Les maladies de l’oreille, du nez et des sinus et les maladies de la gorge sont prises en charge par les médecins ORL. Ils pratiquent aussi la chirurgie cervico-faciale. Pour en savoir davantage sur cette spécialité chirurgicale, nous avons rencontré Pr Bertin Priva Ouédraogo, professeur titulaire d’ORL et de chirurgie cervico-faciale à l’unité de formation et de recherche en sciences de la santé de l’université Joseph Ki-Zerbo et chef de service de chirurgie et spécialités chirurgicales au CHU de Tengandogo. Lisez plutôt !
Lefaso.net : Quand on parle de médecin ORL, quelles sont les pathologies soignées par ce spécialiste ?
Pr Ouédraogo : C’est vrai, l’ORL est une spécialité chirurgicale qui s’est beaucoup développée ces dernières années mais qui n’est pas très bien connue encore. C’est une spécialité qui s’occupe des maladies de l’oreille (O de l’ORL), des maladies du nez et des sinus, c’est la rhinologie (c’est le R de ORL) et des maladies de la gorge, la laryngologie (L de ORL) qui concerne le pharynx, le larynx. En plus de cela, l’ORL fait de la chirurgie du cou et de la face. Et cet aspect de la chirurgie est peu connue de beaucoup de gens, mais ça occupe une grande part de l’activité de l’ORL que nous sommes.
Quelles sont les maladies en ORL les plus répandues au Burkina Faso ?
C’est un peu difficile de répondre avec précision. Mais comme la plupart des spécialités, nous avons les maladies infectieuses. Les infections au niveau de la sphère ORL, les maladies allergiques sont aussi de plus en plus répandues. On parle de sinusite allergique, de rhinite allergique, de rhinopharyngite allergique. Il y a aussi et surtout les tumeurs, les affections tumorales parmi lesquelles on a les tumeurs bénignes, mais on aussi les cancers. Tous les organes que je vous ai cité tantôt peuvent être le siège de cancers aussi bien l’oreille, la gorge, le nez, les sinus, le cou, la face. Toutes ces localisations peuvent être le point de départ de cancer et l’ORL a la charge de s’en occuper.
La chirurgie que vous pratiquez, c’est bien la chirurgie cervico-faciale ?
Oui nous pratiquons la chirurgie cervico-faciale, mais nous faisons aussi la chirurgie de tous les organes que je viens de citer. La chirurgie que nous pratiquons ne se limite donc pas à la chirurgie cervico-faciale. Il faut savoir que pendant longtemps, l’ORL, c’était la chirurgie des organes ORL. Mais ça s’est étendu à la chirurgie de la face et du cou, ce qui fait qu’on est obligé de préciser ORL et chirurgie cervico-faciale ; parce qu’il y a d’autres spécialités aussi qui font de la chirurgie cervico-faciale par exemple, les maxillo-stomatologues, les odontologues font de la chirurgie maxillo-faciale. On a des points communs et des interventions qu’on fait en commun.
En tant que praticien, quelles sont les opérations que vous pratiquez le plus ?
En tant que praticien, nous opérons beaucoup plus les pathologies de la gorge, du pharynx. En termes de fréquence, nous avons les maladies comme les amygdalites, les végétations adénoïdes qui sont des maladies de la gorge essentiellement de l’enfant, même s’il y a des adultes chez qui on opère des amygdales, la plupart du temps, c’est chez les enfants. Au-delà des interventions de la gorge, nous faisons beaucoup de chirurgie du cou. La chirurgie des tyroïdes, ce sont les goîtres. Vous allez voir des gens qui ont de gros développements au niveau du cou qu’on appelle des goîtres, il y a des goîtres qu’on est amené à opérer et c’est une activité que l’ORL fait actuellement. De plus en plus cette activité est menée presque dans tous les CHR.
En dehors de cela, nous avons des interventions sur les sinus, sur le nez, etc., même sur l’oreille, mais qui ne sont pas encore beaucoup développées que celles que je viens de décrire.
Toutes les pathologies en ORL sont-elles opérables au Burkina Faso ?
Si on prend le cas de l’oreille, il y a beaucoup de pathologies qui peuvent être traitées par des médicaments et où on n’a pas besoin d’opérer. Mais il y a des maladies de l’oreille qu’on ne peut pas traiter en dehors d’une intervention. Je prends par exemple, la surdité. Il y a des causes de surdité qui ne peuvent être réglées en dehors d’une intervention chirurgicale. Vous avez aussi les perforations du tympan qui sont très fréquentes et pour refermer cette perforation, on est très souvent amené à faire une intervention.
Il y a beaucoup d’autres exemples, par exemple les tumeurs de l’oreille, pour guérir une tumeur, on ne peut pas se contenter de médicaments.
Et c’est exactement la même chose pour les autres organes. Ce sont des cavités et c’est difficile d’accès, c’est vrai, mais l’ORL a des instruments qui lui permettent d’aller dans ces cavités très réduites et de faire des interventions chirurgicales.
Et c’est en train tellement de se développer, que de plus en plus, nous faisons des opérations sans cicatrices. Dans le temps, ces organes étaient abordés par des incisions de la face, aujourd’hui on fait des interventions sur l’oreille, dans le nez, dans les sinus, dans la gorge entièrement sans aucune cicatrice. Cela se fait au Burkina ici, parce que nous avons la technologie, des caméras, des optiques qui nous permettent d’accéder à ces cavités, d’opérer des lésions sans avoir besoin de faire d’incisions.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans la pratique de la chirurgie en ORL ?
Les difficultés en tant que chirurgien, c’est d’abord la formation des praticiens. De plus en plus, nous utilisons une technologie qui est en train de se développer et il faut qu’on forme des acteurs qui maîtrisent ces outils que nous utilisons pour ces interventions. Ça ce n’est pas gagné d’avance, donc il faut former, recycler et mettre tout le monde au niveau de ces nouvelles technologies.
En dehors de la formation, c’est l’équipement des services. Quand je vous dis que ces interventions on les fait maintenant sans cicatrice, quand vous prenez le point des hôpitaux, au niveau du Burkina où il y a des services ORL, il n’y a pas beaucoup qui ont des plateaux techniques qui permettent de faire ce genre d’intervention. Vous avez aujourd’hui des hôpitaux qui ont des spécialistes ORL mais qui n’ont pas grand-chose pour opérer.
Le troisième grand problème, ce sont les moyens des patients. Il n’est pas rare qu’on pose une indication chirurgicale et qu’on dise au malade qu’on doit l’opérer. Il n’a pas la possibilité, parce qu’il y a un coût pour la chirurgie, il y a un coût pour l’hospitalisation, il y a un coût pour les bilans opératoires et ça se sont des freins qui nous empêchent aussi d’opérer à notre guise. Mais je crois que c’est un problème général de la chirurgie, ce n’est pas en ORL seulement.
Avez-vous de bons résultats des différentes chirurgies que vous réalisez ?
Evidemment, sinon ça allait être une source de démotivation. Bien au contraire, nous sommes très motivés et galvanisés parce que les résultats ont immédiats et c’est ça aussi l’avantage de la chirurgie. Quand ça marche, c’est tout de suite. Le malade est satisfait et le chirurgien est satisfait. C’est ça qui fait notre fierté et c’est ça qui nous donne la force de continuer et d’avancer parce que nous avons de bons résultats.
Des conseils pour prendre soins de nos organes de la sphère ORL ?
Il y a tellement de choses à dire sur cet aspect, mais je vais me focaliser sur un aspect, c’est la prévention des tumeurs. Nous pensons qu’il faut que nous ayons une hygiène alimentaire, une hygiène de vie qui nous préserve de ces pathologies tumorales. Aujourd’hui, il y a des certitudes par rapport à la genèse de ces cancers. Sur le plan ORL, nous savons qu’au niveau du nez et des sinus, c’est l’irritation chronique, les microtraumatismes par l’inhalation de substances irritantes, etc.
Nous savons qu’au niveau de la gorge, c’est la consommation excessive d’alcool et de tabac, pour ne citer que cela. Sur le plan préventif, on peut agir sur ces éléments. Pour ceux qui travaillent dans des industries, dans des milieux où on inhale beaucoup de particules, beaucoup de substances toxiques, il faut se protéger les voies respiratoires. Pour les autres, revoir la consommation d’alcool et de tabac pour ne pas se retrouver à un certain âge avec des cancers au niveau de la sphère ORL.
Maintenant, en dehors de cela, on a une pathologie émergente, ce sont les pathologies allergiques. De plus en plus, on a l’allergie au niveau de tous les organes de la sphère ORL. Là aussi, ça demande une certaine hygiène de vie. Quand on arrive à déterminer l’allergène, ce qui déclenche l’allergie et qu’on réaménage son environnement de vie, on revoit ce que l’on consomme, on revoit ce qu’on met autour de soi pour éviter ces maladies allergiques, qui aujourd’hui posent beaucoup de problèmes dans notre pratique.
Interview réalisée par Justine Bonkoungou
Photo et vidéo : Auguste L. Paré
Source: LeFaso.net
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