Et la politique politicienne a repris ses droits en cette période de fin de campagne pour les municipales : arrogance verbale et financière, trafics d’influence, Intimidations, menaces, violence de toute nature, fausses promesses… les politiques burkinabè avec leurs militants viennent de nous démontrer que malgré les redistributions et recompositions diverses des dernières années, leur nature réelle n’a pas changé

Il est vrai, pour l’observateur non averti de confondre encore les militants et surtout les têtes de certains partis tant la reconversion ou du moins la migration d’un parti à l’autre a été rapide.

Ainsi, les élans de solidarité et d’unité qui se sont manifestés lors des manifestations des 30 et 31 octobre 2014 ayant conduit à la chute du régime de Blaise Compoaré et renforcés par « le coup d’Etat le plus stupide » se sont estompés devant les appétits voraces caractérisant l’homme politique sous nos tropiques. La ligne de démarcation entre le parti au pouvoir et l’opposition est plus que visible désormais, elle brille de mille feux mais pour combien de temps encore, car l’expérience vient de montrer une fois de plus que ce qui est constant dans les partis chez nous, c’est leur inconstance et leur instabilité. Les déçus et autres exclus ou encore les non-retenus sur les listes de conseillers n’ont pas le temps de faire leur mea-culpa qu’ils ont pris la carte du parti adverse et commencent à se battre encore « pour être bien positionné ».

Malgré ce que les uns et les autres ont à reprocher au code électoral dont les dernières modifications ont défrayé la chronique, il faut reconnaître que le respect de cette loi est un acte citoyen et il ne sert à rein d’aller chercher des actes d’incivisme ailleurs quand on conteste une décision fondée sur une loi aussi fondamentale. Un parti, qu’il soit au pouvoir ou non, doit-il accepter les violences électorales comme empêcher les électeurs de voter, barrer les routes et bruler les pneus…

Les résultats de primaires sont des affaires intérieures de partis et les ordres de missions ainsi que les véhicules de service n’ont rien à y faire. De même, les contestations doivent être réglées au sein des instances du parti et si vous n’êtes pas retenus, continuer vers un autre parti jusqu’à ce que « ça va marcher un jour » ; qui sait ? Le ridicule ne tue pas au Faso et quand on est au pouvoir, on doit faire plus attention car on a à perdre plus que ceux qui n’ont rien.

Une analyse de leur discours permet de voir que le jeu politique est loin d’être un engagement idéologique. L’escalade verbale avec ses métaphores guerrières du genre « notre combat », « l’état major du parti », « la stratégie du parti », « le bataillon de.. » « les lieutenants de… »… révèlent la véritable nature belliqueuse de responsables des partis politique de tous bords au Faso.

La fin de la campagne a été marquée par deux promesses qui méritent que l’on marque un arrêt : « l’audit des parcelles » et « la redistribution des recettes minières ». Tout se passe comme si le foncier était l’enjeu principal alors que ces mêmes politiques nous ont promis de déconnecter les mairies de la gestion du foncier à moins que l’on soit encore dans des fausses promesses comme d’habitude. Les luttes fratricides et les sommes distribuées comme lors des sumu dans un pays voisin laissent comprendre qu’on « investit » l’argent dans la campagne pour récolter quelque chose.

On sait que le Burkina Faso est traversé de part en part de crises multiples auxquelles il faut apporter des solutions très très urgentes : manque d’eau potable en ville comme en campagne, coupures intempestives d’électricité, incivisme et violence scolaire et insécurité routière et attaques terroristes répétées, incertitudes du front social ainsi que le chaudron estudiantin qui risque d’exploser à tout moment. A cela s’ajoutent les crises judiciaires « Affaire Guiro », « les libérations multiples » des politiques d’hier et des corrompus de toujours dont les explications n’ont convaincu personne. Des juges à qui on vient de « zouter du riz » et qui ont tenu les Etat généraux de leur sous-secteur à 300 millions durant la transition sont-ils aussi défaillants au point de faire appel aux Koglowéogo ?

On est surpris de voir qu’un parti, même de l’opposition, n’a pas daigné promettre de régler un temps le problème de l’eau et l’électricité. Est-ce par manque d’imagination ou les politiques ont-ils arrangé « un deal sur le dos du peuple mouton » une fois de plus.

Les élections municipales seront bientôt derrière nous et les nuages qui s’amoncellent montrent que le front social reprendra bientôt ses droits. Il ne sert à rien d’aller chercher l’étincelle ailleurs car la confiance est rompue entre les hommes politiques et le peuple, entre les militants et les têtes de parti et entre gouvernants et gouvernés.

Très peu de Burkinabè se sont indignés devant la baffe que vient de recevoir « un élu du peuple » et certains n’ont pas hésité à s’en réjouir surtout sur les réseaux sociaux. Cela démontre que le peuple ne se reconnait plus en ses élus et que l’escalade verbale et l’arrogance qui caractérisent la classe politique risquent de la conduire à sa perte.

L’administration publique qui doit montrer sa neutralité en toutes circonstances a basculé presque entièrement dans le camp des gagnants. Un politique d’un pays voisin ne disait-il pas qu’il n’a pas « les habitudes de l’opposition ». La chaise musicale des mercredis soir est devenue plus redoutable pour certains que les dégagements des temps révolus. Mais bon, « le président nomme qui il veut » nous dit-on, sauf que pendant la campagne, on s’était engagé à assainir l’administration publique et ne pas promouvoir les corrompus. Et comme on le sait tous dans ce pays de savane, ils sont nombreux à être passés du CDP au MPP et attendent leur nomination. Comme quoi, rien n’a changé et mieux, il n’y a que les étiquettes qui ont changé de couleur, le produit reste le même, comme on le dit chez nous « si le serpent noir a tué ton père, tu devras faire attention en présence d’une corde noire ».

A celui qui va lire ces notes assez sombres, merci de me faire mentir en disant que « tout sera mieux qu’avant ».

Abou Bamba DOUKARE (ABD)

Source: LeFaso.net