Hassane Bationo, connu sous le nom de Bationo de Kyon sur les réseaux sociaux, est un acteur de la société civile, web activiste, qui se réclame du soutien de la transition. Dans cette interview, il donne sa lecture sur l’évolution de la situation sécuritaire, les raisons de son engagement pour la transition et l’organisation des élections. Pour lui, la situation sécuritaire a qualitativement évolué au Burkina Faso grâce au pouvoir de la transition. Pour l’organisation des élections, il estime que la mission de cette transition n’est pas d’organiser des élections.
Lefaso.net : Vous êtes connu sous le nom de Bationo de Kyon. Pourquoi ce pseudonyme ?
Hassane Bationo (Bationo de Kyon) : Bationo de Kyon, c’est juste un pseudonyme que j’ai pris comme certaines personnes le font régulièrement. Je suis de la commune de Kyon, dans la province du Sanguié. Cette commune se caractérise par certaines réalités du point de vue de combat dans l’histoire du Burkina Faso. Je suis fier d’appartenir à cette localité, à son histoire, sa philosophie et surtout de son organisation sociale. Ce sont des raisons qui justifient le choix de ce pseudonyme.
Bationo de Kyon, vous êtes un fervent défenseur du MPSR2. Dites nous comment est né cet engagement pour ce pouvoir de la transition ?
En réalité, le camarade président Ibrahim Traoré et tous les leaders de la transition nous ont rejoint dans la tendance. Depuis l’université, je fais partie d’une organisation de la société civile dénommée « Deux heures pour nous, deux heures pour Kamita ». En une année, nous avons parlé de ce programme qui est aujourd’hui déballé par la transition.
Nous avons fait le tour du Burkina Faso pour partager cette vision qui est le panafricanisme. Nous avons réfléchi sur la philosophie politique du Burkina Faso, la façon de mener une guerre, l’économie et la manière de mener une guerre lorsqu’on a été envahi par l’hydre terroriste depuis 2015. Nous avons fini par comprendre qu’aucun régime politique n’arrivait à porter ces valeurs depuis un moment donné.
On a vu l’arrivée de Michel Kafando, de Roch Marc Christian Kaboré, du lieutenant-colonel Paul Henri Damiba… mais parmi tous ces leaders politiques, personne n’incarnait les valeurs que nous avons prônées depuis 2013. Les toutes premières actions du capitaine Ibrahim Traoré sont celles-là que nous avons prônées depuis 2013-2014 jusqu’aujourd’hui.
Et quelles sont ces différentes actions ?
C’est d’abord positionner le développement du Burkina Faso sur un pilier idéologique. Ce pilier idéologique est le panafricanisme. Dans le panafricanisme, nous avons le pilier économique, politique, spirituel et surtout organisationnel pour pouvoir booster tous les chantiers de développement. Nous avons fini par comprendre avec le camarade président Ibrahim Traoré que nous ne sommes pas obligés d’aller à plus de 8 000 km pour étudier un autre modèle de développement.
Ces modèles de développement ont existé d’abord au niveau de l’Afrique bien avant même la découverte des États-Unis. Pourquoi laisser tomber toutes ces valeurs et s’agripper aux valeurs qui ne riment pas avec nos réalités ? Nous avons décidé de soutenir le président parce qu’il est dans une bonne dynamique
Vous vous présentez aussi sur les réseaux sociaux comme un Bataillon d’intervention rapide (BIR) de la communication. Qu’entendez-vous par cela ?
Lorsque le camarade président Ibrahim Traoré est arrivé au pouvoir, il a été clair. Il a dit que tout le monde ne peut pas tenir des armes pour faire la guerre mais certains seront appelés à servir le pays d’une autre manière. En tant que citoyen, j’ai décidé de participer par la communication. Je profite vous dire que je me suis enrôlé comme Volontaire pour la défense de la patrie (VDP) même si je n’ai pas terminé la formation pour des raisons que je vais évoquer plus tard. Donc, j’ai décidé de mettre à profit ma communication au profit des Forces de défense et de sécurité (FDS).
Ce BIR, c’est tout un ensemble de jeunes mobilisés pour la même cause, c’est-à-dire, soutenir les actions de nos FDS. Ils sont des milliers qui sont éparpillés dans les treize régions du Burkina Faso. Vous êtes journaliste et vous n’êtes pas sans savoir que la communication contribue à 50% en temps de guerre. Il est également important d’étudier l’histoire des guerres en Afrique. La bataille des amazones au Benin par exemple, nous avons compris que les hommes se succédaient au front, d’autre contribuaient à la guerre à travers d’autres chantiers.
Nous recevons des témoignages à longueur de journée. Il y a certains de nos amis, quand ils reviennent du front, ils nous disent que nos communications les réconfortent beaucoup. Par contre, il y a des communications qui démoralisent. Ils disent clairement qu’il y a des communication qui démoralisent les soldats puisqu’ils ont aussi accès aux réseaux sociaux. Nous pensons qu’au même titre que les BIR de l’armée qui ne reculent jamais devant l’adversité, nous aussi en tant que communicants, nous ne reculons devant rien. Nous savons que les médias occidentaux communiquent en faveur des terroristes. Notre mission est de concevoir ce bataillon pour riposter rigoureusement contre ceux qui communiquent pour les terroristes.
Vous traitez des médias occidentaux des alliés au terrorisme, avez-vous des preuves qui prouvent que les médias occidentaux communiquent effectivement en faveur des terroristes ?
Les médias occidentaux communiquent en faveur des terroristes parce que certaines vidéos virales, c’est-à-dire, les communications faites par les groupes terroristes lors de leurs opérations, sont automatiquement relayées par ces médias occidentaux. En le faisant, ils contribuent à rendre plus virales ces communications. Lorsque les terroristes traitent de tous les noms le régime de Ouagadougou avec les noms qu’on ne doit même pas qualifier un être humain, et les médias occidentaux, en reprenant cela, servent la cause des terroristes. Des terroristes tuent et violent les communautés et les médias occidentaux reprennent ces vidéos. Je pense sincèrement que nous ne devons plus traiter avec ces médias encore.
Vous dites que vous êtes des milliers de BIR de la communication. Qui finance cette campagne de communication des BIR ?
Vous pensez que l’État a cet argent pour donner aux gens qui sont dans les villages, les provinces et les villages pour chanter ses louanges et soutenir les forces combattantes ? C’est fait de façon patriotique. Même moi qui parle, je manque souvent de mégas et je communique en mode gratuit. Je ne suis pas obligé de demander de l’argent aux autorités pour encourager les FDS. C’est un sacrifice, pas une question d’argent. C’est notre contribution à la lutte contre le terrorisme.
En plus de vos actions de communications sur Facebook, est-ce que vous êtes prêt aujourd’hui à monter au front comme VDP pour défendre la patrie ?
Nous n’avons jamais dit que nous ne sommes pas prêts. Si je n’étais pas prêt, je n’allais pas mettre mon nom sur la liste des VDP. D’autres sont allés, ils ne sont plus jamais revenus. Nous leur rendons hommage.
Pour vous, les médias occidentaux ont pris fait et cause pour le terrorisme. Alors, que pensez-vous du travail des médias burkinabè dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?
Il est extrêmement important de souligner que les médias burkinabè, sinon la plupart des journalistes, ont tiré leurs modules de formation depuis l’Occident. Nous ne pouvons pas dire que nous avons les mêmes problèmes avec tous les médias au Burkina Faso comme ceux d’Europe. Les médias burkinabè font efficacement leur travail. Les journalistes, dans leur ensemble, font des efforts. Tout dépend de leurs angles de communication, de l’orientation depuis le début de la création de ce média.
L’autre réalité qu’il faut souligner est que la plupart de ces médias avaient été crées dans un contexte de paix, il n’y avait pas le terrorisme au Burkina Faso. Aujourd’hui, l’information a pris une autre tournure. Nous ne faisons plus les débats pour des questions d’égo mais pour des question de survie. Nous pensons que les médias font leur travail mais il serait encore mieux, dans le cadre de cette situation, d’adapter la communication. Nous le disons parce que tous les médias ne savent pas que nous sommes en guerre.
Qu’est-ce que vous appelez communication de guerre que vous demandez aux médias de faire ?
La communication de guerre, c’est de savoir s’adapter de façon stratégique. Nous ne leur demandons pas de mentir mais de faire attention aux choix des mots parce qu’un mot mal positionné peut faire basculer presqu’une partie de l’opération. Lorsque certaines informations chaudes sortent, elles peuvent entraver l’opérationnalisation de certaines manœuvres militaires. Je ne dis pas que tous les journalistes ne font pas bien leur travail mais parfois je trouve qu’il y a des manquements.
La communication de guerre est différente du mensonge mais elle a un caractère stratégique. Les terroristes peuvent mener une opération dans une zone donnée. Lors de cette attaque par exemple, nous avons perdu dix soldats avec des dégâts matériels mais l’armée a réussi à neutraliser plus de vingt terroristes. Mais lorsqu’on oriente la communication sur le fait que nous avons perdu dix soldats et les dégâts matériels, la communication n’a pas été stratégique même si l’information est juste. L’Occident se s’est pas construit uniquement sur la vérité.
Dans quelques mois, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR2) va boucler sa deuxième année. Comment appréciez-vous l’évolution de la situation sécuritaire qui était leur principal raison en renversant le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba le 30 septembre 2022 ?
Je crois que la courbe monte sans problème parce que les chiffres parlent d’eux-mêmes. Aujourd’hui, le capitaine Ibrahim Traoré n’a pas doublé l’effectif de l’armée mais il a fait des centaines de recrutements. Nous faisions la guerre sans stratégie parce que l’armée a été désorganisée depuis les années 1999. Avec une armée numériquement faible et sous équipée, aujourd’hui, le capitaine a renversé les tendances.
Du point de vue de l’équipement et organisationnel, nous avons atteint un niveau important plus que même les soixante années d’indépendance. C’est une réalité. Avec le capitaine Ibrahim Traoré, nous avons fait l’option de faire la guerre, à la différence des deux présidents qui n’avaient pas fait cela. Le président Roch Kaboré n’avait pas d’option parce qu’il nous disait qu’on ne va pas négocier mais faire la guerre. Mais la nuit, il partait leur livrer de l’argent avec des bouteilles de liqueur et faisaient leur rencontre dans le désert. Et le lendemain, il sort dire qu’il n’y aura pas de négociation. Damiba, lui, il avait peut-être une option. Il disait qu’il fallait négocier. Le peuple a dit non et a décidé de le renverser pour installer le capitaine Ibrahim Traoré.
La mission du MPSR2, c’est la lutte contre la faim qui tue plus que la bombe atomique, comme le disait le président lui-même. Les chantiers sont bien organisés pour pouvoir gérer cette histoire de famine au Burkina Faso. Plus de dix mille hectares sont en train d’être aménagés pour répondre à cette affaire de famine. C’est possible de tout cultiver au Burkina Faso, pour atteindre l’autosuffisance alimentaire.
La lutte contre la famine faisait partie des missions secondaires du capitaine. A sa prise du pouvoir, le capitaine s’est donné comme mission principale, la restauration de la sécurité. Il avait même dit qu’il n’avait pas besoin de plus de trois mois pour le faire. Quelle analyse faites-vous de cela ?
Le capitaine n’a jamais dit qu’il va régler la question sécuritaire en trois mois. Il a dit que nous aurions dû faire en trois mois ce qui nous n’avions pas pu faire en huit mois. Même en trois jours, il a fait mieux que Damiba en huit mois. Les gens ne veulent pas entendre mais c’est une réalité. Les choses évoluent. Le terrorisme qu’ils ont semé, il n’est pas possible de le combattre définitivement en trois mois ou en une année. C’est la continuité de la colonisation, le président lui-même l’a dit. La lutte contre le terrorisme au Burkina Faso évolue correctement. Même l’UNICEF a reconnu cela, il l’a dit.
Plus de 1 000 écoles réouvertes, l’UNICEF l’a dit. Aujourd’hui, il y a une région totalement infectée par le terrorisme qui est libérée à 100%. Mais les gens ne parlent pas de ça. La courbe évolue qualitativement parce qu’il y a des villages qui ont été libérés. Il y a des réinstallations qui sont faites dans des villages. Le gouvernement a décidé de ne pas communiquer sur chaque village libéré. Parfois, ce sont les habitants de ces villages, provinces et régions qui publient en disant qu’ils ont regagné leurs localités.
Si beaucoup de localités ont été libérées, ne pensez-vous pas qu’il est possible maintenant d’organiser les élections en juillet 2024 conformément à la charte de la transition ?
Je n’ai jamais un problème avec un chef d’Etat même s’il fait 100 ans au pouvoir. Dans le panafricanisme, nous n’avons pas de problème avec la durée d’un mandat. Notre seul problème, c’est ce que l’on fait avec le mandat. Un président qui fait 100 ans au pouvoir, ce n’est pas mon problème ; pourvu qu’il arrive à répondre aux aspiration de son public. Les gens qu’on a récemment réinstallé tout de suite, leur préoccupation ce n’est pas les élections. Ils cherchent à se consolider d’abord. La mission de cette transition n’est pas d’organiser des élections.
Et pourtant la charte de la transition avait fixé trois principales missions au MPSR2. Il s’agit de la restauration de la sécurité, la résorption de la crise humanitaire et l’organisation des élections. N’est-ce pas paradoxal ce que vous dites par rapport à la mission de la transition ?
Ok ! Le premier point principal, est-ce qu’il est résolu ? Ce qui fait qu’on ne pourra pas organiser les élections dans les mois à venir, c’est de se demander qu’est-ce qui a provoqué le terrorisme au Burkina Faso ? A ce niveau, on trouve qu’il y a la refondation de l’Etat. L’État a t-il été refondé ? Il y a quel contre-pouvoir ? Le seul qu’on a au Burkina, c’est l’armée.
C’est l’armée qui s’invite chaque jour dans le champ politique. Est-ce qu’on a géré le problème de l’armée ? Est-ce qu’on a participé à la transformation qualitative du citoyen ? Le citoyen ne doit plus s’aligner derrière des modèles de développement qui ne répondent même pas à nos réalités. D’abord, on récupère nos villages, nos terres ; c’est la première étape. La deuxième étape, il ne s’agira pas d’organiser les élections, mais de procéder à la transformation qualitative du citoyen.
C’est parce que cela n’a pas été fait que des Burkinabè ont retourné leurs armes contre des Burkinabè. Ceux qui attaquent le Burkina Faso ne sont pas uniquement des étrangers. Plus de 80% des terroristes sont des Burkinabè qui ont été armés, même si l’on sait que la source du réseau vient de l’Occident. Une autre étape, il faut savoir que c’est la faim qui a conduit les Burkinabè dans cette situation. Il faut obligatoirement que nous gérions cette affaire d’autosuffisance alimentaire. Après, on verra quel type de démocratie il faut aux Burkinabè. Si l’on va continuer avec ce système occidental, nous risquons de revoir l’armée s’inviter encore dans la vie politique.
Dans vos publications sur les réseaux sociaux, vous traitez d’autres Burkinabè d’apatrides. Qu’entendez-vous par apatride ?
C’est celui qui n’a pas de patrie. Lorsque nous retrouvons qu’un citoyen d’un pays se retourne à communiquer officiellement pour les ennemis de sa patrie, cette personne n’appartient plus à ce pays. Communiquer contre le pays, prendre des armes pour déguerpir des villages, informer l’ennemi, c’est un apatride. Quelqu’un qui aime ce pays ne fait pas cela. Certains Burkinabè sont refugiés dans d’autres pays et communiquent officiellement pour les terroristes, ce sont des apatrides.
Vous dites que vous n’avez pas un problème avec les mandats. Le président peut faire 100 ans à condition de répondre aux aspirations du peuple. S’il arrive que le président Traoré ne partage plus la même vision que vous, auriez-vous le même engagement pour vous retourner contre lui ?
Lui même, il sait. Il a dit que sa plus grande peur est de trahir ce peuple. Le jour où il devient plus médiocre que ceux que ceux qu’on a combattus, il sera automatiquement classé sur la même liste. Aujourd’hui, nous le soutenons parce qu’il respecte les aspirations du peuple. Il parle le même langage que le peuple, il s’exprime comme le peuple. Le jour qu’on retrouve que le palais présidentiel n’est pas le lieu où l’on décide de l’avenir de ce pays, il sait très bien qu’il sera obligé de fermer et remettre les clés à quelqu’un d’autre. C’est un principe universel.
Interview réalisée par Serge Ika Ki
Photos et vidéos : Ange Auguste Paré
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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