L’arbitrage s’est présenté à Fabienne Yvette Yaméogo par la force du destin. Et à mesure que le temps s’écoule, entre elle et l’arbitrage, c’est devenu du « je t’aime moi non plus ». Elle officie les matchs depuis 2008. Seize ans qu’elle siffle les championnats au Burkina Faso. Elle a officié son premier match en tant qu’arbitre central en 2009. À ce jour, Fabienne Yvette Yaméogo totalise plusieurs centaines de matchs, soit en moyenne 50 par an. Dans cette interview qu’elle a bien voulue nous accorder, elle revient sur les difficultés, son plus beau souvenir mais également sur ses projets.
Lefaso.net : Quelles sont les étapes pour devenir arbitre professionnel chez les femmes ?
Fabienne Yvette Yaméogo : Jusqu’à présent, nous n’avons pas un arbitrage professionnel féminin au Burkina Faso. Cependant, pour atteindre le haut niveau, il y a des étapes à franchir. Il faut passer par des tests théoriques, physiques et surtout des tests pratiques qui se déroulent tous les deux ans. Ainsi, on passe d’élève arbitre à arbitre de district. Après cette étape, on devient arbitre de ligue. Le dernier grade ou le grade le plus élevé est l’arbitre fédéral. C’est parmi les arbitres fédéraux que les meilleures sont choisies. Elles sont ensuite inscrites sur la liste des arbitres internationaux. Il est important de préciser que c’est par une nomination qui se renouvelle chaque année qu’on devient arbitre de la Confédération africaine de football (CAF) ou de la Fédération internationale de football association (FIFA).
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans l’exercice de votre profession ?
Chaque profession rencontre des difficultés. Chez nous, c’est-à-dire, chez les arbitres féminins, on en dénombre plusieurs, dont le complexe qui dit que c’est un milieu réservé aux hommes et pas aux femmes. Je peux citer par exemple la condition physique qui est exigée pour pouvoir toujours être désignée sur les matchs. Pour une femme, vous conviendrez avec moi que c’est une condition assez difficile à maintenir. Pour y arriver, nous sommes obligées de nous entraîner dur tous les jours pour garder la forme. Malgré la volonté, il y a que nous manquons de temps pour nous entraîner tous les jours.
Parce qu’il faut le dire, il faut vraiment avoir du temps pour y arriver. En plus de l’entraînement, nous avons l’obligation de participer aux réunions d’analyses des matchs. Pourtant, il y a des matchs tous les week-ends sans oublier les voyages. Pour cela, il faut être très bien organisé, sinon tu passes à côté. Il y a aussi la vie sociale qui prend un coup et encore plus quand on est une femme mariée. Avec toutes les exigences que j’ai mentionnées plus haut, la maternité devient problématique et cela peut être source de conflit dans le foyer. Une autre difficulté, non des moindres, ce sont les injures, les menaces et la pression des matchs que nous subissons au quotidien.
Est-ce que la gente féminine est intéressée par cette profession ?
Avec tout ce que j’ai cité comme difficultés, il va de soi que beaucoup de filles ne sont pas intéressées. Je dois reconnaître qu’il y en a qui aiment le métier d’arbitre et d’autres, je dirais sont passionnées. Mais quand elles réfléchissent aux exigences qui vont avec, elles se rétractent. D’autres aussi préfèrent s’arrêter à la basse échelle pour éviter les exigences. Cela ne veut pas dire qu’à ce niveau, il n’y a pas d’exigences mais elles sont moins rigoureuses que le haut niveau.
Comment jugez-vous le niveau d’arbitrage au Burkina Faso ?
Pour avoir eu l’occasion de beaucoup tourner et les échos qu’on a dans les autres pays de la sous-région, je peux affirmer sans risque de me tromper que le niveau de l’arbitrage au Burkina Faso est appréciable. Quand on reçoit des arbitres étrangers ou quand on se retrouve en regroupement, on voit qu’au Burkina Faso l’arbitrage a de beaux jours devant lui. Mais encore faut-il ne pas dormir sur ses lauriers et continuer de travailler.
Est-ce que les arbitres féminins ont une corporation ou elles se rencontrent pour des partages d’idées ?
Oui, on a effectivement une corporation au sein de laquelle nous nous rencontrons de temps à autre. Je dois avouer que je suis agréablement surprise par l’intéressement de plus en plus de filles ces dernières années. Il y a quelques années en arrière, on les comptait sur le bout des doigts. C’est un motif de satisfaction. Car cela montre qu’on fait bien notre travail au point de susciter des vocations. Cela veut dire également qu’on doit continuer dans cette dynamique.
Combien de francs empochez-vous après l’arbitrage d’un match de D1 et est-ce que le métier nourrit son homme ?
Pour dire que l’arbitrage nourrit son homme, il faut arbitrer à l’international. À ce niveau, les arbitres sont bien payés. Ils n’ont pratiquement rien à envier à qui que ce soit. Aucun arbitre au plan local ne peut dire que le métier nourrit son homme. Ce qu’on gagne sur le plan national nous dépanne énormément dans une moindre mesure. Ce n’est pas un secret, un arbitre de première division féminine au Burkina Faso gagne 15 000 francs CFA par match. Les hommes, en première division, ont droit à 22 500 francs CFA après chaque match.
Quel est votre plus beau souvenir dans l’arbitrage et quel est votre plus mauvais match ?
Mon plus beau souvenir c’est d’avoir réussi l’arbitrage d’un match des éliminatoires de la Coupe du monde féminine, en 2020. C’était entre les Lionnes de la Teranga du Sénégal et les Lionnes de l’Atlas du Maroc. Le match s’est joué à Dakar, la capitale sénégalaise. Je me rappelle de cela comme si c’était hier. Notre prestation nous a valu des félicitations des autorités compétentes du moment, que ce soit ici ou ailleurs. Par contre, ce que je pourrais qualifier de contre-performance, c’est mon arbitrage lors du match qui a opposé les Princesses aux filles de l’Union sportive des forces armées (USFA). [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]
Interview réalisée par Obissa Juste Mien
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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