Le 25 août 2020, l’Assemblée nationale a adopté le Code électoral avec, entre autres conséquences, la modification de la circonscription électorale. Mais la loi semble poser problème, dans la forme comme dans le fond ; d’où la requête d’un groupe de citoyens burkinabè devant le Conseil constitutionnel aux fins de déclarer inconstitutionnel, le Code électoral. Les requérants étaient face à la presse ce mardi 29 septembre 2020 pour informer l’opinion sur le bien-fondé de leur démarche.

« En début 2020, la CENI (Commission électorale nationale indépendante) a publié un rapport sur le vote des personnes déplacées internes qui fait ressortir que déjà, à cette date, des parties du territoire national échappaient au contrôle du gouvernement. Sans se soucier de ce rapport, le gouvernement a fait modifier le Code électoral le 23 janvier 2020 par la loi N°04-2020/AN sur la base des conclusions d’un dialogue politique tenu en juillet 2019 ; et, dans la foulée, le 5 février 2020, il a convoqué le corps électoral en vue de la tenue de l’élection du président Faso et des députés à l’Assemblée nationale pour le 22 novembre 2020 », retracent les conférenciers.

Pour les requérants, la loi du 25 août 2020 portant modification du Code électoral viole l’article 2 du protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance qui prescrit : « Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six mois précédents les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques. Les élections à tous les niveaux doivent avoir lieu aux dates ou périodes fixées par la Constitution ou les lois électorales ».

Harouna Dicko, porte-parole du groupe de cinq citoyens requérants (le cinquième, Bagnomboé Bakiono était absent de la conférence).

De la légitimité et de légalité du dialogue politique

« De façon récurrente et péremptoire, le gouvernement affirme que le texte adopté est le consensus de la réunion du 20 juillet 2020 entre les membres du comité de suivi du dialogue politique de juillet 2019. A notre entendement, ce consensus entre les neuf représentants de partis politiques ne saurait remplacer le consentement d’une large majorité des acteurs politiques exigé par l’article 2.1 du protocole de la CEDEAO (sus-visé), en ce que ce dialogue politique et son comité de suivi manquent tous légitimité et de légalité », posent Harouna Dicko, porte-parole, et ses co-requérants.

S’appuyant toujours sur des instruments internationaux, ils rappellent que la Cour africaine de justice et des droits de l’homme mentionne que toute modification substantielle du Code électoral à six mois des élections sans consentement d’une large majorité des acteurs politiques, est un crime relatif au changement anti-constitutionnel de gouvernement.

En ce qui concerne le fond, ils reviennent sur le principe d’« universalité » des élections. « Le suffrage universel est une exigence des articles 33, 37 et 80 de la Constitution et des lois supranationales comme la Déclaration universelle des droits de l’homme en son article 21.3 ; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en son article 25.b ; la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, qui en fait un droit inaliénable des peuples en son article 4.2.

De gauche à droite : Lookmann Sawadogo, Harouna Dicko, Apsatou Diallo, Aristide Ouédraogo.

C’est justement face à cette incapacité de la CENI d’organiser l’élection du président du Faso et des députés au suffrage universel le 22 novembre 2020, que cette loi N°034-2020/AN a été adoptée avec l’ajout de dispositions nouvelles aux articles 148 et 155 qui disposent en de termes identiques que : en cas de force majeure ou de circonstance exceptionnelle dûment constatée par le Conseil constitutionnel sur saisine du président du Faso, après rapport circonstancié de la CENI, entraînant l’impossibilité d’organiser les élections présidentielle et législatives sur une partie de la circonscription électorale, l’élection est validée sur la base des résultats de la partie non-affectée par la force majeure ou de la circonstance exceptionnelle », soutiennent-ils.

Violation de l’universalité du suffrage

Cette modification viole l’universalité du suffrage, affirment-ils. En plus, « le paradoxe est que les 2es alinéas des articles 148 et 155 disposent sur la nature du suffrage qui est exclusivement du domaine de la Constitution en son article 33 ; alors qu’initialement, ces articles 148 et 155 disposent respectivement du dépouillement et de la circonscription qui sont du domaine de la loi dont les matières y relevant sont exhaustivement énumérées à l’article 101 de la Constitution du Burkina Faso ».

Selon leurs explications, la loi du 25 août 2020 met à l’écart une partie des Burkinabè, qui ne pourront pas voter ; ce qui pourrait entamer la cohésion sociale et l’unité nationale. « On ne peut pas se construire dans le sentiment d’injustice ; une nation ne se construit pas sur la base d’injustice. (…). Il ne faut pas appliquer la Constitution quand ça vous arrange et l’écarter quand ça ne vous arrange pas », arguent les animateurs de la conférence.

Ils justifient donc la saisine du Conseil constitutionnel sur tous ces griefs par le fait que les actions liées à la défense des droits humains, la construction de la démocratie et à l’Etat de droit d’une part, la quête de la paix et la stabilité ainsi que la préservation des acquis démocratiques d’autre part, méritent une attention particulière de chaque citoyen.

O.L.O

Lefaso.net

Source: LeFaso.net