Enseignant-chercheur en philosophique morale et politique, professeur Etienne Traoré est aussi un homme politique burkinabè, président de « Burkina Yirwa », qui a « vainement » attiré l’attention du pouvoir Roch Kaboré, dès les premiers moments de sa gouvernance, sur des méfaits avant de claquer la porte de la majorité présidentielle. Depuis lors, il s’était abstenu de toute intervention publique. En cet après-midi du dimanche 6 février 2022, nous l’avons rencontré à son domicile sis au quartier Wayalguin (partie Est de la capitale). Dans cet entretien, il évoque l’actualité nationale dominée par l’arrivée au pouvoir du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), la déchéance du Roch Kaboré et le procès Thomas Sankara dans lequel il a été cité comme témoin. Interview !
Lefaso.net : Avec quels sentiments avez-vous appris la nouvelle du coup d’Etat ?
Pr Etienne Traoré : Il faut dire que je voyais la chose venir. Le pays vit dans un chaos jamais atteint : crise sécuritaire, crise humanitaire, crise politique. À ceux-là, s’ajoutent les dissensions internes nées du dernier congrès du MPP (Mouvement du peuple pour le progrès, ex-parti au pouvoir : ndlr) et l’incapacité de l’ex-régime à trouver des solutions pérennes aux problèmes qui nous assaillent.
L’échec était perceptible par la population, qui avait perdu toute confiance aux dirigeants et même en la classe politique. C’était de mauvais signes et ce qui devait arriver arriva. C’est dommage ! Ce fut une faute grave de croire que ce pays pouvait être dirigée comme du temps de l’ex-président Compaoré, après une insurrection populaire qui a suscité tant d’espoirs et d’attentes.
On se rappelle qu’en 2015, vous avez rejoint la majorité. Qu’est-ce qui a, à l’époque, motivé ce choix ?
Nous avons joué un certain rôle dans la chute du pouvoir Compaoré. Tous ceux qui avaient participé à cette lutte ont voulu faire quelque chose de nouveau. Donc, nous nous sommes associés à ce groupe, pour essayer d’apporter du nouveau à la construction de ce pays. Notre objectif était de travailler à la refondation du pays et de ses institutions afin de le redresser.
Dès les premiers instants du pouvoir, vous avez attiré l’attention des nouveaux dirigeants, notamment sur la nécessité d’éviter la démagogie et le bicéphalisme au sommet de l’Etat. Vos inquiétudes avaient-elles été écoutées ?
Je voyais que tout déviait. De plus en plus, on voyait un tiraillement entre Roch Kaboré (le président du Faso, ndlr) et Salifou Diallo (alors président du parti au pouvoir, le MPP, président de l’Assemblée nationale, ndlr). Et je disais simplement qu’il fallait faire la part des choses et éviter de transposer à l’Etat le fonctionnement bicéphale qui était pratiquement appliqué à la direction du MPP, car cela constituerait un gros facteur d’immobilisme et d’anarchie dans la prise de décisions et que le peuple burkinabè avait élu un seul président du Faso. À l’époque, certains n’avaient pas apprécié mes interpellations. Ils sont donc restés sur ce principe de fait jusqu’à la mort de Salifou Diallo.
Justement, ce que vous soulevez était une inquiétude partagée par nombre de Burkinabè. Est-ce que les conditions dans lesquelles le MPP a été créé et est ensuite arrivé au pouvoir n’étaient pas la raison de cette division du pouvoir ?
De la création du MPP à la conquête et la gestion du pouvoir d’Etat, on a effectivement constaté que c’était une sorte d’entreprise dirigée par des actionnaires avec des parts sensiblement égales. Je dirai qu’ils n’ont pas réussi leur mue après la conquête du pouvoir. A la place de cadres compétents et méritants, on a vu se former des cours de petits flagorneurs à l’affut des postes. Beaucoup ont estimé que c’était le moment de se servir. Cela pose aussi la question de l’engagement en politique.
D’aucuns estiment que jusqu’à sa chute, le MPP n’aura jamais été un parti politique, mais plutôt une sorte de conglomérat de personnes autour de leurs intérêts. Est-ce votre analyse ?
Effectivement, c’est que je pense aussi mais cette réalité ne se limite pas seulement au MPP. Il y a un recul au niveau de l’engagement et de la formation politique. Combien sont-ils de nos jours à venir en politique pour défendre un idéal, des principes, des valeurs, des convictions ? L’ex-majorité (Alliance des formations et partis politiques de la majorité, APMP : ndlr) comptait une centaine de partis contre une vingtaine pour l’ex-CFOP (Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso, ndlr). C’est inadmissible. La politique est un service public et social ; ce n’est pas un lieu d’enrichissement comme beaucoup le pensent et comme elle est pratiquée de nos jours.
On vous sait parmi ceux qui ont mené le combat dans la lutte contre la modification l’article 37 et contre le coup d’Etat de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle en septembre 2015. Dans la même année, vous avez aussi participé à l’élection qui a vu le président Roch Kaboré arriver au pouvoir. Malheureusement, huit ans après, on retourne à cette étape de 2014, avec cette fois-ci, l’armée à la manœuvre. Alors, qu’est-ce que vous avez comme analyse sur toute cette lutte qui a été menée et ce qu’il en reste du combat de la classe politique ?
C’est regrettable ! Depuis le début des indépendances, nous assistons à une succession de coups d’Etat. Que de coups d’Etat ! Dites-moi, quel président a réussi à finir son mandant normalement ? Il faut donc que l’on aille absolument vers une refondation, et j’insiste sur le mot refondation. J’attends du pouvoir en place une refondation profonde de notre État.
Et pour cela, il faut beaucoup de rigueur dans le choix des hommes. Que nous puissions aller de l’avant, sinon nous allons toujours assister au même scénario. Il faut combattre cette crise morale qui caractérisait les pouvoirs Kaboré et Compaoré. Que ceux qui feront la politique comprennent qu’ils ne sont pas venus se servir. Nous sommes tombés dans une fausse logique qui dit que le politique doit être le plus riche. Il faut que l’on revienne sur de bonnes bases, avec à la tête, l’honnêteté et la droiture.
Vous parliez des valeurs et de la nécessité de l’argent. Tous sont d’accord qu’il faut que l’on revienne à ces valeurs. Mais hélas, la pratique de nos jours est que les partis politiques qui veulent s’attarder sur ces valeurs n’émergent pas. On a par exemples, les cas du PAREN et également votre parti, Burkina Yirwa. Alors, qu’est-ce qu’il faut faire pour inverser la tendance ?
Il n’y a pas encore de démocratie (pouvoir du peuple) au Burkina. Nous sommes en ploutocratie (pouvoir politique détenu par les plus riches). Pour remédier à cela, on devrait mettre en place des règlements et veiller à leur respect ; de sorte qu’on ne voie pas de partis politiques distribuer de l’argent dans le quartier à l’approche des élections.
Pendant les élections, certains vont de cour en cour pour distribuer de l’argent. Tout cela devrait être interdit et on devrait prendre des textes relatifs aux campagnes électorales. De nos jours, il n’y a absolument rien qui est mis en place contre cela. Donc, il faut qu’on règlemente la campagne en plafonnant les dépenses pour empêcher que l’argent ne corrompe nos élections ; parce que nous n’avons plus d’élections crédibles. Ce sont juste des achats de consciences. Je préfère encore les anciens politiciens, même si on les accusait d’être des conservateurs.
Ils sont mieux que ceux de maintenant. Ils croyaient à certaines valeurs et avaient des bases stables. De nos jours, si tu veux faire la politique, il faut être riche et pendant les campagnes, il faut pouvoir distribuer l’argent. Aussi, il faut mettre en place une police des campagnes électorales. Cette police doit faire le tour des horizons et arrêter toute personne voulant corrompre son prochain pendant la campagne. Que celui qui vole ou qui donne de l’argent indûment soit interpellé.
Car, aujourd’hui, la plupart des partis émergeants ont été créés par des personnes fortunées et Dieu seul sait comment ces dernières ont eu leur argent. La plupart du temps, ce n’est pas de l’argent propre. En troisième lieu, il faut contrôler l’enrichissement de ces gens. S’assurer qu’ils ont honnêtement acquis leur fortune et j’insiste sur ce point. L’on a beau établir les règles, si ces hommes ont de l’argent, ils vont tout mettre en œuvre pour corrompre la masse.
Enfin, il faut marquer une barrière entre la politique et les affaires, car ce sont deux mondes différents. Je crois que l’on peut faire en sorte que nos campagnes soient propres et que les résultats qui en découlent soient conformes aux souhaits véritables des populations. Figurez-vous que les paysans ont compris que les campagnes de nos jours sont devenues une occasion pour eux de s’enrichir. Et la conséquence est que même si tu es élu à 80%, tu peux tomber le lendemain. Et ceux qui te soutenaient vont simplement prendre acte de ta chute. Regardez le cas actuel du président Kaboré. Tout le monde a pris acte du coup d’Etat, même l’APMP.
La fois dernière, le MPSR a réuni les partis politiques et a été plutôt honnête. Les militaires ont simplement fait comprendre qu’ils ne voulaient pas associer les partis politiques à leur entreprise. Je m’attendais à ce que les membres du pouvoir déchu demandent la libération des prisonniers et surtout du président Kaboré, mais personne n’a ouvert la bouche. Par contre, j’étais désagréablement surpris de constater que les nouveaux hommes forts du pays attribuent à toute la classe politique la responsabilité de la situation actuelle.
Ce n’est pas juste. Tout le monde ne peut pas être mis dans le même sac. Il y a des personnes morales, des partis politiques et des organisations de la société civile qui sont restés intègres. Je reste également dubitatif quant à la possibilité de mener des réformes profondes sans l’accompagnement d’un mouvement social et politique.
On peut déjà constater que dès les premiers instants, bien qu’ayant battu campagne pour le président Kaboré, vous avez tenu des critiques en matière de gestion, pour finalement claquer la porte de la majorité. Est-ce dire que vous avez observé à cette étape que le changement n’était plus possible ?
Cette alliance a été rendue possible, car ils (les ténors du MPP, ndlr) ont quitté le CDP en faisant leur mea-culpa, ils nous ont par la suite rejoints pour combattre la modification de l’article 37, enfin sur une base idéologique commune nous avons décidé d’unir nos forces pour la conquête et l’exercice du pouvoir d’Etat. Mais, en fait, d’idéologie, il y en n’avait plus dans la pratique. Je me suis rendu compte que je m’étais fait des illusions.
J’ai même été voir le président Roch Kaboré avant de quitter le navire. Je l’ai vu, je l’ai entendu presqu’une demi-heure. Et la seule chose que je lui ai dite est que le pays ne va pas bien ; la façon de gérer n’était pas bonne non plus. Qu’il fallait recadrer les personnes qui se comportent mal et aller sur de bonnes bases. Il m’a répondu en disant qu’il ne pouvait rien faire. Il a parlé pendant près d’une heure, essayant de défendre ses proches que l’on critiquait.
Dès qu’il a dit qu’il ne pouvait rien faire, je suis resté muet. Il a levé la séance et depuis tout ce temps, ses portes m’étaient fermées. Je crois que l’on ne vient pas dans le service public pour s’enrichir. Notre pays est bien trop pauvre et pour le faire avancer, l’on doit être rigoureux dans la gestion des affaires publiques comme au temps de Sankara. C’est à ceux qui sont devant de montrer l’exemple. Il faut que l’on sépare les opérateurs économiques des politiciens, sinon, on ne va pas s’en sortir.
Pourtant, le pays regorge quand même de ressources humaines, prêtes à faire le travail !
Nous en avons à volonté. Mais, est-ce que les gens sont prêts à s’investir et à travailler durement ? La politique ne devrait pas être le lieu où arrivent tous les truands et les voleurs. Le lieu où ceux qui n’ont pas réussi, ou ceux qui sont en fin de carrière, viennent s’enrichir. Voyez par exemple, certains ministres se sont permis de justifier leur trop perçu en termes de salaire. Or, la fonction de ministre, c’est de servir et non se servir. La politique n’est pas un lieu d’enrichissement et l’on doit changer de mentalité. Le ministre ne doit pas forcement être le plus riche du quartier.
Les nouvelles autorités ont déjà pris un certain nombre de mesures. Est-ce un départ qui vous rassure ?
J’attends d’elles qu’en premier lieu, elles ramènent la sécurité. Il y a une crise sécuritaire nationale, donc il faut d’abord travailler à apporter un changement à ce niveau. Il faut vaincre ces terroristes ou les mettre sur une position défensive. Et en deuxième lieu, il faut lutter contre cette crise morale, cette perte de valeurs et de repères dont une des manifestations est la corruption.
La sécurité de leur pouvoir même en dépend. Nous sommes dans une société en perte de valeurs, tous ceux qui se sont enrichis impunément doivent rendre compte. Il faut absolument auditer les ministères, les sociétés d’Etat, les institutions. Le Burkina nouveau doit être bâti sur les valeurs de vérité et de justice.
Reformes certes, mais dans quel délai et selon quel schéma, lorsqu’on sait que pour les institutions internationales, le pouvoir doit vite être remis aux civils et des élections rapidement organisées ?
Il faut que l’on prenne le calendrier en tenant compte du contexte de notre Etat. Il n’y a pas de calendrier fixe à définir dans l’absolu. Il y a par contre un impératif d’objectifs et de résultats. Cette démocratie qui consiste à organiser des élections chaque cinq ans avec un vainqueur connu à l’avance pendant que le pays est en lambeaux ne doit plus avoir droit de cité. Chez nous, il faut tenir compte du mal dont nous souffrons. L’on n’a pas besoin de fixer un temps. Le plus important, c’est l’objectif. Thomas Sankara disait d’oser inventer l’avenir. Il n’y aura pas d’avenir digne sans prise de risques.
L’histoire des grandes nations nous l’enseigne. Que les pouvoirs prennent leur courage à deux mains et fassent comme les Maliens, en disant tout simplement non aux pays qui nous imposent les élections à tout prix. Le terrorisme de nos jours est une variable d’ajustement du néo-colonialisme. Il faut refonder notre Etat et c’est ce qui compte. Que ce soit en quatre, cinq ou encore dix ans, ce n’est pas l’essentiel. Pourvu qu’il y ait refondation et que l’on reparte sur de bonnes bases.
Les partis politiques sont libres de mener les activités ; quelle doit désormais être l’attitude des acteurs politiques pour qu’à l’issue de cette refondation, la transition, l’on puisse avoir ce Burkina nouveau ?
Je souhaite qu’il y ait une nouvelle classe politique. Les anciens doivent laisser leurs places à d’autres parce que ce sont les mêmes qui vont aller acheter les gens avec leur argent. Je souhaite que la classe politique soit renouvelée qualitativement. Nombre d’anciens politiciens ont acquis des biens de façon frauduleuse et doivent rendre compte de cela. Les militaires du MPSR, par exemple, sont jeunes et doivent s’entourer de la frange saine et patriotique des civils. Il faut prendre de telles mesures et refuser l’accès à la politique à certaines personnes.
Tous ceux qui ont volé de l’argent d’une façon ou d’une autre doivent se retrouver en prison. En ce moment, on va prendre ces militaires un plus au sérieux. Pour moi, le remède est une nouvelle classe politique qui puisse renouer avec les valeurs des tout-premiers politiciens d’antan, comme Nazi Boni, Ouezzin Coulibaly, Ki-Zerbo, Amirou Thiombiano, Kargougou, etc. Certains de ces anciens politiciens étaient formatés à l’école des Blancs, mais avaient une certaine honnêteté et des valeurs.
Donc, la politique doit revenir aux jeunes. Que les anciens se sacrifient et laissent la place aux jeunes patriotes qui vont mettre fin aux anciennes mauvaises habitudes. Sinon, comment peut-on expliquer qu’une personne élue, il y a à peine un an, soit renversée et les gens s’en fichent ? Même ses proches collaborateurs estiment que le coup d’Etat est bien. Il n’y a donc plus de honte dans ce pays ?
Que pensez-vous alors de la limitation des partis ? Est-ce une solution ?
Non, il ne faut pas frustrer les gens pour rien. La majorité des partis de nos jours sont des partis satellites. Il faut leur laisser la liberté de créer leur parti, tout en encadrant le processus électoral et vous verrez que nombre de partis vont disparaître.
Les nouvelles autorités sont arrivées en plein procès Sankara et on sait que vous être l’un des acteurs qui se sont battus pour que la lumière se fasse autour du dossier. Dès les premiers instants de leur prise de pouvoir, certains ont craint que le dossier ne prenne un coup. Etait-ce également un moment d’interrogation pour vous sur le dossier ?
Oui, on ne savait pas vraiment qui était là. Nous avons appris que certains des militaires qui ont participé au coup d’Etat étaient proches de Gilbert Diendéré. On avait peur qu’ils n’arrêtent le procès. Mais s’ils arrêtaient, on allait aussi, tout de suite, comprendre que ce sont des gens qui ne veulent pas la vérité.
Mais ceux qui sont proches de Diendéré voulaient que l’on arrête. Je parle avec beaucoup de réserves, mais je suis content que le procès reprenne, qu’il aille au bout et que les sanctions tombent comme ça doit tomber.
Dans ce procès, vous avez été auditionné comme proche de Thomas Sankara et de Blaise Compaoré. Alors, dans quel état d’esprit êtes-vous passé à la barre pour faire votre déposition ?
Je suis un homme de bonne foi. On peut confondre cela à de l’idiotie, mais je suis de bonne foi. Quand il y a eu le renversement de Sankara, Blaise lui-même m’a expliqué le lendemain matin. J’ai été amené au Conseil de l’entente où je l’ai trouvé en tenue de sport, sans la moindre tristesse dans le regard. Et d’emblée, il me dit qu’ils se sont tirés dessus et Sankara est mort. J’étais abasourdi. Il disait que ce n’était certainement pas leur faute et que toute révolution se passe ainsi. Après cela, je lui ai demandé qui d’autre de son côté est mort.
Alors, il m’a dit que même mon ami Patrick Zagré est mort. J’ai encore demandé qui d’autre est mort ? Il m’a tout simplement dit qu’ils sont toujours en train de faire le décompte. J’étais de bonne foi et j’ai cru en ce qu’il disait. Il a demandé à mettre en place une mission pour aller expliquer ce qui s’est passé. Donc, j’ai été au Sénégal, en France… Partout où je suis allé, nous avons fait de longs débats de 5 ou 6 heures. Mais le plus long, nous l’avait fait à Dakar.
Au Sénégal, j’étais avec des proches de Sankara et on a fait près de 20 heures de débat. Je leur ai dit que c’était accidentel. Or, on m’utilisait. Mais suite aux assassinats de Jean-Baptiste Lingani et Henri Zongo, je me suis opposé et j’ai exprimé mon désaccord. J’ai voulu rencontrer le président. Et pour la première fois, Blaise Compaoré ne m’a pas reçu. Celui qui me recevait était Salifou Diallo et il m’a fait comprendre que Blaise Compaoré ne voulait pas me recevoir et qu’ils allaient me proposer un autre poste vers Orodara. J’ai refusé et donc décidé de revenir à l’Université de Ouagadougou où j’étais enseignant.
Là, j’ai déposé mes dossiers pour me faire titulariser. Il faut relever que pendant le dépôt de mes pièces, ils ont tout fait pour me mettre des bâtons dans les roues au point d’extraire certaines fiches de mon dossier afin qu’il soit incomplet. Il a fallu qu’un homme sur place m’avertisse pour que je me rattrape et que j’apporte les pièces manquantes. Pour revenir au dossier Sankara, je peux dire que j’ai été utilisé.
On vous avait même accusé d’être celui qui a écrit le discours du Front populaire !
Je n’ai rien écrit. J’ai effectivement été accusé une première fois d’avoir écrit le discours du 15 octobre, puis cette personne s’est excusée publiquement. Maintenant, on me parle du discours du 19 octobre. Sachez que je n’ai ni écrit le discours du 19 octobre, encore moins celui du 15 octobre. J’ai également lu que nous aurions écrit le discours du 19 octobre avec M. Ismaël Diallo. Tout ça, c’est faux. Lui et moi ne nous connaissions même pas.
Il est vivant, vous pouvez lui demander. J’ai été contacté pour écrire le discours du 19 octobre, mais finalement, ça n’a pas eu lieu. J’espérais être rappelé par le tribunal afin d’apporter ce démenti, mais hélas. Nous sommes en Afrique où nous avons beaucoup de respect pour nos défunts. Par respect pour la mémoire de celui qui m’a accusé et qui était un ami, je préfère ne pas entrer dans les détails. Cependant, je n’assumerai pas des actes que je n’ai pas posés. Je tiens à ce que tout le monde le sache, je n’ai rien écrit.
En mot de fin ?
Nous sommes dans un nouveau recommencement et je souhaite que ce soit le dernier. Et pour que ce soit le dernier recommencement, il faut que ceux qui sont devant respectent leurs promesses. Il y a aussi des gens qui doivent répondre devant la justice et je souhaite aussi que l’on puisse nettoyer le pays. Il faut que l’on juge les personnes accusées de détournements.
Il faut lutter contre la corruption et refonder l’Etat. Je veux qu’ils (les nouveaux dirigeants, ndlr) posent eux-mêmes les fondations du futur pouvoir et que pendant la campagne électorale, une police de surveillance soit mise en place. Je le dis et je le répète, on ne peut pas redresser notre pays sans faire des malheureux et c’est par ailleurs bien pour ces malheureux. Si on fait dans le sentimental, nous allons devoir recommencer à zéro et cela n’est pas une bonne chose. Je dis enfin grand merci à votre organe qui m’a permis de m’exprimer.
Interview réalisée par :
Oumar L. OUEDRAOGO
Abdoul Rachid SOW (stagiaire)
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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