Le président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration a reçu les responsables des partis politiques au palais de Kossyam le 1er février 2022. Devant les micros, les représentants des partis politiques ont tous exprimé leur disponibilité à accompagner les militaires qui ont pris le pouvoir le 24 janvier 2022, sauf le Mouvement du peuple pour le progrès qui n’a pas parlé.

Comment se fait-il que le pays, sa classe politique et ses multiples organisations de la société civile, aient accueilli cette irruption violente dans la vie démocratique pour certains dans une indifférence, un silence résigné, et des manifestations de joie pour d’autres ? Pourquoi la classe politique fait une offre de services aux nouveaux maîtres du pays ?

Avant même que le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration n’ait dévoilé son programme, sa composition et son calendrier, les Burkinabè, devenus des experts dans une pratique qui n’a ni élégance, ni morale y vont chacun de leurs propositions pour une transition réussie, apaisée, non exclusive etc.

Avec un tel paysage politique et de tels hommes, que nous réserve l’avenir ? Le MPSR, peut-il compter sur des hommes qui jettent rapidement ce qu’ils ont adoré hier ? N’est-ce pas là toute la difficulté de faire la politique dans ce pays ? Et les militaires ne gagneraient-ils pas à ne pas s’éloigner de leur objectif premier qui est la lutte contre l’insécurité ?

Pendant que le Burkina juge des putschistes dans le cadre de l’assassinat du président Thomas Sankara et ses douze collaborateurs, le pays est retourné à ses anciens démons, les coups d’État. Il en a connu plus d’une demi-douzaine et l’armée burkinabé n’en a pas apparemment, encore assez. Des tranches importantes de la population en sont aussi des adeptes fervents et ardents.

Le Burkina a souffert des coups d’État

Au cours du procès de Thomas Sankara, on a vu des témoins faire la promotion du putschisme qui a causé la mort du président du pays qui est lui-même parvenu au pouvoir par coup d’État. Certains témoins civils, putschistes impénitents qui ont joué les « go between » entre les chefs militaires en bagarre ne se posent même pas la question de leur responsabilité dans ce drame ?

Eux qui au lieu de bâtir des partis par la persuasion du peuple se sont accrochés aux pataugas pour arriver. Ils ne s’étonnent pas de leur incapacité politique et continuent à s’accrocher à leurs vieilles lunes et à vendre à la jeunesse le messianisme politique. La noblesse de la politique est dans l’art oratoire, la capacité de persuasion et de mobilisation.

La sympathie pour ce dernier coup d’État a des causes multiples dont l’échec du pouvoir MPP à gagner la guerre contre les groupes terroristes. Certains partis et OSC aussi voient en ce nouveau pouvoir des opportunités de prendre des places, de mettre en pratique leurs conceptions et vues politiques qu’ils se précipitent de proposer. Certains avancent l’argument roi du rôle de l’argent dans les campagnes électorales qui serait un frein au succès de leurs idées.

Mais au Sénégal, on a vu un jeune agent des impôts, Ousmane Sonko, par son travail et son courage créer son parti, le Pastef arrivé troisième à l’élection présidentielle, devenir le maire élu de Ziguinchor, et représenter aujourd’hui un prétendant sérieux à l’élection présidentielle. Personne ne soutiendra qu’il n’existe pas de corruption électorale au Sénégal, et pourtant il l’a fait. Nos politiciens ne connaissent pas le pays et son peuple s’ils n’en ont pas peur. Ce qui les intéresse dans la politique, c’est le gain facile et rapide.

L’approche managériale du premier discours

À écouter le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba dans sa première adresse à la nation, la sauvegarde du territoire et la restauration de son intégrité sont les objectifs principaux du nouveau pouvoir. « Les indicateurs de mesure de la réalisation de cet agenda demeureront le niveau de restauration de l’intégrité du territoire et la qualité des actions entreprises pour la refondation de notre nation. »…. « Il nous faut en effet, réduire significativement les zones sous influence terroriste et les impacts de l’extrémisme violent… » Une chose se dégage de ces extraits du discours du nouvel homme fort du Burkina, le niveau de restauration de l’intégrité du territoire, est un indicateur SMART c’est-à-dire spécifique, mesurable, acceptable, réaliste et temporairement défini.

Le MPSR s’engage durant la transition sur des résultats escomptés qui porteront sur les parties du territoire qui seront restaurées, sauvegardées, les régions du pays en proie au terrorisme qui seront reconquises et débarrassées de la menace terroriste. Selon les moyens qu’il va se donner, ce sera acceptable et réaliste. Ce n’est pas une utopie de croire en la victoire sur les groupes terroristes, si on s’en donne les moyens.

Maintenant que les militaires ont tous les leviers de l’État entre leurs mains, ils devraient pouvoir le faire. Mais le délai, le calendrier de la transition permettra de savoir si l’objectif a été bien défini avec des activités qu’il faut pour les résultats escomptés. Il est positif de voir que le nouveau pouvoir pense à mesurer et quantifier son action sur l’insécurité. Parce que si on ne mesure pas l’activité, on ne peut pas savoir si l’on progresse.

Cela procède d’une démarche scientifique mais le second volet de son activité qui est la refondation de la nation est un objectif trop vague et trop ambitieux et le MPSR lui-même n’a pas pu lui affecter dans ce discours des résultats escomptés et des indicateurs SMART puisqu’il parle de la qualité des actions.

Abandonner les objectifs politiques

La qualité peut-être bonne ou mauvaise, elle n’est pas facile à mesurer. Et un bon indicateur doit être défini, spécifique, mesurable. Cela pour dire que la politique n’est pas un domaine où l’action et l’efficacité sont facilement quantifiable. En l’incluant dans une action limitée dans le temps, elle est chronophage, nécessite une débauche d’énergies et d’enthousiasme pour un gain limité.

Le MPSR a vu comment la politique a contraint à rétablir la constitution et à lui adjoindre un acte fondamental ne serait-ce que pour la continuité du procès en cours. C’est un indice de sa complexité et qui milite pour ne pas s’y adonner aux risques de ne pas réussir la priorité.

Le discours du chef de l’État a établi des vérités sur lesquelles si le MPSR base son action pour gagner la guerre, il se trompera très peu, au moment où une campagne habile a cours pour des commerçants étrangers. « Il nous faudra faire appel aux valeurs qui ont fait de notre peuple ce qu’il est. Aucun char, aucun avion de chasse, aucune arme ne vaut l’amour pour la Patrie. Ma conviction est faite que c’est cet amour qui fera la décision et qui nous fera gagner cette guerre. »

Sana Guy

Lefaso.net

Source: LeFaso.net