Lors d’un panel, sur le thème : « Droit à l’éducation au Burkina Faso : réalité ou relativité », tenu, le 6 juillet 2023 à Ouagadougou, Dr Nestorine Sangaré, ancienne ministre en charge de la femme et chercheure qui faisait partie des trois panélistes, est revenue sur certaines erreurs commises en matière de politiques éducatives au Burkina. Quelques points essentiels de son analyse !
« On m’a demandé de parler des politiques éducatives. En parlant des politiques éducatives, j’ai été amenée à faire un retour en arrière, en partant de l’époque coloniale. Parce que notre école, quand vous en entendez parler actuellement, on dit toujours que c’est l’école coloniale qui est toujours maintenue. On n’est pas encore parvenu où on n’est pas encore arrivé à inventer un modèle d’éducation qui soit basé sur nos propres valeurs, nos propres objectifs ».
C’est ainsi que Dr Nestorine Sangaré a planté le décor de son intervention, avant de rappeler que l’école ou l’éducation, ce n’est pas seulement ce qui se passe dans la salle de classe. Contrairement à ce que peuvent penser beaucoup de personnes, l’éducation, selon Mme Sangaré, est un long processus qui commence dès la naissance, la petite enfance, ensuite l’école primaire, l’adolescence, post-primaire, secondaire et puis l’université, avant de se retrouver sur le marché du travail.
« C’est comme cela que l’école française est structurée, mais avec le temps, ou malheureusement dès le début, nous avons pensé l’école opposée à l’éducation sociale de base, comme si ces deux systèmes d’éducation devaient évoluer parallèlement. Et je pense que c’était la plus grosse erreur, parce que les fondements de la législation en matière d’éducation, c’est d’abord les valeurs de notre de société. C’est-à-dire, comment éduquer les enfants et quel contenu d’éducation leur donner », a-t-elle argumenté.
Former de jeunes pour faire la production agricole, mais pas pour faire des diplômés
Une argumentation qui l’a amenée à s’appesantir sur l’école coloniale. Une école, de laquelle l’école burkinabè tire sa base. Selon les explications de la chercheure, le colonisateur avait un objectif clair et savait exactement pourquoi il voulait scolariser les enfants des pays colonisés. Et la réponse à ce « pourquoi », à l’entendre, c’est que l’éducation avait pour but dans un premier temps de former une élite de collaborateurs, des valets locaux, prioritairement au service de la métropole. « C’est-à-dire qu’ils n’étaient pas là pour servir leurs pays, mais formés pour servir les intérêts de la métropole », a-t-elle dit.
Le deuxième but, poursuit-elle, c’était de former des commis et autres cadres subalternes au service de colonies plus ou moins autonomes, et enfin des cadres moyens pour développer l’économie des Etats indépendants au début des années 60. Pour dire que du point de vue politique, c’était cela leur objectif et maintenant quand nos pays ont pris leurs responsabilités à partir des années 70, les politiques éducatives ont changé d’orientation, a poursuivi l’ancienne ministre en charge de la femme. « Les politiques ont tenté de donner une nouvelle orientation en procédant à ce qu’elles ont appelé des reformes de 1970 et 1990, en disant qu’ils ne pouvaient pas continuer avec les méthodes, les programmes éducatifs du colonisateur et qu’il y avait la nécessité d’initier des modes et des sources de financement d’éducation. Et dès 1990, on se posait la question de savoir qui finance l’éducation. Je m’arrête là pour dire que chaque droit a un coût », a-t-elle montré.
Elle fait remarquer que ce coût du droit à l’éducation doit être supporté par quelqu’un : l’Etat, les parents ou d’autres personnes. D’après elle, l’orientation du Burkina après les indépendances a été de mettre l’accent sur l’éducation rurale, parce que le gouvernement, de 1961 à 1983, a pensé des reformes pour promouvoir une économie essentiellement basée sur le secteur agricole. « Parce que notre économie était une économie agricole. Et dès ce moment, notre éducation avait un objectif rural. On formait les jeunes pour qu’ils puissent travailler la terre. On a formé beaucoup de gens pour la production, mais pas pour faire des diplômés », a-t-elle regretté.
YZ
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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