Vivre avec le VIH/SIDA et le diabète, c’est ce, à quoi sont confrontées certaines personnes. Une comorbidité qui n’est pas toujours facile à vivre et qui nécessite un suivi permanent par des professionnels de la santé. C’est notamment le cas de F.O qui vit avec le VIH et le diabète depuis de nombreuses années. Au Burkina Faso, il n’existe pas de chiffres sur le nombre de personnes qui souffrent à la fois de ces deux maladies. Au centre médical Oasis de l’Association African solidarité sis au quartier Ouidi de Ouagadougou, les médecins ont mis en place un dispositif pour permettre aux patients de gérer leurs deux pathologies.

C’est en 1992 que F.O, la cinquantaine aujourd’hui, découvre qu’elle est porteuse du VIH. Une nouvelle assez choquante, mais qu’elle finit par accepter. Avec le soutien de ses proches, elle vit assez bien avec sa maladie. Puis en 2008, F.O apprend qu’elle a aussi le diabète. Une nouvelle qui ne la surprend pas, puisque c’est une maladie dont souffrent plusieurs membres de sa famille. Mais problème ! En tant que personne porteuse du VIH donc immuno-déficiente, elle doit bien manger pour supporter la prise des antirétroviraux, alors qu’en tant que diabétique, elle se doit de faire très attention à son alimentation. Comment donc vivre convenablement avec ces pathologies chroniques ? C’est là tout le dilemme de dame O.

Heureusement avec les conseils de son diabétologue et de son médecin en charge de la file active VIH, elle contrôle son alimentation et arrive à vivre avec les deux maladies sans difficultés majeures. « Ce qu’on doit comprendre c’est que bien manger ne veut pas dire qu’il faut beaucoup manger, c’est de manger sainement. Donc si tu manges sainement, tu auras une bonne santé aussi bien pour le diabète que pour le VIH. Au tout début j’y pensais, je me demandais comment faire. Mais avec le conseil des médecins j’ai trouvé que même si on n’a pas le diabète, une alimentation saine est conseillée. Surtout quand on prend de l’âge, il faut éviter beaucoup de choses », confie Mme O.

VIH-Diabète, une interaction de mieux en mieux connue

Selon la revue The New Humanitarian, l’interaction entre VIH/SIDA et diabète est de mieux en mieux connue. L’infection à VIH peut en effet jouer un rôle dans l’augmentation du nombre de personnes souffrant de diabète ou au moins de tolérance altérée au glucose, c’est-à-dire une glycémie inférieure au stade diabète, mais supérieure à la normale, en raison des effets secondaires liés à certains antirétroviraux.

Et c’est à cela que sont parfois confrontés les patients de Dr Marcelin Tapsoba, médecin généraliste, responsable de la file active VIH/SIDA en service au centre médical Oasis de l’Association African solidarité. Le centre médical ne dispose pas de chiffres pouvant renseigner sur le nombre de personnes souffrant à la fois des deux pathologies. Il n’existe pas non plus de chiffres sur le plan national. Mais une chose est certaine, selon Dr Tapsoba, il en reçoit souvent. Il explique que deux cas se présentent généralement à lui.

Le premier cas concerne les personnes déjà diabétiques qui contractent par la suite le VIH/SIDA et viennent au centre médical pour intégrer la file active des personnes vivant avec le VIH/SIDA (PVVIH). Le deuxième cas concerne les patients du VIH/SIDA qui au cours de leur suivi sont diagnostiqués diabétiques. Cela, en raison des effets secondaires des ARV. « Comme tout produit, les ARV (antirétroviraux) ont des effets secondaires. Certaines études ont montré que la nouvelle génération d’ARV peut induire le diabète », explique Dr Tapsoba.

En 2021, selon le ministère de la Santé, la prévalence du VIH au Burkina Faso était de 0,7%, avec 100 000 personnes vivant avec la maladie. Selon Dr Tapsoba, il existe un protocole national de prise en charge des PVVIH, basé sur la prise unique journalière d’ARV pour empêcher la multiplication du virus dans le sang. Mais, il arrive que ces ARV soient source d’une hausse de la glycémie, faisant ainsi courir au patient le risque d’un diabète. Pour éviter la comorbidité, les médecins proposent une autre solution. « Lorsqu’on constate que la glycémie est élevée et que cela est due à la prise des ARV, nous proposons au patient un traitement alternatif », souligne le médecin.

Mais des pénuries d’ARV compliquent la tâche des médecins. « Il y a des moments où le traitement alternatif n’est pas disponible, donc on est obligé de faire avec et en ce moment le suivi du patient est rapproché, jusqu’à ce qu’on ait le traitement alternatif », confie le médecin.

En plus du traitement alternatif, Dr Tapsoba sensibilise ses patients sur la nécessité de respecter une bonne hygiène de vie et d’adapter leur alimentation. « Lorsqu’on diagnostique le diabète, il y a des mesures hygiéno-diététiques au niveau du régime alimentaire. On a un catalogue pour montrer comment le diabétique doit manger. On les éduque sur le plan alimentaire et s’il y a des traitements, on les prescrits. Pour les cas compliqués, on demande des avis ou les oriente vers des spécialistes ».

Cette éducation thérapeutique est mise en œuvre par les pairs éducateurs. Ousséni Ilboudo en est un. En tant que pair éducateur, il reçoit les patients que lui réfère le médecin. Il discute avec eux et leur prodigue des conseils nutritionnels et les encourage à pratiquer des activités physiques.

Le soutien psychologique, une nécessité

Il n’est pas aisé de vivre avec une maladie chronique, alors vivre avec deux maladies chroniques, c’est encore plus difficile. C’est pourquoi, l’Association African solidarité propose aux patients un suivi psychosocial. L’association dispose d’une cellule psychosociale à cet effet. « Sur le plan psychologique, ce n’est pas facile. Leur annoncer qu’ils sont séropositifs, c’est un choc et si à cette séropositivité vient se greffer le diabète, ce n’est pas facile. Au sein de notre centre, il y a une cellule psychosociale qui les accompagne toujours. Quand on sent que ça ne va pas, on les réfère aux conseillères psychosociales », explique Dr Tapsoba. Les pairs éducateurs apportent également un soutien psychologique aux patients.

F.O, elle souligne la nécessité pour les patients d’avoir le soutien de leur entourage afin de vivre au mieux avec les deux maladies. Elle invite surtout les malades à ne pas baisser les bras parce qu’on peut tout à fait bien vivre avec les deux maladies. « Je peux dire que j’ai eu un parcours, je vis toujours et je vais vivre longtemps encore. Moi en tout cas, je ne baisse pas les bras », confie-t-elle souriante. Elle invite surtout les malades à contrôler leur alimentation et à pratiquer une activité physique régulière pour se maintenir en pleine forme.

Justine Bonkoungou

Lefaso.net

Source: LeFaso.net