Qui a choisi le nouveau directeur général de l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) ? L’ancien ministre qui est parti ou le tout nouveau qui, à peine installé le 27 juin 2023, demande au conseil des ministres du 6 juillet 2023 de nommer Adama Traoré ? Qu’importe qui l’a fait, la personne ne sera plus taraudée par le doute d’avoir fait le bon choix car le comité de la Confédération générale du travail du Burkina (CGTB) de l’ONEA a émis des inquiétudes sur l’avenir de la société d’Etat, si le nouveau directeur général était confirmé dans ses nouvelles fonctions.
Et ceci pour des fautes qu’il aurait commises comme directeur des marchés de l’ONEA, manquements ayant abouti, entre autres, à l’annulation d’un marché. Il aurait également donné des marchés de gré à gré et fait des surfacturations, faisant l’objet d’un rapport de l’Inspection générale des finances de décembre 2022. L’ONEA étant en audit en ce moment, sa nomination pourrait aussi compromettre cette supervision de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption(ASCE/LC) (voir Nomination du nouveau directeur général de l’ONEA : La coordination CGTB/ONEA pour une annulation de la décision).
Comment choisir les ministres et directeurs généraux ? Quelle est la place de la probité, de l’intégrité dans ce choix ? C’est du reste cette nécessité qui fait obligation de l’enquête de moralité. Les gouvernements de transition ont souvent vu leur choix contesté par la population. Que faire pour que cette loi des séries ne continue pas puisque ce sera la troisième fois que des choix de personnes par les hautes autorités sont contestés ? Le gouvernement est face à son propre discours de lutte contre la corruption et de promotion de l’intégrité des dirigeants. Va-t-il respecter la jurisprudence des pouvoirs de transition qui ont toujours abandonné les personnes contestées ?
Une des missions importantes du gouvernement est de faire des choix : choix des politiques et programmes, choix des stratégies et plans d’action etc. Ces différents choix théoriques, idéologiques ne parlent pas beaucoup au grand nombre, mais le choix des hommes qui vont incarner la politique donnent vie à la politique, font sens au niveau des populations.
Les hommes permettent de voir concrètement ce que les discours disent mal. Les hommes, par leur vie, permettent d’apprécier le sens des mots. A partir des hommes, on peut faire des projections. Les hommes sont l’image, la concrétisation de toute cette théorie. Si le passé de l’homme ne va pas dans la vision du gouvernement, la population dénonce le hiatus et réclame l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. C’est un besoin légitime de contrôle des dirigeants.
Cette revendication de tenir compte des hommes qui sont gouvernés et de leurs aspirations quand on choisit les ministres a été faite la première fois après l’insurrection populaire, par les hommes de culture et des médias, quand le lieutenant-colonel Isaac Yacouba Zida a nommé son promotionnaire et ami du Prytanée militaire du Kadiogo (PMK), Adama Sagnon, comme ministre de la culture. Le passé de ce magistrat comme procureur dans l’affaire Norbert Zongo, a mis en colère les professionnels de la culture et des médias qui ont dit que ce « juge acquis » au régime Compaoré ne pouvait pas être ministre. Il en était de même pour le ministre des infrastructures, Moumouni Guiguemdé à qui on reprochait des problèmes de probité et d’intégrité. Les deux ministres ont été remerciés.
Le MPSR2 a eu les mêmes problèmes de nomination de ministres contestés (voir Remaniement du gouvernement Kyelem : De quoi est-il le nom ?).
Aujourd’hui, nous sommes au stade de directeur général et les accusations sont de plus en plus motivées : rapport de l’Inspection générale des finances, marché annulé. Le syndicat est une partie prenante dans la gestion de la société et ses objections méritent d’être entendues. Le fonds de cette affaire c’est qu’au Burkina, on refuse l’excellence.
La méritocratie peine à s’imposer
Dans un passé pas si lointain, il avait été décidé que les directeurs généraux des sociétés d’Etat devraient être recrutés par appel à candidatures par les conseils d’administration. Cette bonne idée, si elle s’est concrétisée, n’a pas permis de choisir plus d’un ou deux DG.
Les militants des partis, les parents et amis des ministres et du président, bref les atavismes réactionnaires de notre société qui veulent que la chèvre broute là où elle est attachée ont agi pour que la méritocratie ne passe pas. Aussi, quand le pouvoir change de mains, de nouvelles ambitions se font, et tous ceux qui veulent se faire une place font des pieds et des mains pour y parvenir par tous les moyens. Certains vous diront qu’il faut une transition générationnelle, et que c’est le tour des jeunes. Il est dommage pour un pays que le plus grand nombre ne valorise pas la compétence.
Le gouvernement doit savoir que, parmi tous ceux qui se disent patriotes, se présentent comme des soutiens du capitaine président Ibrahim Traoré, bon nombre ne sont pas désintéressés. Parfois même il est mieux de travailler avec les personnes qu’on est venu trouver parce qu’ils se trouvent en sursis et évitent de faire des malversations.
Si les accusations contre le nouveau DG sont fondées, le gouvernement ne doit pas vivre cette contestation de son choix comme une remise en cause de son pouvoir mais plutôt comme un apport d’informations complémentaires, une aide à la décision qui a manqué dans le processus du choix. Mieux vaut tard que jamais. Reconnaître ses erreurs est une preuve de maturité et de grandeur d’esprit. La leçon à tirer est de prendre plus de temps pour les enquêtes de moralité et consulter les bonnes personnes ressources pour les nominations.
Sana Guy
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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