Ils sont de plus en plus nombreux, ces jeunes hommes, souvent mêmes des mineurs, à vendre le souchet dans les artères de la capitale. Au pied de l’échangeur de Gounghin et non loin du cimetière de ce quartier populaire de Ouagadougou, il est difficile de ne pas apercevoir ces vendeurs qui étalent le tubercule sur leurs chariots. Les Ouagavillois en raffolent pour son goût et ses vertus dont celles en lien avec la sexualité.

Moussa Tassembédo, lunettes de soleil sur le front, vêtu d’un T-shirt et d’un pantalon près du corps est à la tâche. Un client en motocyclette s’est arrêté pour acheter du souchet. Agé de 23 ans, le jeune homme est dans la vente de ce tubercule depuis un an. En 2020, il fait un décrochage scolaire alors qu’il était en classe de terminale. Il opte alors pour l’immigration. Sa destination, la Guinée Conakry. Après un an passé au pays de Sékou Touré, il rebrousse chemin pour son Burkina natal.

Une fois au village, il souhaite rendre visite à ses amis restés au bercail. Il apprend alors qu’ils ont plié bagages pour la capitale, Ouagadougou. Après avoir pris leurs contacts, ses amis lui font savoir qu’ils ont comme gagne-pain, la vente du souchet. Hésitant au départ, Moussa décide de se lancer également dans la vente du tubercule afin de se prendre en charge et d’être un appui financier pour sa famille.

Moussa Tassembédo compte faire des économies à partir de la vente de souchet pour réaliser d’autres projets

Ces vendeurs confient que l’avantage avec cette activité est qu’elle demande zéro budget pour eux, contrairement à d’autres commerces. Ils expliquent que leurs « patrons » (fournisseurs), comme ils les surnomment, leur remettent la marchandise et confectionnent les chariots. Dans cette activité, la loi de la confiance est la règle d’or. La contrepartie est que le vendeur rembourse à compte-gouttes le fournisseur la somme déboursée pour la fabrication du chariot et la première commande du souchet.

Après cette étape, les vendeurs peuvent se procurer les marchandises à crédit et les rembourser aux « patrons » à la fin de la journée. Ils peuvent également les acheter directement auprès du fournisseur sans la tracasserie du remboursement. « Il n’y a plus de travail dans ce pays. Mais tu ne peux pas t’assoir à la maison et croiser les bras en espérant avoir de l’argent. Grâce à ce travail de vendeur de souchet, je suis devenu autonome et je subviens aux besoins de ma famille qui est restée au village », a lancé Moussa Tassembédo. Il confie que ces derniers mois, le marché est morose. Il souligne qu’auparavant, il pouvait récolter entre 10 000 et 15 000 FCFA par jour. Après avoir remboursé son fournisseur, il pouvait empocher entre 3 000 et 5 000 FCFA en une matinée. Ce qui n’est plus le cas présentement.

Les vendeurs précisent qu’ils achètent le souchet chez les fournisseurs avec la grosse boite de tomate concentrée à 1350 FCFA

Les vendeurs de souchet s’installent à partir de 9h et restent devant leurs étals jusqu’à 21h ou 22h. La concurrence est rude au pied de l’échangeur de Gounghin. Les vendeurs sont voisins, stationnés les uns à côté des autres. A moins de dix mètres de là, Augustin Dipama est l’un des doyens en matière de vente de souchet. Cela fait deux ans qu’il exerce ce métier. Tout comme Moussa Tassembédo, il explique qu’il a décidé de vendre du souchet à cause du chômage. « On se débrouille dans la vente du souchet en attendant que Dieu nous ouvre d’autres portes. A la fin de la semaine, je ne peux pas donner mes bénéfices exacts. Seulement, le weekend, nous nous frottons les mains car nous pouvons le vendre en grande quantité par rapport aux autres jours » a-t-il signifié.

Cette activité n’est pas sans difficulté. En effet, il arrive que les vendeurs et la police jouent au chat et à la souris. « Nous sommes des vendeurs ambulants. Parfois, la police fait des descentes pour nous chasser parce que nous sommes en bordure de route. Ils disent que notre position représente un danger pour nous-mêmes. Nous savons qu’il y a des risques. Mais, le lendemain, nous retournons sur les lieux. Nous n’avons pas le choix. C’est notre seule source de revenus », se justifie Augustin Dipama, âgé de 27 ans.

Augustin Dipama conseille aux jeunes de travailler honnêtement et de ne pas « trier de travail »

Autre difficulté, il souligne que des clients prennent la marchandise à crédit. Certains tardent avant d’effectuer le remboursement. D’autres refusent catégoriquement de rembourser les vendeurs.

Sur le même alignement, un autre vendeur, Bachirou Tapsoba, raconte qu’auparavant, il a travaillé pour un particulier. Ce dernier ne lui payait pas son salaire. En détresse, il opte alors pour la vente du souchet.

Cela fait 6 mois que Bachirou Tapsoba est dans la vente du souchet

Il affirme que ce travail a des avantages et des inconvénients. « Maintenant que je travaille à mon propre compte, je suis plus épanoui. Avec mes bénéfices, je suis devenu indépendant financièrement. Cette activité est difficile, surtout qu’il y a des clients qui prennent la marchandise à crédit. Ils ne savent pas qu’on a des comptes à rendre aux fournisseurs. Le souchet est vendable sur une période de quatre jours. Nous le conservons dans de l’eau. Nous l’aspergeons aussi avec de l’eau pour le garder au frais. Si après quatre jours nous n’écoulons pas toute la marchandise, il faut faire un tri et récupérer le peu qui est en bon état. Le reste est jeté. Cela représente une perte pour nous. Mais si tu ne respectes pas ce processus, tu vas perdre des clients parce qu’ils vont dire que ton souchet est avarié et vont commencer à te sermonner », détaille Bachirou Tapsoba.

« Le souchet est d’une grande efficacité dans le traitement des troubles érectiles »

Les vendeurs confient que les femmes sont très friandes du souchet. Elles achètent surtout cet aliment pour en faire du jus (il est appelé eau chata ou horchata au Burkina Faso). Ils disent, en souriant que les hommes achètent le tubercule parce que selon eux, le souchet est un aphrodisiaque. Afin de connaître des vertus du tubercule et pour confirmer ou infirmer la pensée populaire selon laquelle il est un aphrodisiaque, une spécialiste, à savoir une diététicienne, a été interrogée. Yasmine Zerbo, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a expliqué que le souchet a une mine de bienfaits.

« Le souchet est un véritable concentré de minéraux et d’oligo-éléments : fer, phosphore, potassium, calcium et magnésium (fort utile en cas de fatigue et de stress). Par ailleurs, ce tubercule apporte de la vitamine E antioxydante, des glucides complexes (source d’énergie longue durée appréciable avant un effort physique ou intellectuel) et affiche une bonne teneur en protéines végétales (26 g pour 100 g de farine). Sa teneur élevée en fibres insolubles en fait un allié de la digestion et du transit intestinal. Il contiendrait même des substances prébiotiques bénéfiques à la flore intestinale. Enfin, cet aliment est un allié anti-cholestérol, source de bon gras : il apporte des acides gras insaturés qui ont pour propriétés de faire baisser le taux de mauvais cholestérol. Ses fibres emprisonnent les mauvaises graisses et les sucres et les éliminent par les voies naturelles, ce qui en fait un aliment intéressant pour les personnes souffrant de cholestérol et/ou de diabète. Il est sans gluten. Fort des bienfaits énumérés ci-dessus, le souchet est le nouvel aliment healthy à la mode. En prime, ce tubercule est dépourvu de gluten, ce qui devrait ravir les personnes intolérantes ainsi que les adeptes de la tendance gluten-free. Quant aux personnes diabétiques, elles peuvent, elles aussi, en consommer sans risque, car cet aliment a un index glycémique bas (il n’entraîne pas de pic d’insuline dans le sang », a-t-elle développé.

Yasmine Zerbo a ajouté que chez les femmes, la consommation de souchet permet de stimuler l’apparition des règles, la régularisation du cycle menstruel et la lutte contre la frigidité et la stérilité. En dehors de ses vertus digestives, diurétiques, toniques, stimulantes et emménagogues, le souchet est d’une grande efficacité dans le traitement des troubles érectiles, la baisse de libido et du sperme de mauvaise qualité (oligospermie, asthénospermie et même l’azoospermie) grâce à sa concentration en vitamine E, B8 et en oligo-éléments.

« Le souchet booste la libido, améliore la qualité du sperme et résout les problèmes érectiles » Yasmine Zerbo

Elle a confirmé ainsi la pensée populaire selon laquelle il est bon que les hommes consomment le souchet pour leur sexualité et leur reproduction.

Samirah Elvire Bationo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net