Au Burkina Faso, le chômage est le mal qui touche le plus les jeunes diplômés. Mais il ne faut pas occulter un autre phénomène qui frappe durement notre pays, en l’occurrence le sous-emploi. Selon l’Enquête régionale intégrée sur l’emploi et le secteur informel (ERI-ESI) de 2018, le taux de chômage pour les jeunes de 15 à 34 ans est de 6,6%, et le taux de sous-emploi de la même tranche d’âge se situe à 40,7%. A l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), certains diplômés viennent tenter leur chance de décrocher un boulot.

Sur les lieux, le calme qui règne dans la cour est saisissant. Certains aspirants au travail rémunéré ont la tête baissée, les regards fixés sur leurs dossiers. D’autres font la queue devant le guichet pour les déposer. Le comportement d’un jeune diplômé nous tape à l’œil. Il s’agit d’Oumarou Sana. Nous allons vers lui. A cœur ouvert, il se confie à nous. Des échanges, l’on retient qu’il a fait ses premiers pas en géographie à l’actuelle université Thomas-Sankara. Après la licence en 2019, il se spécialise en comptabilité où il obtient son certification. La motivation pour la comptabilité est, selon lui, la conjugaison de plusieurs facteurs dont le plus essentiel est le salaire.

En effet, la majeure partie des métiers de ce secteur sont réputés bien payés. Malgré ce parcours diversifié, M. Sana peine à trouver du travail. Vient un jour où il est informé des opportunités offertes par l’ANPE. Il introduit alors son dossier et se voit octroyer une carte de demandeur d’emploi. Jusqu’à ce jour, la chance ne lui a pas encore souri. « A plusieurs reprises, j’ai postulé à des offres de recrutement. J’ai passé l’écrit sans difficulté mais à l’entretien, on retient généralement ceux qui ont une forte expérience », lâche-t-il désespéré. Malgré ce coup dur, ce chercheur d’emploi ne cède pas à la tentation de jeter l’éponge.

Le directeur général de l’ANPE, Yakouba Guigma.

Comme lui, ils sont nombreux, ces jeunes diplômés qui vivent également cette situation. Désiré Bationo est détenteur d’une maîtrise en économie. Vêtu d’un sous-corps noir et d’un pantalon, il est en plein dans son train-train quotidien. « Aujourd’hui, c’est lundi, donc je suis venu voir s’il y a une offre qui correspond à mon profil pour postuler. Dans la semaine, je viens plus de quatre fois à l’ANPE », nous souffle-t-il d’une voix recouverte par le brouhaha des autres postulants. En quête d’emploi depuis une dizaine d’années, M. Bationo s’interroge sur les critères de recrutement, invitant les premiers responsables à revoir leur copie. Pour joindre les deux bouts, il mène une activité qui ne correspond pas à sa qualification, en attendant d’avoir mieux.

Larissa Imien, de son côté, vient d’entamer une expérience avec l’ANPE. Nous l’avons rencontrée autour de midi quand elle s’apprêtait à enfourcher son engin. Pourquoi voulez-vous détenir une carte de demandeur d’emploi ? « La nécessité s’est présentée quand l’ANPE Bobo-Dioulasso a lancé un concours pour le recrutement d’un étudiant détenteur d’une licence ou d’un master en agronomie. C’est la carte de demande d’emploi qui a été un couac pour moi. C’est pourquoi je suis venue à l’ANPE pour essayer d’acquérir cette carte afin de postuler et voir si la chance va me sourire », raconte la demoiselle.

A 27 ans, et malgré un master en agronomie dans la poche, elle doute toujours de son avenir professionnel. « Depuis ma soutenance, je reste cloîtrée chez moi. Il ne se passe pas grand-chose dans ma vie. La dynamique est cassée. J’ai l’impression de stagner à un moment où je devrais prendre mon envol », conclut-elle. Dominique Dolkom, quant à lui, travaille depuis 2018 comme réceptionniste dans un centre de la capitale. Il évoque son alternance dans une structure de la place avec un brin d’amertume dans la voix : « Ça ne s’est pas très bien passé, surtout en termes relationnel et salarial. Une année après avoir établi ma carte de demandeur d’emploi, j’ai été retenu à l’issue d’un tirage. Ce jour-là, nous étions environ 200 candidats pour quatre personnes à recruter ».

Larissa Imien

En moyenne 15 000 jeunes demandeurs d’emploi par an

Selon l’Enquête régionale intégrée sur l’emploi et le secteur informel (ERI-ESI) de 2018, le taux de chômage pour les jeunes de 15 à 34 ans est de 6,6%, et le taux de sous-emploi de la même tranche d’âge se situe à 40,7%. S’appuyant sur le diagnostic secteur privé pays (juillet 2019) de la Banque mondiale, le directeur général de l’ANPE, Yakouba Guigma, estime qu’il faudrait créer 300 000 emplois supplémentaires chaque année pour absorber la population croissante de jeunes au Burkina Faso. Ainsi, l’emploi des jeunes, ces dernières années, est de plus en plus préoccupant aussi bien au niveau national que sur le plan sous-régional, régional et international.

L’ANPE, l’interface entre les demandeurs d’emploi et les employeurs, reçoit des demandes de divers profils avec des niveaux d’instruction disparates : CEP, BEPC, BAC, DUT, BTS, Licence, Maîtrise, Master. Pour la période 2016-2022, ce sont 105 036 jeunes demandeurs d’emploi qui ont été inscrits dans les bases de données tous profils confondus, a indiqué le directeur général. C’est donc en moyenne 15 000 jeunes demandeurs d’emploi qui s’inscrivent dans les registres de l’ANPE chaque année. Spécifiquement, sur la période de janvier à mars 2023, l’agence a enregistré au total 4 430 demandeurs d’emploi pour 26 tests de recrutement organisés et 176 postes pourvus. D’avril à juin 2023, le nombre s’affichait en baisse. Il est passé de 2 759 demandeurs d’emploi pour 153 postes pourvus.

Oumarou Sana se dit confiant

Allier études et travail à temps partiel

Pour lutter contre le chômage des jeunes, l’on doit réfléchir en dehors des sentiers battus et adopter une approche plus holistique qui permet de tester des solutions diverses et créatives. Le travail à temps partiel peut changer la donne du chômage des jeunes car il peut être un atout dans les choix de carrière, stimuler l’esprit entrepreneurial, renforcer les compétences que les employeurs recherchent, et tout simplement donner aux jeunes un bon départ dans le monde du travail et dans la vie.

Aïssata Laure G. Sidibé

Lefaso.net

Source: LeFaso.net