Notre pays est en crise, pour utiliser cet euphémisme qui cache le fléau. C’est la première fois que le Burkina Faso est ainsi au creux de la vague et met du temps à remonter à la surface : huit ans après, nous ne sommes pas certains de dominer les flots qui nous submergent. La gravité et la complexité du problème sautent aux yeux de tous. L’absence de résultats sur la durée et la persistance des maux emmènent beaucoup d’entre nous à proposer des solutions. Cela témoigne du désir de participer à la résolution du problème, à la réflexion nationale. Examinons avec le recul du temps quelques perceptions ou causes invoquées dans ce vaste débat au long cours dans les médias et les réseaux sociaux qui ne semblent pas opérantes.
La faute originelle, quand nous avons subi les premières attaques avec les attentats de l’hôtel Splendid, du café Cappucino et du maquis Taxi brousse de janvier 2016, c’est de n’avoir pas trouvé les bonnes réponses aux questions posées par cet attentat. A la recherche des responsables des attaques ? Nous avons très vite, répondu par une réponse politique. C’est l’ancien régime qui cherche à revenir, il veut retrouver son paradis perdu. La question du terrorisme se résumait à notre bagarre interne entre politiciens déchus et nouvellement arrivés au pouvoir.
La faute à l’ancien régime de Blaise Compaoré
Certes, Blaise Compaoré n’était pas un adversaire irréductible des groupes terroristes. Ceux-ci l’avaient même adoubé comme médiateur au Mali. Il participait activement au deal du commerce des otages, comme intermédiaire pour leur libération. Est-ce pour autant que la conquête du Burkina n’était pas inscrite sur les tablettes des groupes terroristes ? Cette hypothèse ne voyait pas l’ampleur du phénomène et les visées régionales des groupes terroristes, avec des attaques récurrentes au Togo, au Bénin, au Ghana et en Côte d’Ivoire, aujourd’hui.
Assurément, nous nous étions trompés en voyant la main vengeresse de Blaise Compaoré dans les attentats et les attaques terroristes. Cette première erreur d’appréciation ne va pas nous prémunir d’une seconde erreur d’analyse avec le coup d’Etat du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration(MPSR1) qui va penser que le plus important pour résoudre le problème, c’est de réaliser une réconciliation au sommet entre les anciens chefs d’Etat qui ont géré le pays avant lui.
L’absence de réconciliation nationale
Cette réconciliation forcée a plus divisé le pays entre partisans de Blaise Compaoré au-dessus de la justice et ceux qui ne veulent pas d’un Etat qui joue au célébrant de la demande de pardon d’un individu envers des familles. Un Etat qui ne respecte pas ses propres juridictions et qui ne fait pas appliquer leurs condamnations. Le lien entre la réconciliation nationale et le terrorisme n’est pas une vue de l’esprit. Mais si ce sont les élites que l’on vise, l’objectif ne sera pas atteint. Le MPSR1 pensait qu’il fallait une unité au sommet pour pouvoir vaincre le terrorisme et aussi dialoguer avec les groupes terroristes. Cette perception a aussi échoué par la manière dont elle a été déroulée, et par le coup d’Etat contre ses initiateurs.
La faute aux Peulhs et aux musulmans
Une autre cause est très souvent évoquée, c’est celle qui relie le terrorisme à une ethnie : aux Peulhs. Cette explication répond en partie à la question de qui est membre des groupes terroristes. Il est communément admis une prédominance ethnique peule parmi les combattants des groupes terroristes. Mais ils ne sont pas les seuls et les groupes recrutent des membres dans toutes les régions où ils sont présents. L’explication de la forte présence peulh est historique parce que le premier groupe terroriste burkinabè, le groupe Ansarul al Islam, a été créé au Soum par un prêcheur radical musulman peulh, Malam Dicko.
La question à se poser est la raison pour laquelle cette partie de la population est réceptive au discours de ces groupes et s’engagent davantage. Les analyses montrent que la pauvreté, et les sècheresses chroniques qui ont tué le bétail de ces populations de pasteurs les rendent davantage vulnérables du fait du manque de travail et d’éducation. Des erreurs d’appréciation, c’est la plus pernicieuse, car aboutissant à la stigmatisation d’une ethnie, dont les membres sont parfois pris à partie à tort, victimes du délit de faciès. L’imputation religieuse du terrorisme n’a pas prospéré longtemps dans notre pays à majorité musulmane, où chaque famille compte des musulmans, qui ne sont pas pour autant membres de groupes terroristes.
La faute à la France
Cette hypothèse est très populaire. Normal, c’est l’argument qui explique nos problèmes par l’action des autres, des étrangers. Si nous sommes victimes des groupes terroristes, c’est la faute à l’ancienne puissance coloniale et à l’impérialisme. La France a vendu aux sahéliens l’image d’une armée puissante, suréquipée, capable de mettre fin au terrorisme sans négociation. L’échec de l’opération Barkhane au Mali et de Sabre au Burkina ont emmené les populations à conclure à une connivence des alliés français avec les terroristes, ce qui expliquerait l’absence de résultats. En somme, ils sont forts, c’est parce qu’ils ne veulent pas et qu’ils sont avec eux que le terrorisme est toujours présent. Cette conception est celle du manque de confiance en nos propres capacités. Quels que soient les alliés des groupes terroristes, ce combat est le nôtre, c’est à nous de le mener.
Les ancêtres en colère
Certains perçoivent le terrorisme comme ayant une cause spirituelle. Même nos ancêtres nous en veulent, parce qu’on les aurait trahis, en ayant abandonné notre culture originelle. Voilà pourquoi nous sommes punis par le terrorisme. Cet avis se passe de commentaires car il n’est pas du domaine de la raison, mais de la croyance.
Parler du terrorisme, réduit le stress qu’il engendre chez tout le monde. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à ceux que nous disons. Le phénomène est complexe et nous n’avons pas les moyens de bien l’identifier et d’en cerner toutes les contraintes. Il et ne peut être réduit à un seul des aspects évoqués dans cette discussion. Le cœur du problème est bien les groupes armés. Il semble avoir fait de nos forêts des sanctuaires à eux dédiés. La solution de renforcement des forces des eaux et forêts est une bonne approche, tout comme l’utilisation des drones pour surveiller et collecter les informations sur les forêts et l’ensemble du pays.
L’approche sociologique, anthropologique du phénomène ne doit pas être écartée non plus. Nos militaires et stratèges devraient recourir aussi à nos universités pour les aider à trouver des solutions endogènes. La mobilisation générale devrait faire intervenir les intelligences et les savoirs faire du pays, utiles à résoudre le problème du terrorisme.
Sana Guy
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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