L’élection du maire de la commune rurale de Gomboro, dans la province du Sourou, a été émaillée de violences, le 21 juin 2016. Le choix du candidat Moussa Diallo (MPP) comme maire a mis le feu aux poudres. Des manifestants qui s’opposaient à ce choix ont interrompu le processus, tabassant au passage le ‘’nouvel élu ». Grièvement blessé, il a été évacué à CMA de Tougan, puis à l’hôpital Sanou Sourou de Bobo-Dioulasso où il reçoit actuellement des soins. Plusieurs engins ont été incendiés, ainsi qu’une partie de la mairie et le maquis du comptable de la mairie. Comment en est-on arrivé là ?

Dans la commune rurale de Gomboro, deux partis étaient en lice lors des élections municipales du 22 novembre 2016, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) et l’Union pour le progrès et le changement (UPC). Les résultats définitifs donnaient 12 conseillers pour le MPP et 09 pour l’UPC. Mais, dans le village de Gomboro, sur les trois sièges à pourvoir, le parti majoritaire n’a obtenu aucun siège. Ainsi, le candidat pressenti pour occuper le fauteuil de maire se retrouve hors course. Il faut donc trouver une alternative pour ne pas laisser la mairie entre les mains de l’opposition qui dès lors a multiplié les manœuvres pour s’adjuger la mairie. Normal, diront certains. C’est le début d’un feuilleton à problèmes.

Le MPP va finalement jeter son dévolu sur Moussa Diallo, conseiller élu du village de Bassagoulo. C’est le plus instruit des conseillers de ce parti, la plupart étant analphabètes ou n’ayant pas achevé le cycle primaire. Mais, les populations du village chef-lieu de commune, Gomboro, ne l’entendent pas de cette oreille. Ainsi, ils ont organisé une marche le 20 juin pour faire savoir leur position. Ils avaient menacé de huer le conseiller Diallo s’il osait se présenter. Dès lors, toutes les conditions étaient réunies pour que l’élection du maire soit perturbée. Les dispositions ont-elles été prises pour que le scrutin se passe dans des conditions de sécurité optimale ? Apparemment non. Et ce qui devait arriver arriva.

Des biens incendiés, un agent de sécurité blessé

Une fois le processus de désignation engagée, Moussa Diallo se présente au poste de maire au titre du MPP et il est élu. Les manifestants aux aguets dehors ayant appris sa désignation envahissent la salle et interrompent le processus de vote. Ils ont saccagé et incendié quelques motos dont une appartenant aux forces de défense et de sécurité. Les flammes ont atteint une partie du bâtiment. Un gendarme a été blessé par les cailloux des manifestants. Le « nouvel élu », lui passera un sale temps entre les mains des manifestants qui l’ont copieusement tabassé. Grièvement blessé à la tête, il a été évacué au CMA de Tougan, puis au Centre hospitalier universitaire de Bobo-Dioulasso où il reçoit des soins actuellement. Une source médicale confie que sa vie n’est plus en danger.

Le comptable de la mairie, considéré comme un des principaux soutiens de Moussa Diallo verra son maquis incendié. Quand nous tracions ces lignes ce mercredi 22 juin 2016, il était toujours réfugié à la brigade de gendarmerie. Des éléments de la compagnie républicaine de sécurité (CRS) sont venus prêter main forte à la gendarmerie pour sécuriser la commune. Et, le calme est revenu, même si la tension couve toujours.

Des conseillers internés

Comment en est-on arrivé à une telle extrémité dans une des communes les plus pauvres du Burkina ? Certaines sources soutiennent que les conseillers MPP ont été « internés » à Gomboro dans la nuit du 20 au 21 juin pour s’assurer qu’il n’y aura pas de trahison de dernière minute. Inacceptable, selon les manifestants. D’aucuns soutiennent même que les conseillers internés ont reçu de l’argent cash et des promesses mirobolantes (une parcelle + une moto pour chaque conseiller). Des conseillers contactés se refusent à tout commentaire. Pendant ce temps, certains de leurs proches « jurent » qu’ils ont effectivement reçu de l’argent. Mais, qui a payé la note et à quelle fin ? Qui instrumentalise les populations à rejeter le choix de M. Diallo ? Les langues ne tarderont pas à se délier. Surtout qu’il est question de gestion pas catholique des deniers de la mairie. En tous les cas, une enquête sérieuse devait permettre d’élucider la question. Mais aussi de sanctionner à la hauteur de leur forfait les manifestants qui ont détruit des biens et tabassé le candidat élu dont l’élection n’a pu être validé puisque le processus a été interrompu.

Mais, tout porte à croire que les raisons sont certainement à rechercher ailleurs car, le mal est plus profond.

En tous les cas, les manifestations de ces derniers jours pour rejeter l’élection de certains maires doivent amener à réfléchir sur les limites de notre démocratie locale. Car, le modèle de désignation des maires, et même des candidats, est en train de montrer ses limites.

Moussa Diallo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net