L’onde de choc du drame de Solhan secoue encore le pays. Dans les régions en proie au terrorisme, la colère contre l’absence de réaction face au fléau de l’insécurité a déclenché des manifestations dans les principales villes : Dori, Djibo, Sebba, Kaya, Titao…
Trois semaines après le drame qui a coûté la vie à plus de 160 personnes (estimation non officielle), et quelques jours après une attaque meurtrière où onze policiers ont perdu la vie, le chef de l’État s’est adressé solennellement au peuple burkinabè. Ce discours annoncé a suscité beaucoup d’attentes et a eu une certaine audience, tant la population est préoccupée par la situation chaotique du pays, suite aux attaques terroristes.
De leur côté, les partis regroupés autour du Chef de file de l’opposition, ont annoncé leur retrait du dialogue politique avec le pouvoir, pour réclamer les démissions des responsables -selon eux- de la situation : le Premier ministre et le ministre d’État, ministre de la défense. L’opposition a prévu l’organisation de manifestations silencieuses pour les 3 et 4 juillet prochain pour exiger la défense des populations contre les groupes terroristes. Est-ce pour répondre à l’opposition que le président du Faso a parlé ? Est-ce pour montrer que le bateau Burkina Faso tangue, mais qu’il est à la barre et qu’il tient fermement le gouvernail ? Rock Marc Christian Kaboré, le président qui parle peu, a-t-il bien parlé ?
S’il voulait montrer qu’il était à l’écoute du peuple par cette prise de parole, le président marque un point. Car comme le disent les danois et les allemands, « Si l’autorité n’a pas d’oreilles pour écouter, elle n’a pas de tête pour gouverner. » Le président du Faso a entendu les clameurs, les pleurs, les cris et les révoltes qui montent des manifestations. La population a montré sa douleur et sa détresse, l’autorité doit montrer maintenant qu’elle a la tête pour gouverner. C’est une des attentes principales de tous ceux qui ont écouté ce discours dominical du président dans la nuit du 27 juin. Beaucoup de fans de football de Christiano Ronaldo et de Roméo Lukaku ont sacrifié les émotions d’un match en direct pour écouter le chef d’un pays en guerre, le président de leur patrie en danger. Mais ils sont restés sur leur faim et leur soif. L’appel à l’union des Burkinabè, principal message du discours, a sonné comme un tambour percé. L’impression générale est que le président s’adresse à ses amis de l’opposition pour qu’ils se retrouvent ensemble pour le dialogue politique.
L’intelligence stratégique non dévoilée par ce discours
Le discours est resté dans le général et le vague concernant la lutte contre le terrorisme. Le président a seulement annoncé des mesures idoines qu’il aurait prises pour rétablir la confiance avec notre peuple en matière de sécurité. Car le lien de légitimité et de confiance a été brisé par l’absence de réaction des forces de défense et de sécurité dont le camp de Sebba était à une dizaine de kilomètres de Solhan, mais ne sont pas intervenues.
C’est un traumatisme national, cette absence de soutien à une population en danger par nos forces de défense et de sécurité. Elles ne pourront jamais se laver les mains de cette faute. On comprend que les responsabilités de ce drame si elles sont situées, que cela ne puisse se faire dans les médias. Mais le chef de l’État n’en a pas parlé. Sauf à supposer que l’analyse du drame de Solhan et les décisions prises pour que cela ne se reproduise plus sont dans les mesures idoines qu’il a prises. Même si le procès n’est pas public, il aurait au moins fallu assurer la population que les éventuels fautifs dans ce drame seront sanctionnés. Cela aurait calmé certaines personnes.
C’est sûr que le management des hommes et de la hiérarchie militaire n’est pas une chose simple. On comprend aisément qu’il ne faut pas changer de responsables tous les ans. Les chefs ont besoin de temps pour gagner en efficacité. Le perpétuel recommencement ne crée pas non plus la confiance ni chez ceux qui sont en responsabilité, ni chez ceux qui doivent obéir à ces responsables qui ne durent pas. Mais en temps de guerre, les résultats comptent beaucoup et les chefs doivent collaborer et partager les informations pour qu’ensemble ils puissent gagner sur l’ennemi commun. C’est le sens de l’autre objectif des mesures du chef de l’État : assurer l’unité et la cohésion du commandement.
Nous attendons de voir cela dans les faits car le message d’appel à l’unité s’adresse aussi aux différents corps des forces de défense et de sécurité. Ne pas refuser aux policiers, certaines armes alors qu’elles sont dans la même situation face à l’ennemi que les militaires et les gendarmes. Partager les informations, partager les équipements militaires, en un mot travailler en réseau.
On sait que Roch Marc Christian Kaboré a une certaine faiblesse pour ses proches et ses amis. Il a du mal à les lâcher en politique. Il faut qu’il se dise que comme ils ont dû abandonner le CDP et leur ancien patron Blaise Compaoré qui conduisaient le pays au gouffre, que les responsables de l’armée qui refusent de collaborer et de travailler ensemble doivent se démettre, ou être remerciés pour que la lutte contre le terrorisme avance et que nous ne soyons pas là, tous les jours, à pleurer et enterrer des morts. C’est cela gouverner, c’est prendre des décisions qui ne plaisent pas parfois à ses amis mais qui arrangent son pays.
Un président n’est pas un papa gâteau qui distribue des goûters à ses amis et collaborateurs. C’est celui qui a pour priorité la défense du pays et qui assure la sécurité de toute la population en choisissant de bons collaborateurs et en sanctionnant ceux qui font mal leur travail. Les attentes pour ce discours étaient que le président montre qu’il a pour souci principal la défense de l’intérêt général en prenant de justes décisions. Mais malheureusement il nous a servi pour l’instant que des mots qui ne peuvent pas servir de pansement aux plaies du terrorisme.
Sana Guy
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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