Produit de l’Atelier théâtre burkinabè et du Carrefour international de théâtre de Ouagadougou, Wabinlé Nabié est passé depuis une dizaine d’années de l’autre côté de la scène : l’écran. Le grand saut dans le 7e art lui réussit face ou derrière la caméra. Son dernier long-métrage documentaire « Les Scarifiés » est en compétition à la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, dans la section Perspectives.
Les scarifications, ces cartes d’identité que l’on porte sur le visage ou le reste du corps, ont tendance à disparaître au Burkina Faso depuis leur interdiction les années 1990. Wabinlé Nabié, lui, en porte sur le visage depuis l’âge de 6 ans. « Je n’ai pas souffert du regard des autres, mais je trouve que les gens me stigmatisaient. À l’école primaire et au secondaire, les autres enfants me donnaient des surnoms au lieu de m’appeler par mon nom propre. On m’appelait « Le scarifié » ou « L’homme à plusieurs coupures ». Ça, ce n’est pas une souffrance », ironise Wabinlé Nabié, aujourd’hui, comédien et réalisateur.
Son actualité cinématographique tourne aujourd’hui autour de son long métrage documentaire de 65 minutes intitulé « Les Scarifiés ». Ce film est en compétition dans la section “Perspectives » à la 28e édition du Fespaco qui s’ouvre officiellement, ce 25 février 2023. La section « Perspectives », faut-il le rappeler, est une compétition réservée aux réalisateurs africains et de la diaspora qui sont à leur premier ou second long métrage.
- L’affiche du film documentaire en compétition au Fespaco dans la section Perspectives
« Une histoire personnelle »
Le documentaire, « Les Scarifiés », est né d’une quête identitaire. C’est en cherchant à connaître le sens réel des scarifications qu’il porte au visage que Wabinlé Nabié décide de revenir au bercail. « Ce film est une histoire personnelle, l’histoire de ma famille et de mon pays. Je porte les scarifications comme une marque d’identité de l’ethnie Bwaba », indique Wabinlé Nabié qui, dans son documentaire, va donner la parole à des scarifiés et ceux qui la pratiquent.
Pour le tournage du film qui a duré trois semaines, Wabinlé Nabié dit n’avoir pas rencontré de difficultés, car cela s’est fait dans son village à Boromo, avec les siens, des visages connus.
Plusieurs lauriers
Le film a déjà été présenté à plusieurs festivals tels que le Festival Écrans noirs de Yaoundé, le Festival Traces de vie de Clermont Ferrand et le Festival Bangui fait son Cinéma, où il a remporté le Bantou d’argent. Le documentaire a également eu la mention spéciale du jury à un Festival en Côte d’Ivoire. Il a enfin remporté en décembre 2022, le Silure du meilleur film documentaire long métrage aux Rencontres cinématographiques de Sya (RECIS).
Que ce soit face ou derrière la caméra, Wabinlé Nabié se sent bien dans les deux rôles. Et quand il n’est pas acteur, il préfère le rôle de réalisateur de film documentaire. « Dans notre milieu, on fait ce qu’on fait le mieux. Pour le moment, j’arrive à bien réaliser des documentaires. La fiction, je compte la faire dans le futur », envisage le quadragénaire, qui a fait du chemin pour en arriver là.
- Wabinlé Nabié porte les scarifications depuis l’âge de six ans
Au commencement était… le théâtre
Jetons un coup d’œil dans le rétroviseur. Wabinlé Nabié a passé six années sur les planches de l’Atelier théâtre burkinabè avant de déposer ses valises au Carrefour international de théâtre de Ouagadougou (CITO) en 2006. Là, il a participé à deux créations majeures à savoir « L’os de Mor Lam » et « Les Soleils des indépendances ». Après avoir quitté la scène, il participe à des résidences d’écriture organisées par Africadoc à Bobo-Dioulasso et à Saint-Louis, au Sénégal, avec son projet de film « Les fétiches se révoltent ».
Persévérant et assoiffé de connaissances, Wabinlé Nabié suit une formation de réalisation de films documentaires à l’Institut Imagine de 2009 à 2011. Entre-temps, en 2010, il sort un livre de contes « La gazelle et le caméléon. Contes bwaba du Burkina Faso ».
Il a également joué dans plusieurs séries dont « Petit Sergent », « Waga Love », « Affaires publiques » et dans « La raison du plus fort » du regretté Missa Hébié.
En 2015, il participe à un atelier de réalisation des Ateliers Varan à Ouagadougou. Là, il réalise le court-métrage documentaire An 27. En 2016, il joue dans « Cessez-le-feu », un long-métrage réalisé par Emmanuel Courcol. Avec ce film qui parle de Paris d’après-guerre 14-18, Wabinlé Nabié remporte le prix de la meilleure interprétation masculine au Festival des Avant-Premières de Cosne-sur-Loire
Que de chemin parcouru pour Wabinlé Nabié, qui donne rendez-vous aux cinéphiles le mardi 28 février 2023 à Canal Olympia Yennenga « Ouaga 2000 », entre 10h et 20h, pour suivre « Les Scarifiés ».
Fredo Bassolé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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