Le vendredi 16 juin 2023, une délégation de chefs d’Etats africains et de représentants des présidents absents se sont rendus en Ukraine pour tenter de négocier des pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine. Après l’étape de l’Ukraine, ils ont été reçus à St Pétersbourg par le président russe le samedi 17. Qui sont ces présidents qui portent le message de la paix dans ce conflit en Europe, alors que leur continent est la terre de prédilection des guerres nombreuses et oubliées ? D’où parlent ces messagers de la paix ? Qui représentent-ils ? Quelles sont les chances de succès de ces pèlerins de la paix ?
C’est sous une pluie de drones lancés sur Kiev par l’armée russe, que les présidents Cyril Ramaphosa d’Afrique du sud, Azali Assoumani des Comores et président en exercice de l’Union africaine, Hakainde Hichilema de Zambie et Macky Sall du Sénégal ont été accueillis dans la capitale ukrainienne. Ils sont accompagnés des représentants des présidents égyptien, ougandais et congolais qui ont fait défection à la dernière minute. Cette absence de ces trois chefs d’Etat pressentis et surtout celle de celui qui serait à l’origine de l’initiative, le Congolais Sassou Nguesso fragilise la démarche et la prive du poids du nombre comme expression d’une volonté commune.
La présence du président en exercice de l’Union africaine n’a pas empêché l’organisation de signaler que cette initiative n’est pas la sienne et que ces chefs d’Etat ne parlaient pas en son nom. Si ce n’est pas un désaveu, ce n’est pas un soutien non plus pour ces partisans de la paix qui n’auront pas réuni tous les suffrages pour leur voyage.
Encore un signe de la complexité des temps et des divergences de points de vue sur cette guerre Russie-Ukraine qui force les Etats africains à s’aligner sur l’un ou l’autre des belligérants, abandonnant l’ancien dogme du non alignement qui avait cours au temps de la guerre froide. Sur le conflit, l’Afrique n’a pas voté ensemble à l’ONU, certains pays se sont abstenus, et d’autres ont condamné l’agression de l’Ukraine. La majorité des pays a estimé que pour une fois que c’est une guerre en dehors du continent, il ne fallait pas se chercher des problèmes et avoir le sort de l’herbe entre des éléphants qui se battent, en s’abstenant. Mais d’où vient alors cette envie d’aller agiter des drapeaux blancs entre les frères ennemis qui se battent ?
Cette initiative de jouer aux médiateurs a des dessous économiques comme le blé et les engrais dont les deux pays en guerre sont les plus grands producteurs et fournisseurs du continent africain. Surtout que l’on apprend que le monsieur bon office du président congolais qui a préparé le voyage des présidents est un homme d’affaires français spécialisé dans le négoce.
Il y a aussi une petite minorité qui rêve de voir l’Afrique jouer au médiateur dans un conflit à l’international. Mais ces rêves de grandeur et de supériorité vont se briser sur les réalités du conflit où ni l’Ukraine ni la Russie ne voient en l’Afrique un partenaire de poids pouvant influencer leurs décisions. Même si toutes les initiatives de paix sont bonnes à prendre, celle de ces chefs d’Etat africains a toutes les chances d’avoir le même sort que les précédentes.
Réponse de Kiev
Les visiteurs du jour ont eu droit à une visite à Boutcha dans la banlieue de Kiev que l’Ukraine propose à ses hôtes pour montrer l’horreur de la guerre. Les échanges avec le président ukrainien n’ont pas abouti à quelque chose de concret. Volodymyr Zelenskiy leur a dit que « Permettre une négociation avec la Russie maintenant, quand l’occupant est sur notre terre, signifie geler la guerre, geler la douleur et la souffrance ». En gros la Russie doit libérer les territoires occupés en Ukraine avant toute discussion. C’est le même message qui a été adressé à tous les médiateurs avant les chefs d’Etat africains. Pour qu’ils n’aient pas l’impression d’avoir fait le voyage pour rien, le président ukrainien les a invités à prendre part à un futur sommet sur la paix.
Du côté de Moscou
Poutine se trouvait à Saint Pétersbourg, l’ancienne capitale des tsars, pour le Forum économique mondial de Saint Pétersbourg qui, avant le conflit, était une attraction mondiale. C’est là qu’il a reçu les chefs d’Etat africains qui ont donné des couleurs à cet évènement. Au nom de ses pairs, le président sud- africain a dit : « Nous souhaitons que cette guerre prenne fin ». Le président comorien Azali Assoumani a ajouté : « Nous sommes là pour convaincre les deux pays d’emprunter le chemin du dialogue ».
Poutine a traité les médiateurs africains d’amis et leur approche d’équilibrée, mais au final c’est une belle langue de bois russe qui dit : « Nous sommes ouverts à un dialogue constructif avec ceux qui souhaitent la paix basée sur les principes de la justice et de la prise en compte des intérêts légitimes des parties ». Ce n’est pas cette fois que l’on dira que l’Afrique a apporté la paix ou obtenu un cessez le feu. Même sur les céréales, les Russes ont rejeté la faute sur les ukrainiens.
L’histoire retiendra que l’Afrique a aussi tenté d’apporter la paix dans un conflit qui concerne les Européens et qui est devenu une affaire mondiale, même si la guerre n’est pas encore mondiale. D’une affaire que le maître du Kremlin pensait que ce serait une petite promenade de santé de ses troupes pour aller corriger un petit insolent qui ne veut pas rester dans les rangs, le conflit s’éternise et mobilise l’Europe ainsi que l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique nord).
C’est une nouvelle forme des guerres de procuration, auxquelles les superpuissances Etats unis- URSS se livraient au temps de la guerre froide. Mais cette fois, les données ont changé du côté de l’URSS. La Russie est en train de perdre son rang avec cette guerre. La Chine boit son petit lait en voyant que les Russes, les Américains et les Européens sont en train de se faire la guerre et d’épuiser économiquement leurs forces. Cette guerre fait des heureux, les capitalistes européens et américains qui vendent des pièces à la Russie, malgré l’embargo contre elle.
Sana Guy
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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