La paix est une valeur qui s’est effritée ces dernières années au Burkina. Œuvrer à sa recherche préoccupe plus d’un. A l’instar d’autres structures, les radios communautaires de Kaya s’y investissent au quotidien. De la radio Manegda à Zama FM, en passant par la radio confessionnelle Notre-Dame de Kaya, le constat est le même : les programmes résilients et axés sur la paix et la cohabitation pacifique occupent plus de 50% de la grille.

A l’instar des autres régions, le Centre-Nord est fortement touché par la crise sécuritaire et humanitaire. La région accueille en effet près de 500 000 Personnes déplacées internes (PDI), ce qui n’est pas sans conséquence sur la cohabitation pacifique et la paix. Quel a été l’impact de la crise sur les programmes des radios ? Que font les radios en matière de promotion de la paix et du vivre-ensemble ? Quel pourcentage occupent les programmes en lien avec la paix et quels ont été les résultats ?

L’abbé Alexis Kouka Ouédraogo est le directeur de la radio Notre-Dame de Kaya, sise dans la cour de la paroisse cathédrale de ladite ville. Il déplore le rétrécissement de son rayon d’action et l’arrêt de certaines émissions. « Nous sommes limités car nous n’avons plus la possibilité d’envoyer des reporters dans certaines zones de Kaya », a-t-il regretté. « En ce concerne les programmes, certaines de nos émissions ont été remplacées par des émissions en lien avec la paix, la cohésion sociale et le vivre-ensemble ; une façon de répondre aux besoins du moment, au regard de la présence des personnes déplacées internes dans la ville. C’est ainsi que l’émission « Appel sur l’actualité » a été remplacée par des microprogrammes de sensibilisation », a poursuivi l’abbé Ouédraogo.

Abbé Alexis Ouédraogo, directeur de la radio Notre-Dame de Kaya.

S’impliquer dans la recherche de la paix

Pour ne pas exacerber la crise, les intervenants dans les émissions radiophoniques ont adapté leur langage. « Vous n’allez jamais entendre parler de djihadisme ou de terroriste, mais plutôt de ‘‘Tansobin-Soodsé » pour désigner les ‘‘combattants cachés » ; ou encore ‘‘Weooga-Ramba » qui signifie ‘‘les propriétaires de la brousse » », a détaillé le prêtre.

Du côté de la radio Zama FM de Kaya, le constat est le même. Issaka Sawadogo est chef de programme de la station. Pour lui, la crise sécuritaire a impacté les programmes de la radio et surtout entraîné le rétrécissement de son rayon d’action. « L’avènement de la crise a eu un impact significatif sur nos activités car nous ne pouvons plus jouer pleinement le rôle communautaire, avec le rétrécissement de la zone d’action », a-t-il déclaré. La radio a révisé sa grille de programmes, pour mieux s’impliquer dans la recherche de la paix. « Nous avons remplacé les émissions débats par des émissions de sensibilisation que nous animons avec des leaders communautaires. C’est une manière pour nous d’apporter notre contribution à la recherche de la paix dans notre province », a confié Issaka Sawadogo.

Issaka Sawadogo, chef de programmes de radio Zama FM.

Située au secteur N°4 de Kaya, radio Manegda, qui émet sur la fréquence 99.40 à Kaya et 100.5 à Barsalogho, a quant à elle renforcé sa grille de programmes pour mieux prendre en compte la promotion de la paix, la cohabitation pacifique et le relèvement des communautés. Ce type d’émission occupe maintenant plus de 60% de ses programmes.

Sur fonds propres ou avec l’appui de ses partenaires, la radio Manegda fait de son mieux pour apporter sa touche à la résolution des problèmes du moment. « En tant que radio communautaire et conformément à notre slogan ‘‘radio au service du développement », nous avons juste renforcé notre grille car nous étions déjà dans cette dynamique depuis la création », a expliqué le directeur général de la radio Manegda, Souleymane Ouédraogo. Il ajoute que sa radio a bénéficié d’une fréquence relai à Barsalogho, pour diffuser des messages humanitaires et de promotion de la paix au profit des communautés des zones de Pensa, Dablo, Namissiguima et Yirgou.

Souleymane Ouédraogo, directeur général de la radio Manegda de Kaya.

« Sur cinq émissions au programme, on peut avoir trois à quatre émissions en lien avec la paix, la cohésion sociale et le vivre-ensemble. Aussi, nous avons supprimé les émissions comme Antenne directe, Revue de presse et Widga (critique) pour ne pas envenimer la situation », a détaillé le directeur général.

En outre, l’implication des auditeurs permet de désamorcer certaines tensions à travers la radio. « Nous avons des noyaux-relais et des clubs d’écoute qui se sont déplacés et qui sont dans les sites, qui nous remontent souvent des cas de tensions. Nous les traitons à travers des émissions que nous initions sur le sujet, avec les services techniques en charge des questions humanitaires », explique M. Ouédraogo.

Des initiatives saluées par les auditeurs

Ces différentes actions des radios de Kaya sont fortement appréciées par les auditeurs. Zalissa Sawadogo est auditrice de la radio Zama FM, résidente au secteur N°6 de Kaya. Déplacée interne venue de Barsalogho, elle estime que si les radios n’existaient pas, la crise allait prendre une autre tournure car la population allait se fier aux rumeurs et autres informations de la rue.

Zalissa Sawadogo, auditrice.

« Si les radios n’étaient pas impliquées dans la diffusion de messages de paix, cela aurait été grave pour nous personnes déplacés internes pour souvent même retrouver les lieux de distribution de vivres. Grâce à l’émission Rakiré, plusieurs familles se sont ressoudées. Aussi, les communiqués ont permis à nous PDI de retrouver nos parents perdus de vue dans la fuite », a-t-elle apprécié.

René Bélemviré, auditeur.

Comme lui, René Bélemviré, originaire de Kaya, est auditeur de la radio Notre-Dame. Il apprécie la contribution des radios à la promotion de la paix, du vivre-ensemble et de la cohésion sociale. « Nous écoutons la majeure partie des émissions radio et j’avoue que les radios font un important travail dans le domaine de l’éveil des consciences en matière de cohabitation pacifique entre nous PDI et nos hôtes. Si je prends l’exemple de l’émission Sagl-Taaba de radio Manegda, Id gom-mooré de radio Zama, et Rakiré de radio Notre-Dame, ce sont des émissions qui ont contribué à soulager les liens de parenté », s’est réjoui l’auditeur. Il encourage les responsables des médias à continuer dans leur lancée en vue de renforcer la paix au sein des communautés affectées.

Rappelons que la province du Sanmatenga, qui regroupe onze communes, compte six radios dont deux commerciales, deux communautaires avec un relai, une confessionnelle et une étatique.

Tibgouda Samuel Sawadogo

Collaborateur Kaya

Lefaso.net

Source: LeFaso.net