Le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouagadougou, Harouna Yoda, a, ce jeudi animé 18 juin 2020, animé une conférence de presse pour informer l’opinion publique de l’évolution de dossiers, dont ceux relatifs à l’ancien ministre de la Défense, Jean-Claude Bouda, et à ce qu’il convient de qualifier de tentative d’escroquerie de 70 millions au maire de la commune de Ouagadougou.

Sur le dernier dossier cité, à savoir la tentative d’escroquerie du maire, il sied de rappeler que tout est parti de cette révélation du journal L’Evènement dans sa parution du 10 juin 2020, intitulée « Poursuite judiciaire contre le maire de Ouagadougou, des magistrats sollicitent 70 millions de F CFA pour classer le dossier ».

Le Parquet s’est saisi de l’affaire, en ouvrant une enquête qui a permis d’établir les faits en ce qui concerne le magistrat Narcisse Sawadogo et Allassane Bagagnan. L’enquête n’a, par contre, pas permis de relever des éléments à charge contre des personnes citées dans l’article du journal pour avoir agi avec Narcisse Sawadogo et Allassane Bagagnan, en vue de leurs bons offices auprès des juges chargés du dossier du maire pour le faire classer sans suite, explique le procureur du Faso. Narcisse Sawadogo et Allassane Bagagnan ayant reconnu les faits sont poursuivis pour tentative d’escroquerie et diffamation.

Pourquoi le maire Armand Béouindé jouit-il de liberté… ?

Cette affaire de 70 millions trouve sa source dans le dossier de l’acquisition des 77 véhicules par la mairie de Ouagadougou. Certains citoyens se demandent donc pourquoi le maire Armand Béouindé, au cœur de cette affaire d’acquisition de véhicules, jouit d’une liberté, alors que ses interlocuteurs, Narcisse Sawadogo et Allassane Bagagnan, sont interpellés.

« Vous avez dû entendre l’infraction que nous avons visée dans le cadre de cette affaire. Les éléments à notre possession nous permettent de qualifier ces faits de tentative d’escroquerie et de diffamation. Au regard de la nature de l’infraction, dont la tentative d’escroquerie, nous avons, d’une part, les acteurs et, d’autre part, les victimes. Dans cette affaire, la victime présumée est le maire et les acteurs de l’infraction, ce sont les personnes qui sont actuellement poursuivies et sous mandat de dépôt. Voilà pourquoi, nous n’avons pas décerné ni une garde-à-vue encore moins un mandat de dépôt contre le maire dans cette affaire », clarifie le procureur du Faso.

Le maire a-t-il porté plainte pour tentative d’escroquerie ?

« Le maire n’a pas porté plainte pour tentative d’escroquerie. Mais la tentative d’escroquerie ou l’escroquerie elle-même ne sont pas des infractions dont la poursuite est subordonnée à une plainte. Contrairement à la diffamation dont la poursuite est subordonnée à la plainte de la victime », a expliqué le procureur par le truchement des questions des journalistes.

Sur l’affaire principale des 77 véhicules, Harouna Yoda a déclaré que l’enquête est toujours en cours. « Ce genre de dossiers présentent une certaine complexité ; nous allons lentement, mais nous pensons, sûrement », dit-il, précisant que son Parquet bénéficie ici de l’appui de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE/LC) pour faire avancer ce dossier. « Ce dossier est au Parquet et, jusqu’à présent, aucun juge d’instruction n’a été saisi. Donc, il faut retenir que le dossier des 77 véhicules est toujours en cours d’enquête à notre Parquet », souligne le magistrat.

Interpellé également sur les éléments qui ressortent de l’audio (conversation entre les parties dans l’affaire des 70 millions), M. Yoda a rassuré que tout ce qui y a été dit intéresse le Parquet. « Maintenant, il y a ce qui est évident, ce sur quoi on peut agir et on doit agir vite, et il y a le reste. Nous sommes dans une disposition d’esprit à exploiter tout le contenu de cet enregistrement », confie-t-il.

Du dossier Jean-Claude Bouda

Au sujet du litige Jean-Claude Bouda, du nom de l’ancien ministre de la Défense, écroué le 26 mai à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou pour faits de faux et usage de faux en écriture privée, fausse déclaration d’intérêt et de patrimoine, délit d’apparence, de blanchiment de capitaux, Harouna Yoda a expliqué pourquoi il est poursuivi devant un tribunal de droit commun plutôt que devant la Haute cour de justice.

« Nous avons tenu le raisonnement suivant : pour que la Haute cour de justice soit compétente, il faut que le membre du gouvernement incriminé ait agi dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Donc, tant qu’il n’agit pas dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, nous considérons que c’est la juridiction de droit commun qui est compétente. Du reste, nous avons visé des infractions dont la déclaration inexacte de patrimoine ; c’est une obligation qui pèse sur les membres du gouvernement de déclarer leurs biens au niveau de l’ASCE-LC dès leur entrée en fonction. Il est ressorti qu’entre la déclaration faite par monsieur Bouda au niveau de l’ASCE-LC et la réalité de ses avoirs, il y a un gap, et cela constitue une infraction. Le juge a dit : moi, juge d’instruction du TGI de Ouagadougou, juge de droit commun d’instruction, je ne suis pas compétent pour connaître de cette affaire ; parce qu’il a fallu qu’il soit ministre pour qu’on lui exige la déclaration de biens. Par conséquent, cet acte de déclaration de biens est intimement rattaché à la qualité de ministre de monsieur Bouda. Donc, une infraction qui serait née de cette déclaration est, du point de vue du juge, directement une infraction pour laquelle serait compétente la Haute cour de justice. Comme on l’a dit, et le Parquet, et le prévenu désormais mis en examen, n’ont pas discuté cette ordonnance du juge », a justifié le Procureur Yoda.

le Procureur Harouna Yoda (3ème à partir de la gauche) a également rassuré son Parquet poursuit sereinement son travail sur les dossiers à sa possession

Quid du ministre des Infrastructures, Eric Bougouma ?

Répondant à cette question, le Procureur a indiqué que, pour le moment, et à ce stade, il ne peut rien dire à ce sujet. « Comme vous le savez, ce sont des infractions complexes, pour lesquelles nous avons besoin d’avoir des expertises et d’approfondir un certain nombre de choses avant de faire quelque déclaration que ce soit », a-t-il lancé.

Ces dossiers sus-énumérés n’ont pas été les seuls à faire l’objet de la communication du Parquet. En effet, l’opinion a été également « édifiée » sur les affaires du Groupement de sécurité et de protection républicaine (GSPR) portant faux ordres de mission par des éléments de cette section ; celle de l’Agence conseil et de maîtrise d’ouvrage (ACOMOD) par rapport à l’attribution d’un marché, et l’affaire mettant en cause William Alassane Kaboré, directeur général adjoint de la douane, à qui il est reproché une simulation illicite en vue de l’achat et la mise en valeur de quinze parcelles dans la ville de Ouagadougou dont le montant cumulé serait d’un milliard trois cent millions de FCFA.

O.L.

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Source: LeFaso.net