Le contexte sécuritaire dans lequel vit le Burkina Faso a favorisé la perpétration de deux coups d’Etat en moins d’une année. Des situations qui n’ont pas été sans conséquences, car les principes de l’Etat de droit ont été bafoués et la démocratie mise en péril. Pour apporter sa pierre à l’édification de la société dans ce contexte difficile, la Société burkinabè de droit constitutionnel (SBDC) a réalisé une étude sur « les connexions entre constitutionnalisme et lutte contre le terrorisme ». Et la journée de ce jeudi 14 septembre 2023 a consisté à présenter les résultats, en prélude à la célébration de la journée internationale de la démocratie.
Dans le cadre de son projet intitulé « Rebâtir l’Etat de droit et la démocratie dans le contexte de la crise sécuritaire au Burkina Faso », la SBDC, en partenariat avec le National democratic institute (NDI), se sont penchés sur les connexions entre constitutionnalisme et lutte contre le terrorisme. Selon Dr Martial Zongo, président de la SBDC, cette étude a été motivée par le contexte actuel marqué par l’insécurité qui, depuis 2015, remet constamment en cause les principes de l’Etat de droit. « Le Burkina Faso souffre de l’insécurité qui impacte tous les secteurs. D’abord sur les populations qui paient le plus lourd tribut en termes de victimes. Ensuite, un impact sur le système économique. Enfin, sur notre stabilité politique et institutionnelle. Et à l’occasion de la journée internationale de la démocratie prévue pour le 15 septembre 2023, il nous a paru important de réfléchir sur cette question pour saisir l’impact de la question du terrorisme sur la dégradation de notre système démocratique et formuler des propositions pour que la lutte contre ce phénomène ne soit pas un prétexte pour piétiner ou bafouer les principes démocratiques et d’Etat de droit », a-t-il laissé entendre.
- « La restitution de ces résultats permettra de célébrer la journée internationale de la démocratie de manière significative en mettant en avance l’importance de la démocratie et la participation citoyenne », Dr Martial Zongo
Pour ce qui est des résultats, Dr Aristide Béré, consultant dans le cadre de cette étude, a relevé plusieurs irrégularités : « d’abord, il y a la crise de la normativité engendrée par la difficile coexistence entre la constitution et la charte de la transition. En effet, le constitutionnalisme postule la suprématie de la constitution sur toute autre norme interne. Alors que l’article 24 de la charte de la transition fait prévaloir cette dernière sur la constitution. Par ailleurs, on a aussi constaté un amenuisement des fonctions parlementaires. Cela s’est traduit par un dessaisissement législatif, marqué par la multiplication des ordonnances sur habilitation législative, une incursion de l’exécutif dans le domaine des pouvoirs parlementaires, notamment celui fiscal. Tout cela sans oublier les atteintes au pouvoir judiciaire qui ont été constatées çà et là ».
- « Il est de notre intérêt à tous d’œuvrer à une lutte contre le terrorisme plus civile, impliquant le droit et promouvant les droits de l’homme et les libertés publiques », Dr Aristide Béré
Si pour certains, toutes ces mesures peuvent s’expliquer par le fait que le pays se trouve dans un régime exceptionnel, le consultant a tenu à clarifier les choses. « Dire que nous sommes dans un régime exceptionnel ne signifie pas que nous sommes dans un régime d’exception. Le régime exceptionnel dans lequel nous sommes s’est inséré dans un corpus constitutionnel, à travers d’abord la constitution, puis la charte. Du coup, l’ensemble des mesures qui sont prises, qu’elles soient pratiques ou juridiques, doivent trouver leur ancrage légal et constitutionnel à l’intérieur de ces deux textes d’abord, avant de se décliner sur les autres aspects. De ce point de vue, la lutte contre le terrorisme ne pourrait pas s’échapper d’un encadrement constitutionnel réglementaire ou législatif et ne pourrait pas s’émanciper de la protection des droits humains ».
- Une vue partielle des participants à cet atelier de présentation des résultats de l’étude
L’étude faite par le consultant ne s’est pas limitée aux deux coups d’Etat, mais remonte de 2019 jusqu’à nos jours. « Nous avons voulu voir si les mesures qui étaient prises étaient conformes aux droits humains (par exemple). On a relevé que du point de vue de la procédure, certaines étaient correctes. Mais pour ce qui est du respect des droits de l’homme dans la pratique, elles se révélaient problématiques. On peut aussi parler du code électoral, des lois sur le renseignement, etc., qui, avant même les coups d’Etat, étaient difficiles du point de vue de l’analyse scientifique, constitutionnel et juridique » a relevé le consultant.
Pour ce qui est des recommandations, il souligne qu’il est difficile de les faire immédiatement car dit-il, « le tout doit s’insérer dans un cadre constitutionnel qui postule le retour rapide à un ordre constitutionnel dans lequel toutes les actions peuvent se dérouler ».
Erwan Compaoré
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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