Dans sa déposition, ce lundi 29 novembre 2021 devant le tribunal militaire, le témoin Philippe Ouédraogo est largement revenu sur des points de divergence entre son parti, le PAI et la Révolution démocratique et populaire (R.D.P) plus précisément le capitaine Thomas Sankara.
Ministre des infrastructures et de la communication, d’août 1983 à août 1984, Philippe Ouédraogo et son parti, le PAI, se sont retirés dès août 1984 du gouvernement et du Conseil national de la révolution (C.N.R : organe de direction de la R.D.P).
Selon ses explications, la divergence de vue résidait dans la création d’un parti unique voulu par Thomas Sankara. Le projet devait aller très vite, précise-t-il.
Le témoin explique que le PAI n’épousait donc pas une telle démarche, car pour dissoudre un parti politique, il faut (conformément à ses textes) tenir des instances pour décider.
« Nous (PAI) avions toujours eu cette ambition d’être nous-mêmes et de dire ce que nous pensions. (…). Au départ, il était prévu que l’OMR (
Organisation des militaires révolutionnaires) soit représentée au C.N.R par huit éléments, quatre du PAI et quatre de l’ULC-R. Mais au fil du temps, le nombre de militaires gonflait dans les rencontres, jusqu’à ce qu’on se retrouve à une réunion, en juin (1984, ndlr) avec 51 militaires. Les militaires avaient une position excessive », décrit Philippe Ouédraogo, relevant que cette vision du PAI (de rester lui-même) n’était pas du goût des militaires et même des civils de l’ULC-R (Union des luttes communistes-reconstruite).
Toujours en illustration de la prééminence des militaires, Philippe Ouédraogo explique qu’alors ministre, les missions organisées par son département à l’intérieur du pays en direction des populations étaient toujours conduites par des sous-officiers.
« Thomas Sankara avait une tendance à décider tout seul, sans tenir compte de ses collaborateurs. Thomas avait cette tendance, malheureusement », relâte Philippe Ouédraogo, pour qui, cette posture a certainement contribué à exacerber la situation entre Thomas Sankara et son numéro 2, Blaise Compaoré.
Après avoir donc claqué la porte du gouvernement et du C.N.R en août 1984, le PAI n’a participé ni au Front populaire ni à la création de l’ODP/MT (
Organisation pour la démocratie populaire/Mouvement du travail) qui se voulait une sorte de regroupement de partis politiques inspiré par Blaise Compaoré.
Parlant de la personnalité de Thomas Sankara, Philippe Ouédraogo retient, entre autres, qu’il a contribué à donner d’énormes amis au Burkina. Dynamique, éloquent, Thomas Sankara était également apte à analyser les situations et à mettre vite en oeuvre ses idées, apprécie le témoin.
Pour Philippe Ouédraogo, le passage de Thomas Sankara a révolutionné la mentalité même du Burkinabè. « Si le dénouement n’avait pas été aussi dramatique, le Burkina Faso serait aujourd’hui beaucoup plus loin », regrette le témoin. « Thomas Sankara était le plus engagé, révolutionnairement, ensuite Blaise Compaoré. Dans la préparation (du 4 août 83, ndlr), chacun d’eux a joué sa partition de manière complète », juge Philippe Ouédraogo, répondant à une question sur l’engagement révolutionnaire des deux leaders.
Quant à Blaise Compaoré, poursuit Philippe Ouédraogo, il était timide « et apparemment un militaire bien apprécié ».
« Un homme très sensible et susceptible, peu loquace, mais je pense que beaucoup de gens appréciaient son affabilité », dresse Philippe Ouédraogo, le qualifiant également de bon militaire.
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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