Les résultats provisoires des élections législatives au Sénégal tant attendus depuis ce jeudi 04 août 2022, ont été annoncés en début de soirée et ont confirmé que les pronostics où chaque camp s’attribuait la victoire, s’approchaient de la réalité. C’est l’opposition dans ses différentes compositions qui gagne avec 83 sièges contre 82 pour le camp présidentiel. Macky Sall a été battu et ne dispose plus d’une majorité pour diriger le pays sauf s’il fait des combines pour attirer des députés de l’opposition vers lui.

Les élections législatives qui ont eu lieu au Sénégal le 31 juillet 2022 sont des présidentielles avant l’heure. L’issue de cette élection détermine le futur gagnant de la présidentielle, tant la scène politique sénégalaise s’est polarisée sur le combat entre deux hommes : Macky Sall le président actuel et son challenger, Ousmane Sonko, qu’il n’a pas vu venir, dont la popularité et le discours radical envers l’impérialisme français et la corruption séduisent de plus en plus de jeunes. Cette popularité a culminé avec l’insurrection au mois de mars pour réclamer sa libération.

Par un concours de circonstances, le deuxième homme populaire du pays n’est pas candidat à ces législatives, la liste nationale de sa coalition ayant été invalidée, ce qui a provoqué des remous qui ont failli aboutir à un boycott, mais le peuple sénégalais par son génie de recherche du consensus et de ruse a permis de faire une coalition entre celle de Sonko et celle d’Abdoulaye Wade avec pour but de contraindre Macky Sall à une cohabitation qui le priverait de profiter pleinement du reste de son mandat et de ses intentions inavouées de troisième mandat. Que peuvent apprendre les associations de soutien aux putschistes du Mali et du Burkina de la démocratie sénégalaise ? Macky acceptera-t-il sa défaite ou fera-t-il plonger le dernier pays francophone stable de l’Afrique de l’Ouest ?

En s’en prenant à Ousmane Sonko, le leader du parti PASTEF arrivé 3e à la dernière présidentielle, à travers une sombre affaire de mœurs par l’entremise d’une plainte d’une dame travaillant dans un salon de massage qui l’accuse d’agressions sexuelles, Macky Sall a fait l’erreur de sa vie. Cette affaire est devenue politique et l’opinion a vu là une manœuvre du pouvoir pour écarter un adversaire potentiel.

Cette opinion étant confortée par les éliminations successives de la course à la présidentielle de Karim Wade et de Khalifa Sall. Les émeutes violentes consécutives à cette arrestation ont rappelé au pouvoir en place les dures conditions de vie des jeunes et du peuple, son incapacité à répondre aux aspirations durant les confinements du covid-19.
Depuis cinq jours, les résultats officiels sont attendus et cette attente n’est pas à l’avantage du pouvoir qui peut être suspecté de mauvaises intentions.

Du reste, l’opposition a demandé sans succès, la suspension de la publication des résultats pour recenser les irrégularités qu’elle aurait relevées dans les procès-verbaux. La coalition de l’opposition Yewwi Askan Wi (« libérer le peuple », en wolof) et Wallu Sénégal (« sauver le Sénégal ») qui a fait cette demande hier 03 août 2022 réclame la victoire et la majorité à la future Assemblée. Que fera-t-elle de cette annonce qui divise la poire en deux et rend le pays ingouvernable ? A priori, il y aura une longue bataille de recours en justice.

Le président Macky Sall a plombé ses élections en refusant de se prononcer sur le respect de sa parole donnée de ne pas modifier la constitution pour se présenter à un troisième mandat. Il a le loisir de calmer la situation et de mettre ses pas dans ceux du dernier président socialiste du pays, le grand Abdou Diouf qui a quitté le pouvoir en reconnaissant sa défaite face à son ancien mentor Abdoulaye Wade, qui n’a pas eu l’élégance de respecter la constitution sénégalaise et s’est présenté pour un troisième mandat et que lui, Macky a chassé du pouvoir par son succès dans les urnes en 2012.

L’Afrique espère une avancée démocratique avec ses élections

Il faut attendre les résultats définitifs de ces législatives pour savoir si le Sénégal deviendra le premier pays africain à imposer une cohabitation à un président élu qui de surcroit rêvait de se perpétuer au pouvoir. Cet espoir s’il se réalise sera une grande victoire du peuple sénégalais et de son appétence pour la démocratie.

Pour l’instant, c’est une chambre où la majorité doit se construire selon les lois. Si les députés singletons des trois coalitions de l’opposition veulent rentrer dans l’histoire c’est en restant à l’opposition et en votant avec la coalition de Sonko qu’ils feront avancer le pays. Macky Sall est battu, le président est nu, il n’a pas de majorité à l’Assemblée.

L’Afrique était suspendue à la proclamation des résultats des élections au Sénégal. Elle espère que ce résultat sera une avancée du processus démocratique dans ce pays et non un recul démocratique lourd de conflits post électoraux comme on en connaît souvent.

Sana Guy

Lefaso.net

Source: LeFaso.net