Le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) a rendu publics, ce 26 novembre 2024, les résultats du rapport 2023 sur l’état de la corruption au Burkina. Ce rapport révèle que la police municipale, est perçue par les personnes enquêtées comme le service le plus corrompu. Elle est suivie par la douane et la police nationale. Toutefois, on note de manière générale une baisse de la perception de la corruption. En effet, 65,77% des enquêtés estiment que la corruption est fréquente, contre 85,23% en 2021, soit une baisse de 20 points de pourcentage.

Le sondage sur la perception de la corruption s’est déroulé du 17 novembre au 9 décembre 2023 et a concerné 2 883 personnes réparties dans 13 villes (12 chefs-lieux des régions administratives du Burkina Faso, hormis la ville de Dori et la ville de Pouytenga). En plus du sondage, une revue documentaire a été faite et a permis de rendre compte des actions de lutte anti-corruption des différents acteurs.

Selon le sondage, réalisé auprès des populations, la corruption a connu une baisse en 2023. En effet, 65,77% des enquêtés jugent les pratiques de corruption fréquentes voire très fréquentes. Cette proportion était de 85,23% en 2021, soit une baisse d’environ 20 points de pourcentage. Aussi, l’Indice synthétique de perception de la corruption (ISPC), calculé à partir de la perception des enquêtés sur la fréquence et l’évolution du phénomène, est passé de 71 points en 2021 à 40 en 2023. Ce qui représente une baisse de 31 points.


Toutefois, en ce qui concerne les expériences pratiques de corruption vécues par les usagers de l’administration publique, le phénomène reste constant, malgré une légère baisse enregistrée. En 2023, 26,1% des enquêtés affirment avoir personnellement offert au moins une rétribution illégale à des agents publics en échange d’un service non soumis à paiement. Ce pourcentage, qui était de 31,7% en 2021, se situe au même niveau que celui de 2020.

Pour ce qui est des actions de lutte anti-corruption des acteurs étatiques, l’analyse montre un discours favorable à la lutte contre la corruption, mais une absence d’actions d’envergure au sommet de l’État contre le phénomène en 2023. Par contre, les corps de contrôle de l’État ont été actifs dans la lutte contre les crimes économiques, particulièrement l’Autorité supérieure de contrôle d’État et de lutte contre la corruption (ASCE-LC). Elle s’est distinguée par la publication des résultats des audits de la gestion des différentes institutions, révélant plusieurs manquements.

Sagado Nacanabo, secrétaire exécutif du REN-LAC

Pour ce qui concerne les acteurs non étatiques, l’enquête souligne que la presse, surtout celle d’investigation, a joué sa partition au cours de l’année 2023 dans la lutte contre la corruption et la mal gouvernance. Elle a mis en lumière plusieurs mauvaises pratiques en cours dans l’administration publique, telles que la mauvaise gestion des fonds publics, les irrégularités dans la commande publique et le favoritisme.

Pour ce qui est des institutions publiques perçues comme étant les plus corrompues, le sondage réalisé permet de classer la police municipale au premier rang, la douane au second rang et la police nationale au troisième rang. Il faut noter que le trio de tête est resté le même depuis 2021. La Direction générale des transports terrestres et maritimes (DGTTM), qui occupait la 5e place en 2021, trône désormais à la 4e place en 2023. Le secteur de la santé passe également du 6e rang en 2021 au 5e rang en 2023.

Des recommandations pour une lutte contre la corruption plus efficace

Pour une meilleure lutte contre la corruption, le rapport a formulé des recommandations à l’endroit des différents acteurs. Le gouvernement est invité à traduire le discours anti-corruption en actes politiques concrets à travers l’exemplarité, la transparence et la redevabilité dans la gestion des affaires de l’État, ainsi que le renforcement du pouvoir judiciaire.

Des exemplaires du rapport ont été remis à diverses institutions

L’exécutif est appelé à rationaliser la gestion des ressources publiques à travers la mise en place et l’opérationnalisation de logiciels de gestion des missions et du carburant dans les services publics et parapublics.

Quant aux parlementaires, recommandation leur a été faite de renforcer le contrôle de l’action gouvernementale en s’assurant du strict respect des règles de bonne gestion des finances publiques.

Persistance de la corruption, impunité et sanctions pas assez dissuasives

A en croire le secrétaire exécutif du REN-LAC, Sagado Nacanabo, malgré la baisse de la perception de la corruption, le phénomène demeure préoccupant. Il note qu’en 2023, ce sont plus de 729 cas de dénonciations de faits de corruption qui ont été enregistrés par le REN-LAC. Une situation préoccupante, selon Sagado Nacanabo, quand on considère le contexte sécuritaire dans lequel se trouve le Burkina.

A en croire le secrétaire exécutif du REN-LAC, la persistance de la corruption pourrait s’expliquer par l’impunité et le fait que les sanctions ne soient pas à la hauteur des fautes commises. « Des juges, notamment ceux de 2e juridiction, ont tendance à dire qu’il faut préserver l’emploi des coupables. De telle sorte qu’ils prennent toujours à minima les mesures. Quand on prévoit une fourchette de sanctions, ils prennent toujours les bornes inférieures et les assortis sent systématiquement de sursis », explique-t-il.

Pour lui, si les choses continuent dans ce sens, le pays ne pourra jamais avoir une « administration publique propre, une gouvernance vertueuse ».

Armelle Ouédraogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net