La journée internationale du travail est célébrée le 1er mai de chaque année par la communauté internationale. Au Burkina Faso, l’Unité d’action syndicale (UAS) composée des centrales syndicales et des syndicats autonomes a célébré cette journée ce mercredi 1er mai 2024 à travers un meeting organisé à la Bourse du travail de Ouagadougou. Au cours de cette célébration, les syndicats ont dénoncé la mal gouvernance, la vie chère et ont appelé au départ de toutes les forces étrangères du pays. Ils ont aussi appelé au respect des libertés démocratiques et syndicales, à la sécurisation et à la réinstallation des Personnes déplacées internes (PDI) dans leurs localités d’origine.

Il n’y a pas eu de marche de remise de la plateforme revendicative à l’exécutif comme c’est le cas le 1er mai de chaque année. La marche a été refusée par le gouvernement pour des raisons de sécurité, selon les explications des responsables syndicaux. Malgré cette interdiction, les organisations syndicales ont bel et bien tenu leur meeting dans l’enceinte de la Bourse du travail de Ouagadougou. Plusieurs questions d’actualité ont été abordées au cours de cette célébration.

Dans son message à l’occasion du 1er mai, l’Unité d’action syndicale a passé en revue la situation nationale, africaine et internationale. Sur la situation internationale et africaine, l’UAS a notamment dénoncé la multiplication des foyers de guerre autour des intérêts géostratégiques des puissances impérialistes. Elle a dénoncé également l’impérialisme sous toutes ses formes (France, Etats-Unis, Russie, Turquie, Iran, Chine, Inde, etc.) et prôné la prise en compte de l’intérêt des peuples.

La situation nationale

Les principaux responsables syndicaux lors de cette célébration du 1er mai 2024

Pour l’UAS, la situation nationale est marquée par une dégradation de la situation sécuritaire, la remise en cause des libertés et la vie chère. Malgré la réinstallation de certains PDI et la réouverture de certaines écoles, la situation reste plutôt inquiétante, selon l’UAS. « Des menaces et attaques terroristes suivies de déguerpissement des populations, les manifestations des populations de diverses localités pour réclamer la sécurité ou un ravitaillement en produits de première nécessité, l’impossibilité d’emprunter certains axes routiers, les nombreuses localités sous blocus, sont des faits quasi quotidiens même si, du fait du verrouillage de l’information, ces faits sont camouflés au public, sous prétexte de communication de guerre. Les menaces et attaques contre les citoyens ont tellement marqué les esprits qu’aujourd’hui, les médias ont souvent du mal à avoir des invités pour animer certaines émissions. Les médias sont confrontés à toutes les difficultés pour disposer de sources officielles afin de vérifier certaines informations sur la situation sécuritaire », explique l’UAS dans sa déclaration lue par Olivier Ouédraogo.

Olivier Ouédraogo lisant le message du 1er mai 2024 de l’UAS

L’UAS dénonce également le recul démocratique qui se traduit par la multiplication des atteintes aux libertés et aux droits des citoyens, une révision illégale de la Constitution remettant en cause l’indépendance de la justice, des réquisitions, arrestations et radiations de militaires, des enlèvements et séquestrations de citoyens pour l’expression d’avis critiques sur la gouvernance du MPSR2.

Toujours sur la situation nationale, à en croire l’UAS, les organisations syndicales sont l’objet de menaces et d’attaques de toutes sortes. Au plan de la gouvernance, l’UAS observe « une gestion des deniers publics qui fait courir le risque de fins de mois sans salaire aux agents publics de l’Etat, un abus dans l’octroi des marchés gré à gré ».

L’UAS a également indiqué au cours de cette célébration que le dialogue social est rompu entre le gouvernement et les organisations syndicales.

Marcel Zanté, secrétaire général de la Confédération nationale des syndicats du Burkina (CNTB) et président du mois des centrales syndicales dénonçant le refus de la marche par le gouvernement

Pour l’UAS, la vie chère demeure une réalité et frappe les travailleurs et les populations. Il s’agit notamment de la flambée des prix des produits céréaliers, des retenus sur les revenus des travailleurs, de l’instauration de taxes sur les consommations des biens et services. A tout cela, selon l’UAS, s’ajoutent les coupures d’eau, les délestages électriques devenus fréquents et de plus en plus longs, etc. Face à une telle situation, l’UAS interpelle à nouveau le gouvernement à prendre en compte les préoccupations que lui soumettent les organisations syndicales et les organisations démocratiques.

« En tout état de cause, l’UAS s’efforcera toujours de jouer pleinement son rôle de défense des intérêts matériels et moraux des travailleurs et de veille citoyenne », lance-t-elle.

Le contenu de la plateforme revendicative

En plus de cette lecture sur la situation nationale, africaine et internationale, l’UAS a dévoilé le contenu de sa plateforme revendicative qui devrait être remise au gouvernement. Les principaux points abordés sont, entre autres, la sécurité des populations et leurs biens, le respect et l’élargissement des libertés démocratiques et syndicales et la promotion du travail décent, l’assainissement de la gestion des ressources nationales, la garantie du pouvoir d’achat… Les préoccupations essentielles des travailleurs sont synthétisées par l’UAS dans une plateforme revendicative de 42 points.

Wendyam Zongo, secrétaire général du Syndicat national des personnels d’administration et de gestion de l’éducation et de la recherche (SYNAPAGER) et président du mois des syndicats autonomes a, au nom de ses camarades, dénoncé le licenciement du secrétaire général de la CGT-B, Moussa Diallo

La sécurité des personnes et de leurs biens

Comme doléances, on retient essentiellement la garantie effective de la sécurité des populations et de leurs biens sur l’ensemble du territoire national, la réinstallation et la sécurisation des PDI dans leurs localités d’origine, la prise en charge effective des PDI, des ayants-droits des FDS, des VDP et des travailleurs victimes du terrorisme. Les syndicats demandent aussi la réinstallation de l’administration dans les localités avec les mesures de sécurisation qui s’imposent, l’arrêt des tracasseries contre les travailleurs officiant dans les zones à fort défi sécuritaire, le départ de toutes les forces étrangères du territoire national, etc.

Le respect et l’élargissement des libertés démocratiques et syndicales et la promotion du travail décent

L’UAS, dans sa plateforme revendicative, demande également le respect des libertés démocratiques et syndicales, la garantie effective des libertés d’association et de manifestation, la libération de toutes les personnes détenues arbitrairement, l’annulation du licenciement du secrétaire général de la CGT-B Moussa Diallo, la finalisation et l’adoption du projet de loi portant Code du travail. Il y a également la demande de l’exécution des décisions de justice, l’arrêt des exécutons extra-judiciaires, des arrestations arbitraires, le respect de l’indépendance de la justice, la réfection et la réouverture du Lycée Philippe Zinda Kaboré fermé par le gouvernement en mai 2021, etc.

Vue de participants

Assainissement de la gestion des ressources

Sur ce point, l’UAS demande la publication des audits des ministères et des grandes sociétés d’Etat et des poursuites contre les auteurs ou complices de mauvaise gestion, l’annulation de la convention signée avec SITARAIL, l’arrêt du pillage des ressources nationales notamment minières et leur exploitation dans l’intérêt des populations avec leur implication.

On retient également la demande du respect des textes régissant la nomination des directeurs généraux des sociétés d’Etat et des établissements publics de l’Etat notamment par appel d’offre, l’audit des marchés des constructions d’infrastructures routières et immobilières et des sanctions contre les entreprises ayant réalisé des infrastructures défectueuses, le jugement de tous les dossiers de mauvaise gestion mis à nu par l’ASCE/LC et le REN-LAC, l’arrêt des ponctions de fonds dans les caisses de prévoyance sociale (CARFO, CNSS) et de l’ingérence du gouvernement dans la gestion de ces structures, etc.

Les participants à cette célébration

La garantie du pouvoir d’achat

A ce niveau, les travailleurs demandent la prise de mesures pour assurer l’approvisionnement conséquent des populations en eau et électricité, le relèvement des tranches sociales de l’ONEA et de la SONABEL respectivement à 10m3 et à 75kw/h, la diminution des prix des produits de grande consommation, le renforcement du contrôle de la qualité et des prix de ces produits, le retour aux anciens prix des hydrocarbures d’avant mars 2022, l’augmentation de 35% des pensions des retraités de la CARFO et de la CNSS. On retient aussi la demande de la baisse des tarifs de location des boutiques dans les marchés et yaars et la lutte effective contre la spéculation dans la location des boutiques, le soutien aux producteurs à travers la subvention des intrants et la mise à leur disposition des semences améliorées, d’intrants agricoles de qualité et de quantité suffisante et à des prix accessibles, etc.

La Bourse du travail de Ouagadougou a refusé du monde à l’occasion de la célébration du 1er mai

En marge de cette célébration, l’UAS a exprimé sa solidarité avec les travailleurs et avec les peuples du monde entier qui luttent pour la liberté, la justice, le droit à la vie et pour de meilleures conditions de vie et de travail.

Elle a invité les travailleurs burkinabè à la solidarité. Elle a aussi appelé les responsables syndicaux, à tous les niveaux, les travailleurs des différents secteurs d’activités, à se mobiliser pour la défense des libertés, des intérêts des travailleurs et des populations.

Mamadou Zongo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net