Une dizaine de jours après la « décision souveraine » des pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), Burkina, Mali et Niger, de se retirer de la CEDEAO, le gouvernement burkinabè, avec à sa tête le Premier ministre, a rencontré, ce lundi 12 février 2024 à Ouagadougou, les acteurs du secteur privé pour échanger autour du sujet.


Selon le ministre de tutelle, le ministre du développement industriel, du commerce, de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises, Serge Poda, une telle décision de retrait de la CEDEAO est assortie d’implications ; d’où l’intérêt de cette rencontre qui vise donc à faire en sorte qu’ensemble, l’on puisse faire face à la situation. « Oui, le Burkina Faso a décidé de prendre en main son destin, en toute responsabilité, du fait que la CEDEAO s’est éloignée des idéaux de ses pères fondateurs et s’est transformée en instrument de menace contre les pays qui l’ont fondée », a justifié le ministre Poda, pour qui, l’idée du retrait a été bien nourrie par la volonté de défense des intérêts du peuple et le secteur privé n’est pas en reste dans ce nouvel élan voulu par le gouvernement.

Vue de présidents d’institution et de ministres à la rencontre.

« Ce retrait nous offre d’immenses possibilités de mener des négociations et de signer des accords commerciaux avec des partenaires de choix, sans que le Burkina Faso ne soit obligé de s’aligner sur la position de la CEDEAO. Ainsi, le pays aura l’avantage de renégocier des accords multilatéraux et bilatéraux en phase avec les aspirations profondes du peuple burkinabè en termes de souveraineté chèrement reconquise. En outre, cette décision de retrait va induire l’élargissement de taxes à l’importation aux produits originaires des pays de la CEDEAO avec lesquels, il n’y aurait pas d’accords spécifiques. Toute chose qui améliorerait substantiellement l’assiette fiscale. (…). Ce retrait va davantage dynamiser les échanges intra-communautaires par la création de commerces intégrés. Ces échanges seront amplifiés par le fait que ces pays sont des partenaires naturels. Enfin, il est à relever que le Burkina Faso bénéficie toujours d’une position géographique centrale unique au cœur de l’Afrique de l’Ouest, en offrant plusieurs avantages stratégiques sur le plan commercial. Aussi, en tant que pays membre de l’UEMOA, il continue de bénéficier des avantages d’accès au marché commun de cet espace », a présenté le ministre du développement industriel, du commerce, de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises, Serge Poda.

Selon le Premier ministre, Dr Apollinaire Kyelem de Tambèla, l’essentiel du commerce du Burkina se fait dans la zone extra-africaine et avec les pays de l’UEMOA. « L’obstacle est matière à action, nous sommes sur cette dynamique », a-t-il paraphrasé, pour dire que cette situation est une aubaine pour le secteur privé également.

Le ministre Serge Poda (micro) avec à sa droite, Mahamadi Savadogo et à sa gauche, le président du patronat burkinabè, Idrissa Nassa.

« La période pendant laquelle il y a eu le plus de mouvements des populations, plus de libre circulation, c’est avant la création de la CEDEAO. La plupart des Burkinabè qui sont établis au Ghana, en Côte d’Ivoire et au Mali y sont allés avant la création de la CEDEAO. Je rappelle que depuis le 9 mars 1960, avant donc la création de la CEDEAO, il existe entre le Burkina et la Côte d’Ivoire, une convention relative aux conditions d’engagement et d’emploi des travailleurs burkinabè en Côte d’Ivoire. De même existe-t-il des conventions bilatérales avec d’autres pays dans plusieurs domaines. Le retrait de la CEDEAO va donc nous permettre de nous réorganiser en fonction de nos intérêts et de signer des accords bilatéraux avec ceux que nous voulons, dans divers domaines en fonction des intérêts réciproques. Et ce, de manière indépendante, et sans l’immixtion de quelle que puissance que ce soit. Rien n’empêche donc, de renouveler ou d’adapter en cas de besoin, nos relations avec chaque Etat membre de ce qui reste de la CEDEAO. Mais plus jamais, personne ne pourra encore instrumentaliser une institution, nous imposer ou nous faire subir quoi que ce soit. Notre retrait de la CEDEAO n’est orienté contre personne, contre aucune institution, contre aucun Etat. Il vise à assumer notre souveraineté et à assurer la sécurité et la prospérité des populations de notre espace. Toutefois, nous saurons répondre aux provocations, d’où qu’elles viennent. La patrie ou la mort, nous vaincrons ! », a expliqué le Premier ministre, Dr Kyelem de Tambèla, rassurant en outre ses interlocuteurs que le gouvernement travaillera toujours en étroite collaboration avec le secteur privé, moteur de l’économie et source d’emplois.

Le Premier ministre a exhorté à suivre la dynamique

Des explications qui ont, visiblement, comblé les questionnements des acteurs du privé. « D’ores et déjà, je voudrais annoncer notre adhésion totale aux idéaux de la souveraineté économique et du développement endogène. Sans réserve, et sans calcul aucun, nous avons soutenu toutes les initiatives lancées pour la consolidation de la résilience économique dans ce contexte de crise multidimensionnelle imposée à notre pays par les forces obscurantistes. Le soutien du secteur privé est acquis, son engagement à vos côtés est sans équivoque », a porté le président de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso, Mahamadi Savadogo.

Mahamadi Savadogo a profité de la tribune pour saluer l’engagement des forces combattantes dans la reconquête du territoire national.

« Cependant, notre ardent désir commun de saisir ce tournant décisif de l’histoire pour bâtir ensemble de nouvelles perspectives pour notre pays, nous incite à soumettre à votre haute attention, quelques propositions. Il s’agit de mettre en place une stratégie nationale de promotion des investissements privés nationaux dans des secteurs stratégiques ; associer intimément le secteur privé national dans la reconfiguration de notre cadre de coopération avec les pays membres de l’AES. Nous proposons également que les branches d’activités économiques qui pourraient enregistrer des effets indésirables de cette décision bénéficient d’un plan de résilience et de redéfinition de leur modèle économique. Nous n’oublions pas aussi les petits commerçants transfrontaliers et surtout les femmes qui tirent l’essentiel de leurs revenus de commerces avec les pays voisins », a plaidé M. Savadogo.


O.L

Lefaso.net

Source: LeFaso.net