« Ce n’est pas parce qu’on a l’argent qu’on doit payer des terres. Les terres de Sapélo ne sont pas à vendre. Nous appelons tous ceux qui ont déjà vendu des portions de terres à restituer l’argent ». C’est ainsi qu’on peut résumer cette rencontre que des habitants du village de Sapélo, réunis autour de leur chef coutumier, Naaba Padré, chef coutumier de Sapélo, ont eu avec la presse, le samedi, 23 octobre 2021 dans ladite bourgade sise dans la commune rurale de Bingo, dans la région du Centre-ouest, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Ouagadougou. Au menu des échanges : la préoccupation foncière.
C’est une population mobilisée et, visiblement, à bout de patience, qui a relaté sa version des faits. En effet, retient-on, c’est la situation d’une centaine de personnes, ressortissantes de six villages de la commune de Tanghin-Dassouri (région du Centre), à qui le chef coutumier du village de Sapélo voisin a donné des terres à des fins agricoles. Soulignons au passage que Sapélo relève de la commune rurale de Bingo, elle-même logée dans la région du Centre-ouest, tandis que Tanghin-Dassouri est de la région du Centre. Cela fait plusieurs décennies que les choses se passent ainsi, sans couac ; les hôtes respectant jusque-là la destination des terres qui leur ont été octroyées.
Mais tout commence à se détériorer à partir de 2017, lorsque ces personnes ont commencé à vendre les terres. Et ce, sans le moindre salamalec à ceux qui les leur ont octroyées. Les habitants de Sapélo ne seront informés que lorsque des acquéreurs ont commencé à entreprendre des démarches vers la mairie de Bingo pour les formalités.
Dès lors, les notabilités de Sapélo vont interpeller les auteurs et les autorités compétentes sur cette situation de vente de terres et les risques que pourraient engendrer de tels actes.
Selon le conseiller municipal de Sapélo, Elie Ouédraogo, ce sont environ 60 hectares qui ont, à ce jour, été ainsi vendus.
« Les gens ont même vendu des espaces réservés à nos rites. Depuis que Thomas Sankara a interdit les feux de brousse, nous avons réservé un espace, situé entre Sapélo et Boulsin, pour les besoins de nos rites. Personne n’y touche. C’est un lieu sacré. Mais aujourd’hui, les gens sont allés jusqu’à morceler cet espace pour vendre », illustre El hadj Boureima Ouédraogo, une des personnes-ressources de Sapélo.
Les habitants de Sapélo disent avoir entrepris, mais sans succès, plusieurs démarches aux fins de trouver une solution à cette situation de prédation des terres et, partant, d’éviter d’entamer la cohésion sociale. A titre illustratif, par lettre en date du 27 août 2020, Rassidbzanga Ouédraogo, Naaba Padré, chef coutumier de Sapélo a adressé une lettre au gouverneur de la région du Centre-ouest avec pour objet : « Vente de l’espace terres relevant de mon village » et co-signée du conseiller municipal, Elie Ouédraogo.
- Le conseiller municipal, Élie Ouédraogo
« Par la présente, j’ai l’honneur de soumettre à votre haute bienveillante attention, que le chef du village de Boulsin, relevant de Bazoulé, département (commune, ndlr) de Tanghin-Dassouri s’adonne à des activités de vente de notre espace terrien avec des particuliers sans aucune forme de consultation avec ma population. En effet, courant dernier trimestre 2019, notre espace cultivable a fait l’objet de bornage par des individus non identifiés. En réponse, j’ai instruit mes sujets de faire implanter des plaques indicatives sur lesquelles, nous avions mentionné ‘’strictement interdit d’investir ! chef coutumier de Sapélo » afin de montrer à quiconque que la zone concernée fait partie intégrante des terres cultivables de mon village. Par la suite, nos plaques implantées ont été arrachées et emportées par ces derniers. De plus, les opérations de bornage et de plantation d’arbres se poursuivent, malgré les démarches entreprises auprès des autorités locales pour circonscrire la situation. Il convient de relever que le chef du village de Boulsin aurait fait croire à ces personnes que leurs arrières-pères ont eu à occuper la zone concernée à un moment donné de l’histoire. Or, le fait de cultiver sur des terres à une époque ne confère pas automatiquement la qualité de propriétaire terrien. (…). En réalité, la zone concernée avait été confiée à plus d’une centaine de personnes des villages environnants, tous relevant du chef coutumier de Bazoulé pour servir de champ et nous disposons de la liste de ces derniers », relate la lettre.
- El hadj Boureima Ouédraogo
Elle avait pour ampliataires, le MATDC (ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et de la cohésion sociale), le haut-commissaire de Koudougou, le préfet de Bingo, le maire de Bingo, la gendarmerie de Kokologho, le commissariat de Kokologho, Naaba Ambga chef de canton de Bingo, Sa Majesté le Larlé Naaba, Sa Majesté le Kassiri Naaba.
Cette rencontre avec la presse se présente donc pour ces habitants du village de Sapélo comme un ultime recours d’interpellation à toutes ces autorités et institutions compétentes à leur venir en aide, diligemment.
- Le chef coutumier, Naaba Padré de Sapélo
« C’est de la terre que nous nous nourrissons et nous entendons les léguer à nos enfants et petits-enfants. Nous ne sommes pas d’accord avec la vente des terres. Ça fait 74 ans que j’exerce comme chef de Sapélo, je n’ai jamais vendu une portion de terre. Nous ne vendons pas les terres, ça ne veut pas dire que nous n’avons pas besoin d’argent. Que ceux qui ont vendu les terres aillent restituer l’argent. Que ceux qui ont des promesses de vente de terres dans la localité de Sapélo prennent attache avec les notabilités, les conseillers municipaux du village pour avoir des informations justes. Même les espaces réservés aux rites sont en train d’être vendus. Jusque-là, nous avons toujours travaillé à préserver la cohésion. Il faut que les choses cessent. Que personne ne vienne acheter une terre dans le village de Sapélo », s’indigne Naaba Padré, chef coutumier de Sapélo.
- Le conseiller villageois de développement, Roger Ouédraogo
« Le président du Faso s’est engagé dans son programme, à consolider et à promouvoir la cohésion sociale. Nous, conseillers municipaux dans les villages, sommes alignés dans cette lancée du président du Faso, son excellence Roch Marc Christian Kaboré. C’est la raison pour laquelle, jusque-là, il n’y a pas eu d’affrontements. Nous avons tout fait pour éviter cela. Mais notre grande inquiétude aujourd’hui, c’est que la situation ne fait que croître », appuie Elie Ouédraogo.
« Les gens, quand ils ont leur argent, ne cherchent plus à comprendre, ils paient les terres à tout bout de champ. Or, ce n’est pas parce qu’on a l’argent qu’on doit tout payer. J’interpelle l’Etat et tous les services qui ont été ampliataires de la lettre, à ouvrir l’œil pour faire en sorte que la paix et la cohésion sociale soient préservées. Pour ne pas vraiment provoquer des conflits, il faut arrêter avec cette façon de vendre les terres », insiste le conseiller villageois de développement, B. Roger Ouédraogo.
O.H.L
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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