Dans la quête croissante des pratiques agricoles durables, les jardins agro-écologiques émergent comme une réponse prometteuse. C’est ainsi qu’en 2022, le jardin agroécologie de Bala, à Toma, dans le Nayala, a été construit grâce au soutien de l’ONG Tamat. Cependant, derrière la vision idyllique de cet espace, se cachent des défis souvent sous-estimés.
En 2022, la province du Nayala a bénéficié d’un projet en agriculture dénommé Sortir de l’urgence en promouvant l’agriculture (SEMINA), financé par l’ONG Tamat. La structure bénéficiaire est L’association Ka Wa Do Konlè. Un site agro-écologique a été construit à Toma. L’objectif recherché était d’améliorer les conditions de vie des communautés locales dans les domaines de l’agriculture et de la sécurité alimentaire et de réduire le risque épidémiologique dans le but de contribuer à atténuer les effets de l’urgence humanitaire. Un an après la fin de la construction de l’infrastructure, le site agro-écologique de Bala, à Toma, est presqu’à l’abandon.
Plus de 50% du site est inexploité. Beaucoup de défis restent à relever. Après avoir échangé avec quelques exploitants et le responsable de la structure bénéficiaire, des difficultés ont été révélées. Le problème d’eau et les rongeurs ont fait fuir les exploitants.
- Une planche de choux détruite par les rongeurs
Bien que la biodiversité soit encouragée dans les jardins agro-écologiques, le maintien d’un équilibre naturel peut être complexe. La gestion des ravageurs, sans recourir à des pesticides conventionnels, demeure un défi pour ce jardin de Bala. Les plantes des exploitants font la joie des ravageurs qui détruisent la majeure partie de la production. Cela a entraîné l’abandon du site par plusieurs exploitants. « Quand nous faisons le repiquage, les ravageurs détruisent presque tout. Nous ne savons pas exactement de quels ravageurs il s’agit, mais nous pouvons dire qu’ils entrent par le bas de la clôture car elle a été mal construite. Il n’y a pas de soubassement sous le grillage », confie Serge Paré, responsable de l’association Ka Wa Do Konlè, bénéficiaire du projet. En plus du manque de soubassement, la distance entre les poteaux de la clôture est de cinq mètres alors que la recommandation est de trois mètres.
Face à cette situation, les exploitants ont trouvé des solutions de fortune. Ils se servent de vieux moustiquaires pour clôturer les planches dans l’espoir de faire barrière aux rongeurs. Mais cette solution est inopérante. Selon Serge Paré, ces clôtures en moustiquaire tiennent à peine une semaine.
Il y a aussi un problème d’eau. La gestion efficace de l’eau devient cruciale, notamment dans des régions sujettes à des changements climatiques extrêmes. Dans le jardin agro-écologique de Bala, le système d’irrigation pouvant optimiser l’utilisation de l’eau sans compromettre les principes agro-écologiques est absent. Cependant, un système solaire de pompage d’eau existe. Quatre bassins d’eau ont été construits pour recevoir l’eau afin de permettre aux exploitants d’arroser les plantes. Malheureusement, d’après des exploitants rencontrés sur le site, ces bassins ne se remplissent jamais.
- « Nous voulons travailler, mais il n’y a pas d’eau » (Clarisse Sankara)
Clarisse Sankara, déplacée interne vivant à Toma, que nous avons rencontré sur le site exprime son désarroi : « Nous ne savons plus quoi faire. Nous voulons travailler, mais il n’y a pas d’eau. Plusieurs de nos camarades ont abandonné leurs planches. Nous qui sommes restés, essayons comme on peut de sauver le peu qui nous reste. Souvent, il faut attendre jusqu’à 11h pour avoir juste un peu d’eau pour nos légumes. Pourtant, il est déconseillé d’arroser sous le soleil ». Même son de cloche chez Aïchatou Ouédraogo, une sexagénaire déplacée interne originaire de Palé, dans la province du Sourou. « Il n’y a pas d’eau. Ils nous ont aussi interdit d’utiliser de l’engrais chimique. Pourtant, il n’y a pas de fumure aussi. Je suis ici depuis 6h du matin et il est 14h maintenant. Il n’y a toujours pas assez d’eau », dit-elle. À ce sujet, le responsable de l’association Ka Wa Do Konlè ne doute pas de la qualité de la pompe. Il pense plutôt à un problème d’installation.
- « Je ici depuis 6h du matin et il est 14h maintenant. Il n’y a toujours pas suffisamment d’eau », confie Aïchatou Ouédraogo.
Le responsable de l’association Ka Wa Do Konlè déplore également le manque de suivi du site. « Depuis la fin de la construction du site, il n’y a plus eu de suivi. Nous avons toujours tenu informée l’ONG Tamat et l’entreprise qui a réalisé l’infrastructure. Mais personne n’est revenue constater l’évolution des choses. S’il y avait un suivi, les problèmes réels allaient être décelés et des solutions auraient pu être trouvées à temps. Nous n’avons pas été non plus outillés pour résoudre ces types de problèmes », a expliqué Serge Paré.
Nous avons ainsi contacté l’ONG Tamat pour comprendre davantage la situation. En plus du site, l’ONG affirme avoir offert une formation technique aux bénéficiaires avec un programme de trois modules : la gestion de la fertilisation des sols ; la fertilisation agro-écologique des sols et la lutte agro-écologique. Toujours selon l’ONG, « la formation avait comme objectif de donner toutes les compétences et conseils pour une gestion autonome de la production maraîchère. A la suite de la formation, une période d’assistance technique a été garantie pour une meilleure acquisition des compétences et informations par les bénéficiaires, aussi au-delà du projet, pour un mois et demi après la fin du projet et du financement, avec ressources propres de Tamat ».
« Comme d’habitude, affirme également Tamat, pour tous les projets que nous menons dans les villages, nous avions depuis le début du projet pris contact avec les services techniques de la mairie et l’association Ka Wa Do Konlè de Toma, afin qu’ils puissent prendre en charge le site et tous les investissements après la durée du projet pour garantir la durabilité des activités ».
Sauf que la mairie ne se reconnaît pas totalement dans la prise en charge du site après la durée du projet. « Nous avons été contacté par le responsable de l’association Ka Wa Do Konlè et l’ONG en question concernant le projet. Vu l’importance que le site pourrait avoir sur le bien-être des bénéficiaires, sur les personnes déplacées internes et la population de Toma, nous avons salué le projet », a expliqué le secrétaire général de la mairie de Toma. Une lettre de soutien moral a donc été adressée à l’ONG. Ensuite, la marie a accompagné le recrutement des bénéficiaires et mis une salle à la disposition de l’ONG Tamat pour la formation des bénéficiaires.
Malgré les difficultés, l’ONG est prête à offrir, à ses frais, tout l’appui technique en agro-écologie, mais à distance pour des questions sécuritaires ; à organiser des rencontres onlines avec leurs agronomes pour donner tout l’appui conseil utile pour résoudre les problèmes de production.
L’entreprise qui avait réalisé la mise en place du site aurait même déjà été contactée courant octobre 2023 par l’ONG pour planifier une sortie de vérification de la situation afin d’évaluer ce que Tamat peut faire.
Mais, trois mois après, les choses semblent traîner. Pendant ce temps, l’or bleu est presque inaccessible sur le site agro-écologique de Bala. Les rongeurs (lièvres, hérissons…) raffolent de légumes frais. Le site est donc un endroit propice pour leur développement, ce qui incite les populations à organiser des battues.
L’ONG Tamat existe depuis plusieurs décennies au Burkina. Elle travaille dans les domaines de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, le développement rural durable, le soutien à la création de microentreprises (microcrédit), la santé infantile… Pour atteindre ses objectifs, Tamat a ainsi mis en œuvre plusieurs projets dont SEMINA, destiné au départ à la province du Yatenga, au Burkina Faso.
Le projet devrait s’étaler sur une période de quinze mois (du 15 septembre 2021 au 15 décembre 2022) et être exécuté dans les communes de Bango et Soro dans le Nord (Yatenga). Il y avait aussi comme objectif la mise en place de deux jardins agro-écologiques d’un hectare chacun, clôturé et équipé de forages avec pompage solaire. Affilié à d’autres partenaires, Tamat avait également pour rôle la formation et l’assistance technique à 240 agriculteurs sur les techniques de production agricoles durables.
Malheureusement, le projet a connu des retards du fait de l’insécurité dans les communes initialement concernées. On assiste donc à la suspension des différentes activités de l’ONG dans les zones frappées par l’insécurité. Après des échanges, la possibilité de délocalisation du projet a été émise et la Boucle du Mouhoun a été choisie. Les villes de Tougan et Toma ont été retenues.
Des difficultés dans la mise en place du projet
Au cours du mois de mai 2022, les démarches ont donc été entamées. À Toma, le secrétaire général de la mairie, la direction provinciale de l’agriculture et le responsable de l’association Ka Wa Do Konlè ont été les personnes et structures locales contactées. Le secrétaire général de la mairie de Tougan et le responsable de l’association SOS Sourou ont été contactés.
Après les échanges avec les bénéficiaires et les partenaires, des études ont été réalisées sur les sites indiqués. Malheureusement, à Tougan, quatre forages négatifs ont été enregistrés. À cause de l’insécurité à Tougan et d’autres difficultés rencontrées, les travaux ont donc été délocalisés à Toma qui devrait donc abriter deux sites. Néanmoins, les bénéficiaires de Tougan avaient été retenus.
À Toma, le projet rencontre d’autres difficultés. En effet, un premier site a été identifié. L’entreprise en charge de la réalisation y avait réalisé le parcellement du site, la construction d’un forage ainsi que les travaux de tuyauterie des bassins. Mais à cause de problèmes socioculturels, le site sera abandonné. « Un matin, nous sommes allés trouver des grains de riz, de la cendre et des œufs sur le site. C’était certainement un sacrifice », se rappelle Serge Paré. Celui-ci contactera des chefs de terre qui ont procédé à l’enlèvement. Par prudence, le site a été abandonné. Il fallait trouver un autre site pour réaliser le projet. C’est ainsi qu’une parcelle d’un hectare a été octroyée dans le quartier Bala, à Toma à environ quatre kilomètres au nord-est de la ville.
A cause de la crise sécuritaire dans la région de la Boucle du Mouhoun, la ville de Toma et bien d’autres villes du Burkina connaissent une hausse des prix de certains produits maraîchers. L’opérationnalisation du site agro-écologique de Bala permettra non seulement une baisse des prix, mais aussi l’accès à l’alimentation de certaines couches de la société.
Y. I K-Z
Source: LeFaso.net
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