Dans cette tribune, Oumarou Kote, entrepreneur, conseiller en développement scolaire, académique et en reconversion professionnelle, questionne les choix sportifs opérés par l’Afrique en général et le Burkina Faso en particulier. Il se demande pourquoi notre pays a tendance à investir dans des sports qui ne rapportent pas grand-chose plutôt que dans d’autres qui produisent pourtant de bons résultats.
Avant de commencer, il serait utile de préciser un élément très essentiel cependant ignoré d’une grande partie des Burkinabé, mais aussi des Africains. Le sport, avant d’être un loisir comme on tente de nous le faire croire, est surtout une source de richesses pour ceux qui savent mettre leurs émotions de côté afin de mieux l’appréhender.
Les grandes nations, avant d’investir dans un sport donné, s’assurent de sa rentabilité et l’imposent à leur public qui, tôt ou tard finira par l’accepter et en faire une passion.
Ainsi, des nations se sont appropriées certains sports à telle enseigne que ces sports sont maintenant confondus à leur identité culturelle.
Pour exemple, nous avons le football américain et le basketball qui unissent l’ensemble du peuple américain, au vu de l’ampleur de ces évènements sportifs aux Etats Unis. Tout cet engouement autour de ces sports crée du même coup de la richesse pour le pays. Le football américain régi par la NFL rapporte plus de 16 milliards de dollars aux Etats Unis, selon le magazine Forbes en 2021.
En Europe, la « premier league », qui représente le football le plus riche, est à cinq milliards de dollars. Nous retrouvons la même situation pour le rugby en Irlande, en Afrique du Sud,…
Et les pays africains dans tout ça ? Léopold Sedar Senghor disait ceci : « l’émotion est nègre et la raison hellène ». En résumé, Senghor dit que les actes posés par les Africains relèvent purement de l’émotion et à juger nos comportements en matière de choix sportifs, nous ne pouvons que lui donner raison.
Le sport est avant tout une question de business
La majorité de l’autorité africaine qui s’occupe de la question des sports investit des sommes énormes pour soutenir des équipes nationales de football qui ne leur rapportent pas grand-chose en termes de compétitions mondiales, au détriment des sports individuels.
Soit ils n’ont pas compris que le sport est avant tout une question de business, soit ils le font pour amadouer une partie de la population qui adore un certain type de sports qui, pourtant, ne rapporte rien à leur nation en termes de richesse.
Le football est généralement l’un des sports favoris des peuples africains. Cependant, ce sport présente quelques difficultés à remplir les caisses de leurs Etats. Au contraire, l’amour effréné pour le football nous emmène à enrichir les Etats européens pour qui le football n’a aucun secret.
De nos jours, quelques Africains croient encore qu’il est possible pour une équipe africaine de soulever le prestigieux trophée mondial.
Pour ceux qui ne l’auront pas encore compris, le football et l’ensemble des sports collectifs, est une question de gros moyens que nos Etats, malheureusement, ne peuvent pas supporter. Ainsi, avec nos moyens insuffisants, nous serons toujours en difficulté face aux nations qui ont toujours une longueur d’avance.
Alors la question que nous devons nous poser est quel est le sport qui, en plus de nous procurer du plaisir, remplira également les caisses de nos Etats ?
Sur le plan de l’athlétisme mondial, beaucoup d’athlètes africains ont été récompensés dans plusieurs disciplines, notamment les sports individuels.
Bonnes performances dans les sports individuels
Contrairement au football, les sportifs africains présentent une certaine facilité à remporter des médailles face à leurs concurrents des autres nations quand il s’agit de sports individuels.
Les sports individuels, bien que très mal financés, rapportent nettement mieux en termes de richesses par rapport aux sports collectifs.
Nous avons plusieurs exemples de nations africaines détenant ou ayant détenu des records mondiaux. Genzebe Dibaba (Ethiopie) championne du monde du 1500 m en 2015 à Pékin, Usain Bolt record du monde de 100 m en 2009, Iron Bibi (Burkina Faso) record mondial de log lift de 217 kilogrammes.
Qu’en est-il du Burkina Faso ? L’amour sans faille du public burkinabé pour le football nous empêche de voir à quel point nous sommes dans une illusion pour un sport dans lequel nos sportifs n’ont aucune chance de nous rapporter des résultats exceptionnels, mais qui, au contraire occupe une grande partie de notre attention et de notre budget.
En matière de résultats et de valeurs ajoutées, les athlètes des sports individuels font la fierté du peuple, mais malheureusement sont méconnus de leur propre public plutôt occupé par le football.
Ainsi, des noms tels que Cheick Ahmed Al Hassan Sanou alias Iron Bibi (log lift), Marthe Koala, Hugues Fabrice Zango, Paul Daumon (cyclisme), Fayçal Sawadogo (taekwondo), Lucas Diallo (judo), Adama Ouédraogo (natation), Angela Ouédraogo (natation) et bien d’autres encore sont méconnus du public burkinabé. Pourtant, ils font la fierté du pays, le font connaitre à l’étranger à travers la participation à des évènements planétaires, et surtout rapportent de l’argent dans les caisses publiques.
Dispositif pour détecter très tôt nos futurs athlètes
Ces athlètes, à travers leurs différentes disciplines, participeront ainsi aux Jeux Olympiques 2021 au Japon et méritent entièrement que nous y portions notre attention et notre soutien autant que nos footballeurs.
Les autorités sportives commencent à cerner l’importance de ces athlètes et y apportent de l’attention ces dernières années à travers des bourses et des accompagnements.
Mais l’acharnement et toute l’attention portée sur des sports peu rentables nous empêchent de soutenir totalement nos athlètes hors pairs.
Ces efforts, qui semblent être un début, ne sont malheureusement pas suffisants car on devrait investir dans les équipes gagnantes et ainsi accompagner les athlètes qui ont une chance de nous en rapporter plus.
Ainsi, le ministère des Sports et celui de l’Education devraient travailler à mettre en place un dispositif pour détecter très tôt nos futurs athlètes. Un talent détecté tôt a plus de chance de briller s’il reçoit les meilleurs accompagnements.
De cette façon, nos ministères des sports pourraient être des sources de revenus pour nos budgets plutôt que de les creuser juste pour le plaisir.
Une fois que nous comprendrons que le sport est avant tout un investissement dans lequel nous devrons forcement avoir un retour sur investissement, il sera alors facile de choisir nos priorités en termes d’accompagnement et d’investissement en mettant plus l’accent sur les disciplines dans lesquels nous avons plus de chance de percer sur le plan international.
Oumarou KOTE entrepreneur, conseiller en développement scolaire, académique et en reconversion professionnelle.
Tel 52831964
Source: LeFaso.net
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