Historique

La Constitution promulguée le 11 juin 1991 a donné naissance à la IV République. Elle a ainsi prescrit l’organisation d’élections à un cycle régulier :

La première Commission électorale mise sur pied a été la Commission Nationale d’Organisation du Référendum Constitutionnel, créée en mars 1991. Elle a eu pour mission l’organisation du référendum portant sur l’adoption de la Constitution.

La particularité de cette Commission est qu’elle était placée sous l’autorité directe du Ministre en charge de l’administration territoriale(Code électoral 1997).

Depuis lors la loi portant code électoral a, en fonction des circonstances diverses, connu des modifications pour l’organisation d’une élection à une autre.

En effet l’organisation des élections, exceptée la Commission nationale d’organisation du référendum Constitutionnel de 1991, a été de la responsabilité d’une Commission Nationale d’Organisation des Élections (CNOE) créée en octobre 1991. Elle a eu cours jusqu’aux élections législatives de mai 1997.

Lui succédera à partir du 7 mai 1998, une Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI).

Toutes ces commissions depuis 1991 étaient des structures ad hoc, c’est-à-dire ponctuelles, car créées le temps de la consultation électorale dont elles avaient la charge.

« La différence entre le Code de 1998 et celui de 1997 réside dans l’intégration, dans celui de 1998, dans la partie portant « dispositions communes » de dispositions créant, composant et fixant les attributions de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), (articles 2 à 28 inclus) du titre premier, alors que, en 1997, les dispositions touchant à la Commission Nationale d’Organisation des Élections (CNOE), faisaient l’objet d’un texte de loi spécifique.

Par rapport à l’ancienne Commission Électorale d’Organisation des Élections, les dispositions actuelles du code électoral, relatives à la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) ont innové sur plusieurs points : participation de la société civile et des partis politiques au fonctionnement de la CENI, renforcement de l’autonomie de la Commission, immunité de juridiction accordée aux membres de la CENI.

Toutefois, le « groupe du 14 février » a considéré que ces avancées n’étaient pas significatives dans la mesure où la CENI n’est pas compétente pour l’établissement des listes électorales, opération considérée par les pouvoirs publics comme une prérogative de l’État. Un autre grief de l’opposition, à l’encontre de la CENI, est relatif au choix par l’Administration des membres du Comité technique devant seconder la CENI.

Organe disposant d’une autonomie d’organisation et de fonctionnement, la CENI, aux termes des articles 2, 3 et 4 de la loi du 7 mai 1998, est chargée d’organiser et de superviser les opérations électorales et référendaires. Elle gère les fonds qui lui sont alloués à cet effet.

Attribution (article 14 du code électoral)

• La CENI assure la supervision de l’établissement des listes et des cartes électorales, alors que la CNOE ne bénéficiait pas, de par les deux textes de loi évoqués ci-dessus, de cette compétence.

• La CENI est chargée de l’accueil et de l’accréditation des observateurs, alors que la CNOE ne disposait pas de la compétence d’accréditation.

• Enfin, la CENI est responsable de la proclamation des résultats à titre provisoire, alors qu’en son temps, la CNOE avait la charge de la publication des résultats à titre provisoire.

• Mises à part ces différences, les attributions de la CENI et de la CNOE sont identiques et consistent :

– au recensement et à l’estimation des coûts des matériels de l’élection,

– à l’acquisition et à la ventilation de ces matériels,

– à la gestion des moyens financiers et des matériels mis à la disposition de la Commission électorale, – la formation du personnel électoral,

– à l’accueil des observateurs,

– à la sécurité des scrutins,

– à la facilitation du contrôle des scrutins par la Cour Suprême et les partis politiques,

– au transport et au transfert des résultats en vue de leur centralisation,

– à l’annonce des résultats provisoires,

– au transport et au transfert, directs, des résultats à la Cour Suprême, et enfin,

– à la prise de toutes initiative et disposition en vue du bon déroulement des opérations électorales. »

Source (RAPPORT DE LA MISSION D’OBSERVATION DES ELECTIONS PRESIDENTIELLES DU

15 NOVEMBRE 1998)

(

Suite à l’affaire Norbert Zongo, le Gouvernement fut contraint d’engager un dialogue social à l’échelle nationale. Celui-ci a été mené avec tous les acteurs de la scène politique nationale et de la société civile pour définir les repères que le Burkina doit établir pour une sortie de crise. Cette démarche a abouti à différentes réformes politiques et institutionnelles.

Les concertations sociales et politiques engagées durant cette période ont abouti à la formulation de projets de lois portant code électoral, réforme de la justice, financement des partis politiques, charte des partis politiques, statut de l’opposition….

La Commission électorale Nationale Indépendante (CENI)

La première Commission électorale Nationale Indépendante (CENI) a été créée par la loi n°21/98/AN du 7 mai 1998 portant Code électoral. Cette structure a eu pour mission « l’organisation et la supervision des opérations électorales et référendaires ». Il s’agissait, pour le législateur d’alors, de mettre en place un organe indépendant ayant en charge l’organisation des élections, en lieu et place d’une Commission Nationale d’Organisation des Élections (C.N.O.E.). Mais cette nouvelle structure n’a pas recueilli l’adhésion de toute la classe politique dont une frange a continué de réclamer une CENI véritablement indépendante.

C’est ainsi que dans le cadre des réformes politiques et institutionnelles entreprises en 2001, le Code électoral a fait l’objet d’une relecture intégrale et consensuelle par vingt-six (26) partis politiques sur les trente-quatre (34) qui étaient légalement reconnus, le « Groupe du 14 février » n’ayant pas pris part aux travaux.

La relecture du Code électoral a abouti à l’adoption d’une nouvelle loi portant Code électoral : la loi n°014-2001/AN du 3 juillet 2001 qui a enregistré le consensus de tous les protagonistes de la scène politique nationale.

Cette loi en son article 2 a consacré la création de la CENI en la redimensionnant, tant dans ses missions et ses attributions, que dans sa composition et son administration.

C’est cette CENI « nouvelle formule » qui a eu la charge de l’organisation des élections législatives du 5 mai 2002. (source : https://www.ceni.bf/?q=content/la-ceni)

Article 5. [Loi n° 006-2012/AN du 05 avril 2012 – Art. 1].

La Commission électorale nationale indépendante (CENI) est composée ainsi qu’il suit :

• cinq personnalités désignées par les partis et formations politiques de la majorité́ ;

• cinq personnalités désignées par les partis et formations politiques de la majorité́ ;

• cinq personnalités désignées par les partis et formations politiques de l’opposition ;

• cinq personnalités représentant les organisations de la société́ civile à raison de :

o trois représentants des communautés religieuses ;

o un représentant des autorités coutumières ;

o un représentant des associations de défense des droits humains.

Pour les formalités de désignation ou de remplacement de ces personnalités, le ministre chargé des libertés publiques convoque les parties concernées.

Les membres de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) et de ses démembrements ne sont pas éligibles pendant leur mandat.

Ils doivent être de bonne moralité́ et jouir de leurs droits civiques.

Article 6. [Loi n° 019-2009/AN du 07 mai 2009 ].

Les membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) sont nommés pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois, par un décret pris en Conseil des ministres.

En cas de vacance, il est procédé́ au remplacement du membre concerné dans les conditions édictées à l’article 5 ci-dessus pour le reste du mandat.

Article 32. [Loi n° 006-2012/AN du 05 avril 2012 ].

Avant leur entrée en fonction, les membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et ceux de ses démembrements prêtent devant les juridictions compétentes le serment suivant :

« Je jure d’exercer mes fonctions en toute intégrité, objectivité et probité, en m’abstenant de tout comportement susceptible de nuire à la totale transparence dans l’organisation, la supervision des opérations électorales et référendaires et en accomplissant conformément à la loi, avec loyauté, honneur et patriotisme les tâches liées à mes fonctions ».

Les membres de la CENI entrent en fonction dès la prestation de serment qui doit intervenir au plus tard sept jours après leur nomination.

Les membres des démembrements sont mis en activité par arrêté du président de la CENI.

Certains commissaires auraient dû avoir déjà démissionné

Dans sa forme actuelle, la CENI est donc l’un des acquis de la lutte suite à l’affaire Norbert Zongo et était une avancée démocratique à l’époque d’un parti au pouvoir ultra dominant qui ressemblait à s’y méprendre, à un parti unique, un parti-État.

Sa composition et ses attributions sont un savant dosage, de compromis, comme nous savons si bien le faire au Burkina Faso au nom de la paix sociale…

Elle est d’essence et de nature consensuelle. Consensus signifiant en réalité au Burkina, le fait majoritaire assorti du consentement contraint et affiché de la minorité… contre les avantages liés à la fonction !

L’équilibre tripartite (5/5/5) à la CENI est donc en réalité déjà une vue de l’esprit car de fait, les chefferies religieuses et coutumières dans nos instances, comme toutes forces de cette nature partout dans le monde, roulent en réalité plus ou moins pour le pouvoir ! il en est de même pour la primauté accordée aux agents publics dans la mise en place des bureaux de vote lors des consultations électorales.

En effet, sous prétexte qu’ils servent l’Etat, donc supposés neutres et impartiaux, la CENI en fait des partenaires et leur accorde la priorité pour désigner les membres des bureaux. Pourtant, à l’image des notabilités coutumières et religieuses, les fonctionnaires burkinabè sont généralement inféodés au parti au pouvoir, surtout dans les milieux ruraux. La crise post-électorale de décembre 2012 dans la Commune rurale de Bokin (province du Passoré, Région du Nord) fut une parfaite illustration de cette réalité connue de tous.

Des fonctionnaires présidents de bureaux de votes étaient des animateurs de la campagne du CDP la nuit tombée, surtout pendant la période entre la clôture de la campagne et le jour du vote. Et il n’y a aucune raison de penser qu’il en a été autrement en 2015 comme en 2020 !

Le début de crise post-électorale du mois de novembre 2020 nous a montré que même ce consensus formel a volé en éclats à la CENI.

De fait, depuis l’adoption de la loi électorale de 2018 qui comportait notamment le droit de vote enfin accordé à la diaspora, il n’y a plus de consensus à la CENI.

Les commissaires ont démontré à maintes reprises que leur allégeance politique, ou partisane pour être précis, primait sur leur serment.

Dès lors, le redéploiement en cours des partis politiques entre Mouvance Présidentielle et CFOP ne saurait être sans conséquence à l’approche des élections municipales de mai 2021.

Le mandat de la CENI actuelle arrivant à terme au mois de juillet 2021, il serait tentant de penser qu’il ne sert à rien de bouleverser les choses si près de leur terme normal.

Mais ce qu’il s’est passé le 22 novembre au soir et les jours suivants incite cependant à la prudence.

Les commissaires qui sont à la CENI au titre d’un parti politique doivent démissionner ou être débarqués sans délai, si le parti dont ils portent les couleurs a changé de camps entre majorité et opposition au lendemain de novembre 2020..

Ils sont dans une situation intenable, qu’ils ont créée eux-mêmes par leur inconséquence. S’ils avaient respecté leur serment, il ne viendrait à l’esprit de personne de leur chercher chicane. Mais eux-mêmes ont revendiqué leur droit d’être « inféodés » en dépit du serment qu’ils ont prêté à la nation. Ils doivent en tirer toutes les conséquences.

Sinon, autant revenir à la gestion des élections directement par le ministère de l’administration territoriale. Cela aurait le mérite de faire des économies substantielles pour le même résultat.

La réconciliation nationale ne saurait être le démantèlement général du droit au Burkina Faso.

Maixent SOMÉ

Source: LeFaso.net