Le 31 mai 2019, les corps de deux responsables de l’Organisation démocratique de la jeunesse du Burkina Faso (ODJ) ont été retrouvés à l’entrée de la ville de Sebba, chef-lieu de la province du Yagha, dans la région du Sahel. Trois ans après, même l’autopsie demandée par leurs familles et les organisations de défense des droits de l’homme piétine. En conférence de presse commémorative de ce triste anniversaire, ce mardi 31 mai 2022 à Ouagadougou, l’ODJ, le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) et le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) ont invité le gouvernement à tout mettre en œuvre pour que l’autopsie des corps soit faite aux fins d’engager le volet judiciaire.

« Intrépides combattants de la liberté, de la démocratie et du progrès social véritables, les deux camarades ont été lâchement assassinés le vendredi 31 mai 2019 à l’entrée de Sebba où ils devraient prendre part à une audience avec les premières autorités de la province du Yagha, dont le haut-commissaire Adama Conseiga, pour traiter des préoccupations quotidiennes des populations », a restitué, à travers la déclaration liminaire, le président de l’ODJ, Dr Gabin Korbéogo. Elevés au rang de héros nationaux en 2014 par le gouvernement de la transition, Fahadou Cissé, responsable adjoint à l’organisation du bureau exécutif national de l’ODJ et par ailleurs président de la section du Yagha et Hama Balima, trésorier de la section du Yagha, se rendaient en cette journée fatidique à une audience avec le haut-commissaire de la province du Yagha à Sebba (chef-lieu de la province) pour échanger autour des problèmes liés à l’orpaillage, aux rackets, à la corruption de certains agents de l’administration publique de la province et aux problèmes d’accès aux soins de santé dans la province.

Trois ans après leur assassinat (31 mai 2019-31 mai 2022), les deux corps, transportés à Ouagadougou et gardés dans une morgue de la place, attendent toujours d’être autopsiés pour permettre aux familles et à son organisation d’origine, d’organiser des obsèques et d’engager le volet judiciaire.

A la faveur du deuxième anniversaire (https://lefaso.net/spip.php?article105088), les responsables des organisations de défense informaient que malgré les examens scanographiques (élément nouveau dans le dossier), le médecin-légiste a déclaré qu’il ne peut pas réaliser l’autopsie. Le spécialiste aurait expliqué que les corps ont été manipulés et qu’ils contiennent du formol. Un argument que ne partagent pas les responsables des organisations de défense pour qui, si des corps ont pu être autopsiés, des décennies après, il n’y a pas de raison que ceux-ci ne puissent pas l’être.

Ils en veulent pour illustration que les deux corps ont pu, jusque-là, être conservés. « Du point de vue biomédical, l’autopsie est réalisable », rétorque Dr Korbéogo, principal orateur à la conférence. Il estime que les circonstances de leur assassinat (les victimes étaient l’objet de menaces, filées, etc., et l’assassinat s’est passé dans une zone sous état d’urgence), les lignes devraient pouvoir bouger, si la volonté y était.

Les conférenciers dénoncent du dilatoire autour du dossier. La nature du crime explique, de leur avis, le blocage.

En ce troisième anniversaire, rien n’a donc bougé du dossier, par rapport à l’année précédente, déplorent les animateurs de la conférence, qui réaffirment, malgré tout, la détermination générale à maintenir le cap de la lutte jusqu’à l’atteinte des objectifs.

Dr Gabin Korbéogo avec à sa droite, Ali Sanou du MBDHP et Boureima Dicko du CISC

Tout comme ils l‘ont fait sous le pouvoir Kaboré, les responsables entendent entreprendre des démarches auprès de l’actuel ministre en charge de la justice.

Au-delà de ce dossier, les organisations exigent la lumière sur les cas d’assassinats ciblés et de masse « qui hantent la mémoire collective » du pays.

« Le peuple insurgé et résistant du Burkina, en particulier sa jeunesse patriotique et combative, n’acceptera jamais la forfaiture politique. C’est pourquoi, nous invitons le gouvernement à mettre tout en œuvre pour que l’autopsie des corps des camarades Cissé Fahadou et Balima Hama puisse être faite ; prendre les dispositions nécessaires pour un traitement sérieux et diligent du dossier judicaire des deux camarades et de tous les autres dossiers d’assassinats ciblés ou de masse commis au nom de la lutte contre le terrorisme ; respecter les libertés individuelles et collectives acquises de haute lutte par notre peuple », lancent les conférenciers, par ailleurs préoccupés par la dégradation continue de la situation sécuritaire.

« Nous réaffirmons ainsi notre ferme détermination à nous battre pour que les auteurs, commanditaires et complices de ces assassinats soient identifiés et châtiés à la hauteur de leur forfaiture. Enfin, nous appelons toutes les organisations éprises de justice et de paix, soucieuses de l’unité de notre peuple à se joindre à nous pour exiger la vérité et la justice pour Cissé Fahadou et Balima Hama, les tueries de Yirgou, Kaïn, Banh, Tanwalbougou, etc., et toutes les victimes d’actes barbares sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme, et la sanction de leurs auteurs et commanditaires à la hauteur de leur forfaiture », ont-ils précisé avant d’exiger « l’arrêt immédiat des assassinats ciblés et de masse, les arrestations arbitraires et les disparitions forcées ainsi que le démantèlement des escadrons de la mort qui écument notre territoire ».

Oumar L. Ouédraogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net