portant création du conseil général de la Haute Volta avec 10 membres. En 1952, ce conseil général est transformé en assemblée territoriale avec la loi n° 52-130 du 7 février 1952 qui permet à chaque territoire de disposer d’un budget autonome de fonctionnement.
De la loi cadre à la naissance d’une république
La France, à la sortie de la 2ᵉ guerre mondiale, fera face à des remous dans ses colonies du fait de l’activisme de certaines élites africaines pour réclamer l’indépendance. Déjà dans le Grand Conseil de l’AOF, les élites africaines réunies constituaient un maillon fort face aux colons et débattaient sur la nécessité d’une indépendance totale de l’Afrique. La question de la fédération dans l’accession à l’indépendance était sur la table, même si la plupart des élites redoutaient les conséquences de l’accession brutale à une indépendance sans la France.
La France, comme pour anticiper un désir d’autonomie directe de ses colonies qui se fera sans elle et en dehors d’elle, a institué en 1956 la loi-cadre. Cette loi-cadre, qui fut une trouvaille de Gaston Defferre, permettait aux colonies de disposer d’une autonomie avec l’institution du suffrage universel, le collège unique et un conseil de gouvernement dont les ministres sont élus par l’assemblée territoriale. En Haute-Volta, Daniel Ouezzin Coulibaly fut porté par l’assemblée territoriale à la tête du premier gouvernement autonome le 17 mai 1957. Mais celui-ci décède un an après et fut remplacé par Maurice Yaméogo.
Le 28 septembre 1958, De Gaulle propose cette fois-ci un choix à chaque territoire à travers un référendum : l’autonomie dans l’Union française ou l’indépendance immédiate, sans la France. La Haute Volta approuve massivement la nouvelle constitution qui le maintient dans la communauté française. C’est dans le cadre de cette nouvelle relation avec la France qu’elle accède, le 11 décembre 1958, au statut de république, à la souveraineté nationale et internationale et libre dans ses relations avec les autres États du monde entier. Ce qui va lui permettre de se doter, dès 1959, d’instruments juridiques et symboliques d’un État souverain par Maurice Yaméogo : une constitution, un drapeau, un hymne national. Mais ces éléments constitutifs de la nouvelle république figent le mimétisme avec la France.
Benoît Beucher note ainsi dans La naissance de la communauté burkinabè ou comment le Voltaïque devient un homme intègre : « Les mesures prises visant à adopter les symboles forts de l’État-nation indépendant n’ont donc rien d’original ; elles empruntent largement aux icônes de l’ancienne nation colonisatrice. À en croire le premier président, ces symboles ne visent d’ailleurs pas prioritairement à susciter l’unanimité au sein de la majorité des Voltaïques. Maurice Yaméogo exprime ainsi le souhait que la devise, ainsi que l’emblème retenus, rencontrent l’adhésion des députés et que, solennellement, nous nous trouvions tous unis sous les plis du drapeau national. Évidemment, ces propos ne nous surprennent pas totalement dans la mesure où il revient à l’Assemblée législative d’adopter le projet de loi définissant ces symboles. En revanche, ils traduisent cette ferme croyance selon laquelle la décision, prise par une poignée de députés et sur proposition du gouvernement, sera en mesure de susciter mécaniquement le sentiment d’unité recherché auprès des « masses », ainsi que leur loyauté à l’égard de ce qui se transforme progressivement en État-RDA. »
Il ajoute dans la même veine : « La sémantique attachée aux symboles républicains paraît d’ailleurs particulièrement pauvre. Elle renvoie à des icônes importées de la métropole, conjuguées à celles forgées par le régime colonial en Haute-Volta. Ainsi, et de façon tout à fait classique, les premières mesures de souveraineté, prises très rapidement au cours de l’année 1959, visent à donner à la République son jour de fête nationale : le 11 décembre. Mais aussi un drapeau tricolore : noir, blanc, rouge, correspondant aux trois Volta, ainsi nommées par la puissance coloniale. L’hymne national, quant à lui, est baptisé « La Volta », comme on aurait pu s’en douter. »
Wendkouni Bertrand Ouédraogo (collaborateur)
Lefaso.net
Référence
– La loi-cadre du 23 juin 1956. Loi °48-570 du 31mars 1948 instituant le conseil général de la Haute-Volta.
Benoit Beucher, Maître de conférences en Histoire contemporaine (Afrique de l’Ouest et centrale), UFR GHES, Université de Paris : « La naissance de la communauté nationale burkinabè, ou comment le Voltaïque devint un « homme intègre » ». Sociétés politiques comparées, 2009,13. ffhalshs-01511783ff
– Cent ans d’histoire du Burkina : 1895- 1995, p1010, Ibrahima Thioub
– Bourcart Robert, le Grand Conseil de l’Afrique occidentale Française, Institut des Hautes études de Dakar,1955
Source: LeFaso.net
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