Le rapport général d’activités 2022 remis mardi 30 janvier 2024 au président de la Transition, le capitaine Ibrahim Traoré, par l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE/LC) fait ressortir des insuffisances dans la gestion des commandes publiques de la présidence du Faso et au niveau de certaines structures rattachées comme le Secrétariat permanent du Conseil national de lutte contre le Sida et les Infections sexuellement transmissibles (SP/CNLS-IST). Ce contrôle, demandé par le chef de l’Etat, concerne les exercices budgétaires 2020 et 2021.

Depuis 2016, l’ASCE-LC réalise l’audit de la gestion de l’année n-1 des ministères et institutions. C’est ainsi qu’avec l’avènement du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), le président de la Transition, a demandé à l’ASCE-LC d’initier des missions de contrôle approfondi dans les structures de l’administration publique. Ces contrôles réalisés ont porté sur la gestion financière et comptable de 21 ministères et institutions et couvert les exercices budgétaires 2020 et 2021. Les domaines contrôlés sont la commande publique, les comptes de dépôt, les régies d’avances, le carburant et les lubrifiants, les frais de mission à l’intérieur et à l’extérieur du pays, les frais de voyage, les rétributions, les dons au bénéfice des personnes politiquement exposées.

Au niveau de la présidence du Faso, certains aspects de la gestion de la commande publique posent problème, selon les résultats du contrôle de la gestion financière et comptable. Ces irrégularités, selon le rapport de l’ASCE, portent sur diverses étapes du processus de la commande. Les prescriptions règlementaires en matière de production des pièces administratives ne sont pas toujours respectées. « Ce qui a conduit à l’exécution de marchés avec des entreprises attributaires ou des cabinets non à jour vis-à-vis de leurs obligations fiscales, avec un risque d’évasion et de fraudes fiscales préjudiciables au Trésor public, avec également des risques d’inachèvement de leurs travaux ou prestations », alerte l’ASCE/LC.

Des pertes financières à la pelle

Le recours systématique à la procédure d’entente directe viole la règlementation de la commande publique, note l’autorité de contrôle, qui signale aussi l’octroi de contrats par entente directe à des entreprises plus d’une fois au cours de la même année, contrairement à la règlementation en vigueur (article 332-5 du Code pénal). « En 2020, à titre illustratif, sur huit entreprises, la fréquence va de six à 61, le nombre de fois qu’une même entreprise a bénéficié de marchés à la présidence du Faso. Cette fréquence est de trois à 54 fois pour neuf entreprises en 2021 », précise le rapport.

Au titre des insuffisances au niveau de la commande publique pour ce qui concerne la présidence du Faso, le rapport de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption pointe la non-liquidation des pénalités de retard, occasionnant des pertes financières de plus de 76 millions de francs CFA imputables à trois agents publics.

Le défaut d’enregistrement des marchés publics a également occasionné une perte financière pour le budget de l’Etat de près de 205 millions de francs CFA (exactement 204 931 782) imputables à un agent public.

L’autorité a aussi examiné les comptes de dépôt de l’institution et conclut que leur gestion comporte des insuffisances. Au nombre de ces carences, on note entre autres « l’existence de plusieurs pièces justificatives irrégulières : factures non-timbrées ou non-acquittées, absence de preuve du paiement, absence d’identité du réceptionniste, non-tenue des registres comptables et absence de pièces justificatives d’opérations de recettes et de dépenses passées sur le compte de la Régie d’avances du complexe du Centre international de conférence de Ouaga 2000. »

Les pertes financières occasionnées par cette absence de pièces justificatives se chiffrent à plus de 176 millions de francs F CFA, imputables à un agent public.

Les enquêteurs de l’ASCE/LC ont aussi remarqué l’absence de plusieurs pièces dans les dossiers de paiement au titre de la régie d’avances des salles de conférence de Ouaga 2000. « Au total, 67 dossiers comportent des pièces absentes et portent en détail sur 52 contrats, deux factures non-timbrées, 67 attestations de service fait, trois factures pro-forma. Le montant total des débours est de 89 456 258 F CFA imputables au régisseur d’avances », détaillent les contrôleurs.

Sorties irrégulières de carburant, don d’ubiquité…

Au niveau au niveau du Secrétariat permanent du Conseil national de lutte contre le Sida et les Infections sexuellement transmissibles (SP/CNLS-IST), entité rattachée à la présidence du Faso, la gestion du carburant n’a pas toujours été faite dans l’orthodoxie. La non-tenue des supports comptables prescrits en la matière et les sorties irrégulières de carburant et lubrifiants comportent des lacunes. « Ces sorties irrégulières sont évaluées à plus de 72 millions de francs CFA (72 790 050 précisément) et imputables à six agents publics », pointe le rapport de l’ASCE /LC.

Plusieurs irrégularités ont entaché les missions du SP/CNLS-IST, déplore le document remis au chef de l’Etat le 30 janvier 2024. « Il s’agit de chevauchements de missions, de missions fictives, de la prise en charge de personnes absentes aux missions, de la participation de certaines personnes à plusieurs groupes de travail aux mêmes périodes… » Montant de l’ardoise engendrée par ces mauvaises pratiques : 26 703 000 F CFA imputables à seize agents publics.

Le contrôle des rétributions dans le cadre de la réalisation de certaines activités du SP/CNLS-IST a révélé de nombreuses irrégularités. Au nombre desquelles le paiement de frais de coordination sans base légale, le paiement d’une indemnité de responsabilité des responsables de programme budgétaire et la rétribution de personnes participant à plusieurs activités se tenant au même moment dans des localités différentes. « L’incidence financière de ces pratiques de mauvaise gestion est évaluée à 49 205 000 F CFA et est imputable à 44 agents publics », conclut le rapport.

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Source: LeFaso.net