Le Laboratoire Citoyennetés, organisation de mise en œuvre, avec la Fondation Hirondelle, du projet FAciliter la Redevabilité et la VEILLE citoyenne avec la SOciété civile (FASOVEIL) a, dans le cadre dudit projet, présenté un rapport-pilote de suivi des politiques publiques intitulé « Rapport alternatif 2023 ». La présentation, qui a eu lieu le mardi, 26 novembre 2024 à Ouagadougou, a réuni plusieurs personnalités administratives, militaires, des leaders coutumiers et d’organisations de la société civile. Ce document, premier du genre, est le fruit d’une démarche concertée de dialogue et de production entre acteurs de la société et avec le soutien des acteurs étatiques. Il est assorti de recommandations adressées au gouvernement, en vue de l’amélioration des politiques publiques.
Par cette démarche, il s’est agi, pour le Laboratoire citoyennetés et les organisations parties-prenantes au processus, de rendre public le « Rapport alternatif 2023 ». Par cette initiative, les organisations de la société civile constituées autour du projet Fasoveil visent à soutenir les efforts nationaux en matière de développement. Douze thématiques de suivi citoyen constituent le contenu du rapport, et chaque thématique est portée par une organisation de la société civile. C’est ce document qui a donc été présenté aux acteurs concernés, un exercice qui a suscité commentaires et questions d’éclaircissement dans l’assistance qui a, pendant plusieurs heures, prêté attention au déroulement du contenu et du contour de l’initiative.
Le « rapport alternatif 2023 », ce sont douze actions prioritaires reparties dans quatre piliers, correspondant aux axes du référentiel national de développement. Il s’agit de la lutte contre le terrorisme et de la restauration de l’intégrité territoriale ; la réponse à la crise humanitaire ; la refondation de l’Etat et l’amélioration de la gouvernance ; la réconciliation nationale et la cohésion sociale.
A l’issue du travail de terrain effectué à travers le pays auprès des populations pour récolter les données, les organisations de la société civile ont relevé et salué les acquis intéressants engrangés avant de relever également des insuffisances qui, pour elles, représentent des défis de développement. Ce sont ces défis qui ont été, précisent-elles, mis en exergue et dont ont découlé les recommandations formulées à l’endroit du gouvernement pour améliorer l’efficacité des politiques publiques de développement.
« Ce rapport a permis de noter que, au titre de la lutte contre l’insécurité et de la reconquête du territoire, les citoyens se sont globalement mobilisés, suite à l’appel des autorités, pour participer à l’effort collectif, en vue de libérer le pays. Cet effort a été constaté par la société civile, qui félicite l’ensemble des citoyens, l’ensemble des structures qui se sont engagés à soutenir l’Etat pour que nous puissions sortir de cette situation difficile. Mais nous avons aussi noté que, pour que nous puissions réussir cette lutte, les efforts doivent être maintenus, notamment dans l’encadrement des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), qui ne sont pas des professionnels, mais sont des volontaires. L’Etat fait déjà des efforts, mais nous pensons que ces efforts doivent être soutenus, renforcés, pour que ces acteurs puissent participer de manière efficace à la sécurisation du territoire. Nous avons aussi, en lien avec cette question, réfléchi, documenté la problématique de la lutte contre le blanchissement de capitaux et le financement du terrorisme. A ce niveau également, il y a des efforts qui sont faits, la société civile a apprécié, a salué cela, mais nous pensons que nous devons aussi faire des efforts pour mieux prendre en compte, notamment la dimension informelle de notre économie. Il y a beaucoup de flux financiers qui circulent dans des réseaux informels, nous pensons que si l’Etat met davantage l’accent sur cet aspect, il peut mieux réussir à contrôler les transferts de flux financiers et cela va contribuer aussi à assécher le financement du terrorisme », a commenté le secrétaire permanent du Laboratoire Citoyennetés (ACE-RECIT), Armand Joseph Kaboré.
Selon M. Kaboré, après la publication du rapport, le dialogue va se poursuivre avec les sectoriels, en lien avec les différentes thématiques qui ont été traitées, « parce que, pour nous, on peut réussir à influencer les politiques publiques par la production de savoir, le dialogue, la concertation ».
Le président du Conseil national des organisations de la société civile, Hermann Doanio, ne perd pas de vue également, le contexte de réalisation du travail. « L’aspect sécurité a joué, dans la mesure où toutes les zones n’ont pas été accessibles. Il y a aussi l’apeurement de certaines populations, qui n’ont pas voulu s’exprimer sur un certain nombre de questions contenues dans les guides de collecte. Mais la collecte a pu être organisée et l’essentiel de l’appréciation des populations récolté. Il faut surtout noter que nous sommes dans un pays où la sécurité est devenue la priorité N°1, ce qui a fait que l’action publique s’est concentrée sur l’aspect sécuritaire ; les secteurs dits sociaux et de développement n’ont pas eu assez de ressources de l’intervention publique. C’est une répercussion de la crise sécuritaire sur l’efficacité des politiques de développement. Qu’à cela ne tienne, on ne peut pas se développer sans sécurité, nous consentons qu’on puisse déployer plus de moyens pour sécuriser et reconquérir le territoire national, mais aussi mener des actions de développement parallèlement et une fois qu’on aura sécurisé le territoire national, on pourra penser à un développement beaucoup plus accéléré, beaucoup plus rapide, pour permettre aux populations de vivre dignement », a scruté M. Doanio.
Mobilisation plus soutenue de toutes les composantes et des partenaires du Burkina
Le travail abattu par les organisations a accouché de plusieurs recommandations, formulées pour chaque pilier. Ainsi, au titre du pilier I (la lutte contre le terrorisme et la restauration de l’intégrité territoriale), les organisations recommandant de poursuivre et renforcer l’encadrement des volontaires pour la défense de la patrie afin d’accentuer le climat de confiance avec les communautés ; engager de manière anticipative, l’élaboration concertée d’un plan de démobilisation des volontaires pour la défense de la patrie afin de les rassurer du soutien de l’Etat, y compris après la crise ; améliorer la redevabilité du secteur de la sécurité pour renforcer l’adhésion des citoyens ; renforcer l’arsenal juridique ainsi que les capacités d’action des structures chargées de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ; renforcer la lutte contre la contrebande et l’approvisionnement des groupes terroristes à partir notamment des sites miniers d’exploitation artisanale.
Sur le pilier II, relatif à la réponse à la crise humanitaire, elles ont recommandé l’amélioration de l’accès des citoyens à l’information sur la gestion de la crise humanitaire ; l’affinement davantage du ciblage des personnes bénéficiaires des opérations de distribution, notamment de semences améliorées et d’intrants aux personnes vulnérables ; l’augmentation des dotations et l’allègement des procédures de mise à disposition des intrants et semences améliorées.
En ce qui concerne le pilier 3, à savoir la refondation de l’Etat et l’amélioration de la gouvernance, la société civile suggère de privilégier les démarches plus participatives et inclusives en vue de la préparation des prochaines réformes. Au niveau local, et toujours concernant ce pilier, cela pourra se traduire par l’institutionnalisation d’approches de gestion plus participatives, telles que le budget participatif, le suivi communautaire des infrastructures. Elle préconise également de renforcer le transfert de ressources aux collectivités territoriales ainsi que leurs capacités économiques afin de les rendre plus attractives et à même de mieux contribuer à la résolution durable des crises actuelles et futures ; améliorer les dispositifs de prise en compte de la préférence locale afin de favoriser l’émergence d’une économie locale viable. Il s’agit, entre autres, d’accompagner les collectivités et les communautés locales à renforcer les mécanismes de contrôle pour l’amélioration de la qualité des infrastructures et des services publics ; opérationnaliser la digitalisation des moyens de paiement pour éviter les contacts entre les usagers et les agents de l’administration.
Quant au pilier 4, réconciliation nationale et cohésion sociale, il est prôné de réduire la pratique du dualisme en matière de gestion foncière ; améliorer le fonctionnement des structures locales de gestion foncière ; accélérer le processus d’informatisation du cadastre foncier ; renforcer l’éducation des citoyens aux médias.
« La mise en œuvre de ces recommandations nécessite des engagements plus forts de l’Etat, et aussi une mobilisation plus soutenue de toutes les composantes de la nation et des partenaires du Burkina Faso. Les acteurs de la société civile parties-prenantes du présent processus de suivi restent déterminés à contribuer à l’atteinte des objectifs de stabilisation et de développement national. Ceci se fera non seulement à travers des analyses contextualisées et des propositions argumentées, mais aussi par toutes autres formes de contributions utiles pour les communautés. La qualité de cette participation reste avant tout tributaire de l’environnement socio-politique global. Un environnement socio-politique empreint de confiance mutuelle, de tolérance et de concertation inclusive permettra au Burkina Faso de sortir plus rapidement et durablement de la crise sécuritaire, tout en renforçant notre attachement aux principes de souveraineté. Ainsi, les acteurs de la société civile engagés dans le présent exercice de suivi citoyen exhortent l’ensemble des acteurs, y compris les pouvoirs publics, à œuvrer dans le sens du renforcement de l’espace civique et de la défense de l’intérêt général, dans un esprit de dialogue, de tolérance et de confiance », estiment les organisations de la société civile.
Pour rappel, le projet Fasoveil, qui a pour objet essentiel, le suivi et l’influence des politiques publiques par la société civile, repose sur deux composantes : « le renforcement des capacités des OSC et la coordination générale du programme pour l’amélioration des politiques publiques », assurée par le Laboratoire Citoyennetés, et « la production et diffusion de contenus médias de qualité pour la visibilité et le soutien à l’influence des actions de redevabilité des OSC sur les politiques publiques », conduite par la Fondation Hirondelle, Studio Yafa.
A l’issue de la présentation du rapport, les organisations de la société civile ont fait une déclaration dans laquelle, elles « réaffirment leur détermination à œuvrer aux côtés de l’Etat pour approfondir les différentes recommandations et/ou propositions de réformes, et aussi participer à leur opérationnalisation ».
O.L
Lefaso.net
Organisations partenaires et leurs thématiques de suivi citoyen :
– Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) : la lutte contre la corruption
– Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) : les réformes politiques nationales
– Centre d’études et de recherche appliquée en finances publiques (CERA-FP) : la décentralisation et gouvernance locale
– Réseau des organisations paysannes pour une synergie d’actions au Burkina Faso (ROPSA) : la sécurité alimentaire et nutritionnelle
– Organisation pour le renforcement des capacités de développement (ORCADE) : la gouvernance des ressources minières
– Centre d’information, de formation et d’étude sur le budget (CIFOEB) : la gouvernance du secteur de la sécurité
– Commission justice et paix (CJP-BF) : la réconciliation nationale et la cohésion sociale ;
– Conseil burkinabè des organisations de développement communautaire (BURCASO) : santé-suivi, assurance maladie universelle
– Cadre de concertation des ONG et associations actives en éducation de base au Burkina Faso (CCEB-BF) :
L’éducation-suivi des politiques publiques en matière d’éducation
– Centre d’information et de formation en matière de droits humains en Afrique (CIFDHA) : L’accès à la justice.
– Institut Free Afrik : Culture-économie de la culture et décentralisation culturelle
– Centre d’études, d’expérimentations économiques et sociales pour l’Afrique de l’Ouest, pôle régional Burkina (CESAO-PRB) : l’eau et l’assainissement, suivi des politiques d’accès à l’eau et à l’assainissement.
Source: LeFaso.net
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