Après plusieurs renvois, l’affaire qui oppose Sévérine Bationo/Kanssono, chargée d’affaires de l’ambassade du Burkina au Canada au bimensuel L’Evènement, a connu sa première audience officielle ce vendredi 27 octobre 2023. Dès l’entame, les avocats de la défense ont soulevé des exceptions qui empêchent le dossier d’être ouvert et débattu dans le fond. C’est ce sur quoi ont porté les débats de ce jour et dont l’issue s’est soldée par une suspension d’audience et un renvoi de l’affaire au vendredi 24 novembre 2023.
L’audience de ce jour était essentiellement dédiée aux dossiers de citation directe, parmi lesquels figure la présente affaire. Dans ce dossier, sont poursuivis pour diffamation, le directeur de publication Serge Oulon, le directeur général Germain Bitiou Nama et le bimensuel L’Evènement. Dès l’entame, les conseils de ces derniers relèveront deux exceptions. La première est relative à la prescription. Pour eux, les débats ne peuvent se poursuivre car les délais impartis pour juger une affaire en diffamation, conformément à la loi 057-2015 portant régime juridique de la presse écrite au Burkina Faso, sont dépassés.
Cette dernière dispose, entre autres, que pour les délits, l’action publique se prescrit après trois mois à compter du jour où ils ont été commis, ou du jour du dernier acte de poursuite. « Dans le cas d’espèce, la citation directe date du 23 juin. Ce qui veut dire que la plaignante avait jusqu’au 23 septembre pour engager ses poursuites, au vu des renvois incessants qui empêchaient l’affaire d’être jugée. Elle a agi le 25 septembre, soit deux jours après. Il est donc très clair qu’elle est hors délais. C’est une question de mathématiques », a relevé l’un des avocats de la défense.
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La seconde exception elle, porte sur la procédure de citation directe en elle-même. Selon le code pénal, elle devrait indiquer en quelle qualité les prévenus sont poursuivis. « En d’autres termes, M. Oulon, M. Nama et le journal L’Evènement devraient savoir, en comparaissant à la barre, en quelle qualité ils sont poursuivis. Mais lorsque vous lisez la citation, il est juste écrit prévenu, prévenu et prévenu. Pourtant, si le législateur a pris le soin de préciser cela, c’est parce que cela participe aux droits de la défense. En comparaissant à la barre, la personne poursuivie doit savoir l’infraction qu’on lui reproche, le texte sur lequel l’infraction est fondée et en quelle qualité elle est là, pour lui permettre de préparer en conséquence sa défense. Au regard de ces violations flagrantes, la conséquence de droit qui en découle est la nullité. Raison pour laquelle nous vous demandons, M. le président, de constater la nullité de cette citation », ont-ils conclu.
Pour la partie civile, aucune des exceptions relevées ne mérite que le fond du dossier ne soit abordé. Tout d’abord, elle fera observer que les exceptions de nullité sont soulevées in limine litis (c’est à dire, en début de procédure). « Ce n’est pas le moment de soulever des exceptions de nullité ! Ce moment-là est passé ! » a estimé Me Guitanga. Par ailleurs, il souligne que les renvois ont été de l’initiative des prévenus et qu’il n’y a pas de raison qu’ils s’en prévalent pour justifier une quelconque forclusion.
« Pour ce qui est de la deuxième exception de nullité, je tiens à préciser que les citations ont été signées le 22 septembre 2023 par le procureur. Et si je dois suivre le raisonnement des prévenus, la prescription court depuis la date à laquelle ils ont reçu la citation. Ceux qui veut dire que ni la date de dénonciation au parquet, ni la date de saisine du tribunal, ni celle de la première audience ne compte pour eux. Malheureusement pour vous (s’adressant à la partie adverse), le décompte ici commence à partir de la première audience. Et si tel est le cas, nous sommes bel et bien dans les délais. Même si on ne veut pas être jugé, il faut trouver d’autres moyens. Je pense qu’il faut écarter convenablement ces exceptions-là, on va avancer ! », a pesté Me Guitanga.
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Quant à l’exception de nullité portant sur la citation directe, ce dernier soulignera que c’est bel et bien ainsi que l’on nomme la qualité de ceux qui comparaissent. « Il y a trois qualités dans le procès pénal : partie civile, prévenu, civilement responsable. Il n’y a pas autres chose ! Notre cliente comparaît en sa qualité de partie civile. Eux ils comparaissent en tant que prévenus. On ne pouvait rien dire d’autre ! C’est comme ça ! » a-t-il rappelé.
Le procureur dans ses observations fera observer qu’une enquête a été entamée pour s’assurer de la véracité des propos rapportés à travers le journal. Mais pour ce qui est de l’exception de nullité portant sur la prescription, il s’inscrira dans la même veine que la partie civile, soulignant au passage que l’issue de l’enquête fera très sûrement allongé le déroulé de l’affaire, toute chose qui pourrait la pousser dans la forclusion.
Les jurés, après avoir écouté les parties, ont suspendu l’audience tout en la renvoyant au vendredi 24 novembre 2023. Les débats se poursuivront sereinement donc malgré les différentes exceptions soulevées par la défense, car les exceptions seront jointes au fond.
Erwan Compaoré
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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