« On ne peut pas faire une constitution dans laquelle on met une Haute cour de justice en place pour juger des ministres. Le ministre n’est pas au-dessus des autres citoyens […] Un ministre qui a volé des milliards, il est dehors et se ballade tandis qu’on incarcère un simple voleur de poulet pendant cinq ans. De quel type de justice s’agit-il ? Un ministre qui vole doit répondre au même titre que les autres citoyens ». Ces mots ont été prononcés par Bassolma Bazié, ministre d’Etat, ministre de la fonction publique, du travail et de la protection sociale, le 23 juin 2023 à l’université Aube nouvelle. C’était lors de la cérémonie d’ouverture de la première édition du Forum africain sur le leadership et la gouvernance organisé par le consortium Governance and leadership by youth.
Arrivé en retard pour le lancement du forum, prévu pour 9h, Bassolma Bazié, a justifié ce retard par le fait qu’il était en réunion avec une délégation du Fonds monétaire international (FMI). Le ministre d’Etat a confié au public avoir tenu un langage de vérité au FMI durant cette rencontre. « Nous avons dit au Fonds monétaire international que même si la situation que nous traversons est la conséquence de l’ensemble de nos errements, le FMI lui-même fait aussi partie des causes », a lancé le ministre d’Etat.
- Vue partielle des participants au forum africain sur le leadership et la gouvernance
Face à plus de 200 jeunes venus participer à ce forum, Bassolma Bazié a indiqué que le FMI n’est pas étranger à la situation difficile que vit le Burkina Faso parce qu’il n’a pas eu le courage de dire la vérité aux différents gouvernements du Burkina Faso. « Vous avez donné des milliards à des gouvernants qui ont détourné plus de la moitié de ces milliards pour les ramener dans vos banques sans que vous ne les dénoncez. Vous êtes aussi la cause, parce que vous êtes venus nous dire que la meilleure éducation, c’est d’aller du CP1 au CM2 sans redoubler. C’est une façon de dire aux enfants que même quand on est médiocre, on peut avancer. Aujourd’hui, vous venez crier que nos sociétés sont malades. Vous avez contribué à les rendre malades ». Voici ce que le ministre Bazié confie avoir entre autre balancé à la délégation du FMI.
- Selon Bassolma, Bazié tout ministre qui vole doit répondre devant la justice au même titre que tout citoyen
« L’Etat n’est pas capable de dire combien sont ses agents »
« Oui, on peut parler de masse salariale mais nous ne sommes pas des trompettes dans lesquelles il faut venir souffler pour dire de réduire une masse salariale. L’Etat n’est pas capable de dire combien sont ses agents. Il faut travailler à connaître leur nombre. Parce qu’il y a des morts, des gens qui ont démissionné, des gens qui ont plusieurs matricules qu’on continue de payer. Il y a aussi tous ceux qui fabriquent ces matricules doublons. Il faut qu’on purifie tout cela pour voir quel est le nombre des agents de la fonction publique », a expliqué Bassolma Bazié.
Lutter contre la corruption
Selon lui, ce n’est qu’après cette “purification” que l’Etat peut payer ses dettes. « Vous dites à un agent que s’il a deux ans et est bien noté, il a une bonification, d’un échelon. Mais dès qu’il gagne l’échelon, vous ne le payez pas. A la quatrième année, il gagne un deuxième échelon et vous ne payez pas. Sixième année, pareil. Au moment de régler, vous devez faire un rappel. Vous ne pouvez pas considérer tout ce rappel, en une seule année, pour dire que la masse salariale est élevée. Il faut purifier tout cela et se dire la vérité. La corruption, il faut lutter contre. Il faut que ses partenaires nous accompagnent pour que l’argent détourné qui va dans leurs banques revienne au Burkina. », persiste le ministre d’Etat.
- Patron de la première édition du forum, Bassolma Bazié avait à ses côtés le ministre en charge de la Communication, Jean Emmanuel Ouédraogo
Réformer la justice
« Nous avons dit au FMI que nous avons des réformes à faire. C’est vrai que les gens disent qu’il faut qu’on se recentre sur l’insécurité car c’est pour cela qu’on est là, mais retenons que l’insécurité n’est qu’une conséquence. Il faut s’attaquer aux causes. Et la cause, c’est la gouvernance », a soutenu le ministre pour qui les Burkinabè, sans hypocrisie, doivent avoir le courage de soigner les plaies de la société. Cela passe entre autres par une réforme de la justice afin de faire du ministre, un citoyen ordinaire comme tous les autres. C’est selon lui, l’une des conditions pour que la jeunesse puisse prendre les patins et poursuivre la lutte.
« Il faut qu’on revoie la constitution. On ne peut pas faire une constitution dans laquelle on met une Haute cour de justice en place pour juger des ministres. Le ministre, c’est qui ? Il n’est pas au-dessus des autres citoyens. Un ministre qui a volé des milliards, il est dehors et se ballade tandis qu’on incarcère un simple voleur de poulet pendant cinq ans. De quel type de justice s’agit-il ? On doit avoir une constitution où ces éléments doivent être enlevés. Un ministre qui vole doit répondre au même titre que tout citoyen. Tous les citoyens doivent être traités sur un même pied. Mieux, c’est le ministre qui devrait répondre plus parce qu’il doit incarner l’exemple », soutient Bassolma Bazié.
Selon lui, la Haute cour de justice est constituée par « des copains, des députés, des ministres et d’autres personnes ». « On fait du remplissage. Et comme on ne veut pas se faire juger, entre eux, ils s’entendent même pour qu’un meurt (Rires). On fait des mois sans jugement. On dit que le nombre est incomplet. Quand on arrive à compléter, un député part. Après, il faut encore compléter. C’est ainsi qu’ils ont le temps de mourir ou de prendre la frontière. Ça ne va pas exister dans ce pays ».
« Mettre tous les enfants de ce peuple sur un pied d’égalité »
Bassolma Bazié s’est également prononcé sur la question de la réconciliation défendue à cor et à cri par certains acteurs. « La réconciliation commence par la justice. Si les gens ont coupé abusivement des salaires de travailleurs sans respecter la loi, la bonne réconciliation voudrait que l’Etat assume de rembourser tous ceux à qui on a causé des torts. On veut décorer quelqu’un, mais parce qu’il est politiquement mal assis et que vous êtes plus fort, vous récupérez la décoration. Il faut la restituer. C’est cela la réconciliation. Vous créez des citoyens de plusieurs zones où pour avoir accès à la fonction publique, il faut avoir un père ministre, un père directeur général, un père chef traditionnel bien placé, etc. Mais la meilleure façon de réconcilier un peuple, c’est de mettre tous les enfants de ce peuple sur un pied d’égalité. C’est ce que nous sommes en train de faire », a révélé le ministre d’Etat, en charge de la fonction publique.
- Le ministre d’Etat est également un fervent défenseur de la religion traditionnelle
Avec la tradition, « la confession, c’est au cimetière »
Fervent défenseur de la religion traditionnelle, Bassolma Bazié prône une intégration de ses valeurs dans la constitution burkinabè.
« Si l’Américain prête serment sur sa constitution et sur la Bible et que ceux qui sont dans le monde musulmans prêtent sur la constitution et le Coran, nous pouvons nous aussi trouver des voies et moyens. Ainsi, nos dirigeants pourraient jurer sur la constitution et sur autre chose. (Rires). Mais quand on parle de ça, les gens disent qu’ils ne veulent pas parce que c’est du fétichisme. C’est parce qu’avec ça (la tradition, ndlr) est directe qu’ils n’en veulent pas. Avec ça, quand tu déconnes, il n’y a pas de confession. La confession, c’est au cimetière. Depuis qu’on a parlé à nos chefs traditionnels, les choses commencent à avancer. Nous avons des valeurs qu’il faut protéger pour avancer », a soutenu le ministre Bazié.
A l’en croire, les Burkinabè se voilent la face alors qu’ils sont de véritables adeptes de la religion traditionnelle. « Si vous nous prenez un à un dans les toilettes, vous verrez des amulettes sous nos vestes. On se ment. Les gens se lèvent vers 17h, 18h, 19h, 20h, traversent dix villages avec leur 4*4 et vont vers le fin fond. Ils vont prendre une calebasse qui a fait dix ans sans être lavée, ils boivent dedans, rotent et reviennent dans la pénombre vers 4h, 5h du matin. Et quand on veut parler de cela, ils disent qu’ils ne connaissent pas cela. On se connaît dans ce pays-là” », a conclu le ministre d’Etat sous les acclamations des jeunes.
HFB
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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