Sans surprise, les conseils des prévenus Marie-Joseph Sanou, ancien inspecteur général des services de santé, et Wilfried Ouédraogo, ancien secrétaire général du ministère en charge de la santé, ont plaidé pour la relaxe de leurs clients. Pour le premier, son avocat, Me Fako Ouattara, a estimé qu’il n’y a pas d’éléments justifiant la culpabilité de son client. Pour le second, ses avocats, Me Minoungou et Me Guitanga, ont soutenu que leur client était bel et bien responsable des ordres de mission signés, mais qu’il n’était pas coupable de l’infraction qui en a découlé.

C’est par les plaidoiries des avocats de la défense que les débats se sont clos, dans le cadre de l’affaire Marie-Joseph Sanou. Après avoir interrogé le témoin et écouté les plaidoiries de l’Agent judiciaire de l’Etat, du Réseau national de lutte anti-corruption, et du ministère public, le conseil du prévenu principal, Me Fako Ouattara, est revenu dans un premier temps sur les circonstances qui ont prévalu à ce que son client soit à la barre. De ses dires, un dossier complet a été monté par lui contre le témoin, Ahmed Boly. Et ce n’est qu’en voulant éviter de comparaître en premier devant le Tribunal, que ce dernier s’est empressé d’attraire Marie-Joseph Sanou en justice.

Par ailleurs, il rappelle que son client ne nie pas avoir reçu les frais de mission de plusieurs activités qui se tenaient dans le même temps. Toutefois, rappelle-t-il : « il était guidé par l’atteinte des objectifs. » Tout en expliquant que le système administratif est encore à polir, il souligne que la charge de travail, la pression et les résultats à atteindre coûte que coûte, sont les raisons pour lesquelles, l’ancien inspecteur général des services de santé a accepté d’effectuer des missions qui se chevauchaient. « Certains partenaires attendent des résultats. Ce que vous devez faire en trois jours, on vous somme souvent de le faire en un jour. Du côté de mon client, le travail a été fait et les résultats sont là… Jusque-là, personne ne nous a présenté un dossier nous disant qu’il a été mal exécuté, ou que l’inspection technique, ou encore le ministère de la santé, a subi un préjudice au regard des frais de mission perçus par Marie-Joseph Sanou. C’est parce que le travail a été fait et les résultats atteints », a-t-il justifié.

Aussi, soutient -il, les faits se sont déroulés en fin d’année. « Tout le monde sait que les fins d’années sont chargées en activité. Ce n’est pas mon client qui a demandé à ce que les activités soient programmées de la sorte. Et même là, lorsque le témoin Ahmed Diallo, dit qu’il a constaté depuis son arrivée que cela se faisait, pourquoi avoir attendu deux ans, soit de 2021 à 2023, pour porter plainte ? » s’est-il demandé avant de poursuivre sa plaidoirie en ces termes : « pensez-vous réellement que c’est pour 30 000 francs CFA par jour que l’on peut aller à Fada dans les conditions que l’on connait ? C’est par conviction et par patriotisme. Il n’y a pas d’intention coupable » a-t-il conclu, souhaitant par la même occasion que son client soit relaxé, pour infraction non constituée.

Après lui, c’est Me Guitanga qui a été entendu par le Tribunal. En prenant la parole pour défendre Wilfried Ouédraogo, ancien secrétaire général du ministère de la santé, poursuivi pour complicité de concussion, il fera observer dans un premier temps que certaines dispositions visées dans l’acte de poursuite établi par le procureur ne concordaient pas avec celles pour lesquelles les débats se tiennent. « Le procureur lui même l’a reconnu. Il a dit ici que l’acte de poursuite complétait une erreur. A mon niveau, je tiens à préciser que l’acte de poursuite en question est rédigé sur deux pages. Mais il contient quand même une erreur. Mais c’est tout de même bizarre qu’on ne veuille pas comprendre que mon client soit admis à en faire quelques unes, alors qu’il a voir passer sous ses yeux, une centaine de pages par jour » a-t-il indiqué.

De cette affaire dit-il, il y a des faits constants, et des faits evasifs. « Les faits constants tiennent au fait que les ordres de mission ont bel et bien été signés par Dr Wilfried Ouédraogo. C’est lui qui devait les signer. L’erreur de doublon vient de lui. Il l’a admis, vu que c’est lui qui doit valider les ordres de mission. Les faits évasifs eux, tiennent au fait que l’on dise qu’il y a eu entente secrète entre notre client et Dr Marie-Joseph Sanou. Alors que ni lui, ni notre client, n’a dit ici à votre barre, qu’ils se sont entendus pour cela. La seule personne qui l’a dit, c’est M. Boly. Et dans quelle circonstance d’ailleurs ? On se le demande bien, parce qu’il est difficile de comprendre que de 2021 à 2023, il a laissé les ordres de mission se chevaucher sans jamais parler. Mais que subitement, il se retrouve avec toutes les preuves collectées et montées pour en constituer un dossier à amener devant le Tribunal pour jugement » a-t-il laissé entendre.

« Qu’à cela ne tienne, que ce soit le témoin ou le prévenu Marie-Joseph Sanou, personne n’a dit qu’on a dit à notre client de faire des doublons et il l’a fait. Personne aussi n’a dit qu’il a reçu de l’argent pour le faire. Il avait donc quel intérêt à la faire ? » s’est-il interrogé, avant de poursuivre en ces termes : « Pour l’infraction, il faut un auteur de l’infraction. En sus, il faut un fait punissable. L’élément matériel ici consiste en l’assistance et le dernier élément désigne l’intention coupable, c’est à dire, l’élément moral. Est-ce que M.Ouedraogo savait qu’il y avait doublon et signait sciemment quand même les ordres de mission ? Une chose est sûre, il les a signés. Mais comme il vous l’a expliqué, il rencontre beaucoup de dossiers et cela peut lui échapper. Pour avoir fait dix ans dans l’administration et pour les quelques douze ans que j’ai en tant qu’avocat, je sais ce que c’est que l’administration… Et pour notre part, nous mettons cela sous le coup de la charge de travail. »

En renchérissant, Me Minoungou a souligné que leur client était bel et bien responsable des actes qu’il a commis, mais qu’il n’était pas coupable de ce qu’on lui reproche car l’élément moral qui est l’intention, n’y est pas. En plaidant ainsi, ils ont réclamé la relaxe de leurs clients, pour infraction non constituée.

A la fin des plaidoiries, le Tribunal a donné la parole a chacun des prévenus pour un dernier mot. M.Sanou, tout en s’excusant auprès du Tribunal, souligne qu’il était juste motivé par l’envie d’exécuter ses tâches, et que la recherche du gain n’était pas ce qu’il visait. « Ayant fait valoir mes droits à la retraite, c’est une étape de ma vie qui me servira sûrement de leçon » a-t-il laissé entendre. M. Ouédraogo lui, dit n’avoir rien à ajouter. « Je m’en tiens à ce que mes avocats ont dit » a-t-il lâché.

Le verdict est attendu pour le 29 novembre 2024.

Erwan Compaoré

Lefaso.net

Source: LeFaso.net