Ceci est une déclaration du Syndicat des avocats du Burkina Faso (SYNAF).
Depuis le début du mois d’avril 2016, le Syndicat des Avocats du Burkina Faso (SYNAF) a constaté, avec regret l’arrêt, sur toute l’étendue du territoire burkinabè, de la tenue des audiences correctionnelles de flagrant délit, et ce, dans toutes les juridictions du Burkina Faso, en première instance comme en barre d’appel. Il a noté aussi l’arrêt du déferrement des personnes gardées à vue dans les locaux de la police judiciaire ainsi que la suspension des interrogatoires dans les cabinets d’instruction.
Cet arrêt est consécutif à l’arrêt concerté de travail observé par l’ensemble de la Garde de Sécurité Pénitentiaire (GSP), notamment, en ce qui concerne l’extraction et le convoi des détenus dans les palais de Justice d’une part, et le transfert des personnes déférées aux parquets d’autre part.
Les graves conséquences et les plus visibles sont, outre la non tenue des audiences de flagrant délit, le blocage de l’instruction des dossiers des personnes détenues, le débordement des commissariats et brigades de gendarmerie, la mise en danger de la vie et de l’intégrité des personnes gardées depuis des mois ou détenues dans des conditions généralement inhumaines, l’impossibilité de recevoir et traiter efficacement de nouvelles plaintes, le cumul des dossiers dans les juridictions, les retards anormaux dans le traitement des dossiers, et plus globalement le gel des procédures judiciaires pénales, etc. Concrètement, les milliers de personnes déférées dans les maisons d’arrêt depuis avril 2016 n’ont même pas accès au juge et autant de personnes gardées à vue dans les locaux de la police judiciaire ne peuvent voir leur situation examiner par une autorité judiciaire en vue d’apprécier la pertinence des motifs de détention ni même la nécessité de cette détention.
Curieusement, et cela est étonnant, le gouvernement ne dit rien. Il se montre manifestement incapable à résoudre ce grave problème. Pis est, il semble totalement indifférent à la situation inhumaine qui prévaut dans les prisons et dans les locaux des commissariats et brigades de gendarmerie, quand il ne se borne pas à faire des conférences médiatiques autour des tentatives de mutineries, qui ne sont que la conséquence habituelle et ordinaire de la détérioration des conditions de détention.
Faut-il attendre d’aller en prison soi-même pour savoir que les détenus sont victimes d’une surpopulation carcérale des plus monstrueuses, surtout que cette surpopulation était déjà hors normes, même avant la grève des GSP ? La surpopulation carcérale, faut-il le rappeler, entraine une concentration dans les cellules, aggrave les conditions déjà exécrables de détention, notamment le manque d’aération, le manque d’eau, de telle sorte qu’elle occasionne des décès et de nombreux cas de maladies sévères. Dans le contexte burkinabè, la situation est d’autant plus préoccupante que les locaux de détention sont d’ordinaire vétustes et insalubres, abandonnés qu’ils sont, par les gouvernants qui les considèrent à tort comme étant des lieux occupés par des personnes déchues de leur droits.
C’est dire que l’on ne peut comprendre ni admettre le mutisme ou l’indifférence de l’Etat, principalement les autorités présidentielles, ministérielles et judiciaires directement concernées. C’est à croire qu’elles n’ont ni les moyens ni la volonté d’assurer aux populations un service public de la justice qui soit à la fois permanent, continu et optimal, dans le respect des lois. Que peuvent-elles alors ?
Une telle démission face à leurs responsabilités et rôles est inacceptable, car devant solidairement concourir à l’effectivité des droits fondamentaux dont le droit au juge. le SYNAF appelle en particulier les autorités dont dépend directement la solution de la GSP, principalement le Ministre de la Justice, le Ministre de la Sécurité ainsi que le Président du Faso à prendre toutes les dispositions afin d’offrir aux citoyens burkinabè les conditions élémentaires d’un accès réel et pérenne à la justice conformément aux lois en vigueur au Burkina Faso, encore que le jeune serment du Président du Faso n’a pas cessé de retentir, lui qui a juré de « tout mettre en œuvre pour garantir la justice à tous les habitants du Burkina Faso » (article 44 de la Constitution).
Si donc cela n’était pas possible, il revient aux juges d’instruction, aux procureurs compétents, aux juridictions de jugement de constater les détentions arbitraires collectives et massives et d’ordonner, le cas échéant, la mise en liberté des personnes illégalement détenues sans jugement ni instruction dans les Maisons d’arrêt d’une part et illégalement gardées à vue depuis des mois dans les commissariats et brigades de gendarmerie d’autre part.
C’est pourquoi, le SYNAF :
1-Dénonce avec la dernière énergie les détentions illégales et arbitraires collectives et massives dont sont victimes des milliers de personnes depuis plusieurs mois dans l’indifférence totale des plus hautes autorités de l’Exécutif et du judiciaire ;
2-Dénonce l’incapacité notoire et manifeste du gouvernement à faire cesser cette situation sans qualification ;
3-Rappelle à tout usager victime ou susceptible d’être victime de cette situation qu’il est lui est loisible par ailleurs d’explorer toutes voies de droit, y compris la saisine des juridictions internationales afin d’obtenir non seulement la libération de leurs proches mais aussi pour que soit réparé le préjudice dont il aurait souffert.
4- Appelle les avocats à prêter leur expertise à tout usager qui entreprendra les actions propres à contraindre par les voies de droit, l’Etat du Burkina Faso en toutes ses composantes à assurer le droit d’accès à la justice.
Défendre, se défendre et toujours servir
P/ Le Bureau Exécutif
Le Secrétaire Général
Batibié BENAO
Avocat à la Cour
Source: LeFaso.net
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