Le ministre des ressources animales et halieutiques, Sommanogo Koutou, était face aux Hommes de médias, le 12 août 2016, à Ouagadougou. Au menu de cette conférence de presse : les mesures prises pour lutter contre le phénomène d’abattage massif des ânes et l’exportation de leurs peaux, la question de la grippe aviaire et la problématique des zones pastorales. L’espèce asine risque de disparaitre du Burkina d’ici à fin 2019 si rien n’est fait, selon le ministre Koutou. D’où l’interdiction pure et simple de l’exportation des produits dérivés, en attendant un mécanisme de développement de la filière âne au Burkina.

En 2015, selon des statistiques actualisées, le Burkina comptait 1 337 000 têtes d’ânes dont 35% de femelles. L’abattage de cette espèce à des fins de consommation était jusque-là marginal. Aucune exportation de la viande ou de peaux d’ânes n’avait été enregistrée au niveau des frontières jusqu’alors. Mais, cette exportation commence timidement en début 2015, puis prend de l’ampleur au fil des mois, avec l’arrivée des apothicaires chinois.


Ainsi, on passe de 1000 peaux au premier trimestre à 18 000 au 4e trimestre, soit une exportation annuelle de 33 000 peaux. On assiste dès lors à une ruée vers la peau d’âne, en 2016. Des vols d’ânes sont été enregistrés dans toutes les régions du Burkina et des abattages clandestins signalés. « Au cours du premier semestre de l’année 2016, les services vétérinaires ont contrôlé 65 000 peaux d’ânes à l’exportation. A côté de ces exportations autorisées, un circuit parallèle s’est mis en place, celui de la fraude défiant le circuit légal. Les quantités exportées dans ce circuit sont deux fois plus importantes », confie le ministre des ressources animales, Sommanogo Koutou.

Actuellement, l’exportation mensuelle est estimée à 32 500 ânes. Face au risque d’extermination de l’espèce, le gouvernement a alors décidé de bander les muscles. Ainsi, le 03 août, le Conseil des ministres a adopté un décret portant règlementation de l’abattage et de l’exportation des asins, des camelins, des équins et de leurs produits au Burkina Faso. L’adoption de ce décret permet de doter notre pays d’un cadre juridique règlementant l’abattage et interdisant l’exportation des asins, des camelins, des équins et de leurs produits.

En attendant le développement de la filière âne…


Cette conférence de presse était une occasion pour expliquer les enjeux des mesures prises par le gouvernement. Le décret portant interdiction de l’exportation des peaux d’ânes et des produits dérivés est porté par le ministère de l’élevage et non celui du commerce, habituellement habilité à gérer les questions d’exportation et d’importation. « Il s’agit d’un décret interministériel, même s’il est porté par le ministère des ressources animales, parce qu’il s’agit d’ânes. Le décret a été pris pour un temps, le temps que nous puissions mettre en place un mécanisme de développement de la filière âne parce que jusque-là, il n’y a pas de filière âne au Burkina. Si nous laissons exporter, les chiffres nous disent que dans deux ans, il n’y aura plus d’ânes au Burkina Faso », explique le ministre Koutou.

L’affaire de l’abattoir de Ballolé s’est invitée aux échanges. « Au départ, c’était un abattoir réservé uniquement à l’abattage des bovins, ovins et caprins. Mais, au fil du temps, comme ça a été une activité d’exportation, donc il y a eu des conventions qui ont été signées et qui leur ont permis de faire la viande d’âne. Mais, ce n’était pas pour exploiter de cette manière (…) les ânes qui devaient être abattus là-bas, c’était sous le contrôle des services vétérinaires. A un moment donné, il y a eu un dérapage, le service vétérinaire même ne suivait plus l’activité ; ce qui a entrainé la situation que nous avons connue au niveau de Ballolé », a souligné Dr Maïga, du ministère des ressources animales. Quid des sanctions ? « Il n’y a pas de sanctions. Les textes ne prévoient pas de sanctions par rapport à ça. On peut juste arrêter l’activité », a-t-il précisé.

L’âne du ministre a été tué


Le décret du 03 août, devrait favoriser le renforcement du contrôle aux frontières, la répression des exportations illégales de ces espèces et leurs produits, une meilleure collaboration entre les services vétérinaires, les services de douane et les forces de défense et de sécurité pour lutter contre les exportations frauduleuses.

Si l’activité a commencé depuis le premier trimestre de 2015, pourquoi le gouvernement a attendu l’affaire de Ballolé avant de prendre ce décret ? Pour le ministre Koutou, ce n’est pas l’affaire de Ballolé qui a poussé le gouvernement à prendre ce décret. Les services techniques y travaillaient depuis plusieurs mois. « Pour arrêter cette hécatombe, nous avons voulu prendre toutes les précautions. Le texte concerne les techniciens de plusieurs départements ministériels, il fallait donc qu’ils puissent s’accorder », a-t-il souligné. Avant de se livrer à une confidence : « Avant que je ne sois ministre, dans mon village, on a perdu dix ânes du coup. On s’est réveillé un matin et trouver la chair posée, mais pas la peau… moi-même mon propre âne a été tué ».

Pas de grippe aviaire au Burkina

D’août 2015 à juillet 2016, 44 alertes de mortalités de volailles en provenance de 12 provinces ont été enregistrées et investiguées par les services du ministère en charge de l’élevage. Mais toutes ont été infirmées à l’IAHP, donc pas de grippe aviaire dans notre pays. Mais, la maladie a été signalée dans un pays voisin, il y a quelques semaines. D’où la nécessité de « rester sur ses gardes pour éviter tout cas grippal », car, « la maladie est passée mais le risque demeure »,a précisé le ministre Koutou.

La dernière question abordée au cours de cette conférence de presse, c’est la problématique des espaces pastoraux, souvent menacés d’occupation par des agriculteurs et autres exploitants. Le cas de la zone pastorale de Samorogouan a fait grand bruit au cours du premier trimestre de l’année 2016.

Actuellement, le Burkina compte 26 zones pastorales aménagées et 187 zones et aires de pâtures potentielles, couvrant une superficie de 2 millions d’hectares.

Ces zones sont souvent considérées par les populations riveraines comme des colonies organisées par l’Etat sur leurs terres. Pour résoudre la question, ces zones devraient devenir « effectivement des pôles de développement, procurer des emplois et des revenus à tous, et contribuer au développement des autres activités. C’est de là qu’elles seront mieux comprises par les riverains », a lancé Sommanogo Koutou.

Moussa Diallo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net