« Tuez Sankara, des milliers de Sankara naîtront. » Cette célèbre citation du père de la révolution burkinabè qui savait peut être que ses jours étaient menacés sonne aujourd’hui comme une prophétie qui se vit. Pour preuve, des milliers de jeunes au Burkina et à travers le monde se réclament de ses idéaux et le considèrent comme une icône. En cette journée du 21 décembre 2022 où il aurait fêté ses 73 ans d’existence, l’Association des jeunes au poing levé, de concert avec le mémorial Thomas Sankara, a tenu à se remémorer les actions de l’homme, à travers les témoignages des plus anciens.
21 décembre 1949-21 décembre 2022. Si Thomas Sankara vivait, il aurait eu exactement 73 ans. Mais comme le disait Birago Diop, « les morts ne sont pas morts ». Convaincus de la véracité de cet adage, l’Association des jeunes au poing levé, en union avec le mémorial Thomas Sankara, a tenu à saluer la mémoire de l’homme et se remémorer ses actions, lui qui, jusqu’à ce jour, continue de faire rêver des milliers de jeunes, qui le considèrent comme un fiable repère.
« Pour nous, Thomas Sankara n’a jamais été aussi vivant. Il est vivant parce que l’idéal qu’il a porté est enseigné partout dans le monde, malgré les tentatives orchestrées pour effacer les années de la révolution démocratique populaire de la mémoire des hommes. Il est vivant parce que les luttes qu’il a engagées et dont il était le pionnier, servent aujourd’hui de référence en matière de bonne gouvernance, partout dans le monde », a laissé entendre Guy Innocent Nana, premier responsable de l’association jeunesse au poing levé.
- « Notre association organise cette activité avec d’autres organisations pour la quatrième fois consécutive » Guy Innocent Nana
Thomas Sankara, un homme exemplaire
« Rien n’est plus contagieux que l’exemple ». Cette citation de François de la Rochefoucauld, le père de la révolution l’avait bien comprise. Et cela, les documentaires sur le personnage témoignaient de manière éloquente de son exemplarité sans faille. « Chaque année, les femmes allaient pour les reboisements et j’ai fait plus de 40 provinces rien que pour cela. Une année j’étais à Ouahigouya et il y a eu la guerre de Noël. Les femmes se sont mobilisées pour dire qu’elles vont aller au front. Les gens ont dit qu’on allait se faire casser là-bas, mais on était toujours motivées et prêtes à nous faire casser pour le pays. Tout cela c’était sous l’impulsion de ce leader-là qui donnait envie de faire et il faisait faire. Sans qu’il n’ouvre la bouche, quand tu le vois agir, tu as envie de faire la même chose. Si aujourd’hui j’ai la capacité de traverser les frontières, donner des formations dans les universités et les grandes écoles pour les jeunes, c’est parce que j’ai été à l’école de Thomas Sankara », a expliqué Juliette Congo.
- « Cherchons à connaître l’histoire de ce pays car c’est ça qui va nous permettre de construire notre pays » Juliette Congo
Un travailleur acharné
Les voltaïques étaient connus pour leur ardeur au travail. Sankara a-t-il simplement hérité d’un peuple travailleur auquel il a donné une ligne directrice concernant les grandes réalisations qui devraient être faites pour le pays ? Probable. Mais une chose est sûre, l’homme était travailleur et s’entourait des travailleurs. « Sankara était un grand travailleur. Au moins deux ou trois fois j’ai été convoqué par lui à 3h du matin. Il est constamment sur ses dossiers. Même les ministres n’étaient pas épargnés. Une fois, il a appelé Joséphine Ouédraogo à 3h du matin pour demander des précisions sur un dossier. La bonne dame a donné des explications claires si bien qu’il était même étonné du fait qu’elle maîtrise ses dossiers parce que très souvent, les gens devaient recourir à leurs techniciens pour parler de telle ou telle chose. Il travaillait beaucoup » a rappelé le colonel Daouda Traoré.
- « Sankara a déclaré ses biens jusqu’à la valeur des bagues qu’ils portaient » colonel Daouda Traoré
Un homme intègre, véridique, qui balayait du revers de la main le favoritisme
On se rappelle encore les vérités sèchement crachées avec subtilité du président Tomas Sankara à l’endroit du président français, François Mitterrand, qui était de passage au Burkina. Il en avait pris pour son grade. Cette manière de dire tout haut les vérités, Sankara l’adoptait aussi avec ses camarades burkinabè. « Je me rappelle que j’étais avec Lingani qui était ministre de la défense en son temps. Son mécano lui a dit qu’une pièce de sa voiture devait être changée et qu’elle coûte 30 000 fcfa et quelques. Lingani a répondu au mécanicien que la pièce peut attendre parce qu’il n’avait pas d’argent pour la changer. Je suis allé voir Thomas pour lui dire que le chef de son armée manque de 30 000 fcfa pour dépanner sa voiture. Il était en train d’écrire.
- « Sankara pensait à la situation des femmes ménagères et estimait que les efforts qu’elle faisait était même un travail » colonel Daouda Traoré
Il a levé la tête et il m’a demandé : « qu’est-ce-que tu proposes ? » Je lui ai répondu que Kadhafi lui donne beaucoup d’argent qu’il reverse totalement. Je propose de prélever 10 millions, faire une caisse que vous confierez au secrétaire permanent du CNR, au cas où ceux qui ont des difficultés parmi nous, viendront faire des prêts qu’ils prendront le soin de rembourser petit à petit. Il a continué à écrire après ça et je me suis dit qu’on a eu gain de cause.
Après il a levé la tête pour me demander : « Qu’en est-il du militant CDR de Falangoutou ? Lui qui marche la nuit et qui surveille là, s’il a besoin d’un prêt on enlève dans quelle caisse pour lui ? » J’ai voulu lui expliquer que ce n’est pas la même chose et il m’a dit : « c’est comme ça que naissent les nomenklaturas. On favorise des gens juste parce qu’ils ont participé à la prise du pouvoir. Ça ne se fera pas ici » a rappelé le colonel Daouda Traoré
- Un trophée a été décerné à Sankara en plus du titre qu’il a reçu. Ce trophée a été confectionné depuis le 25 mai, date de la journée mondiale de l’Afrique
Une distinction à la famille de Thomas Sankara pour son combat pour l’Afrique
Cette cérémonie de célébration du 73e anniversaire de Thomas Sankara a connu la participation du premier guide et missionnaire des Royaumes unis d’Afrique, Bamba Mohamed, de passage au Burkina. Il a décerné à Thomas Sankara (représenté par son frère), « un titre de mérite et de reconnaissance pour ses actions, son combat et le modèle de panafricaniste qu’il représente en tant que grand acteur d’éveil de conscience. » Tout en précisant la carrure qu’à Thomas Sankara dans les autres pays africains, il a souhaité que les jeunes burkinabè redoublent d’ardeur et prennent leur destin en main car c’est du Burkina que les autres pays s’inspirent pour amorcer leur développement.
Erwan Compaoré
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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