Le royaume du Gulmu a désormais deux rois. Deux princes, à savoir Midierba Thiombiano et Thiombiano Tiguié Mohammed, revendiquent le trône. Chacun a suivi le rite d’intronisation. Cette situation aura des conséquences fâcheuses, si une solution n’est pas vite trouvée. Aussi, il faut craindre que ce bicéphalisme ne se transpose dans les villages et cantons du royaume.

Le roi est mort, vive le roi ; où plutôt vive les rois. C’est la situation qui prévaut actuellement à Fada N’Gourma, à l’Est du Burkina Faso. Deux rois revendiquent le même trône. Cette situation malsaine, la région de l’Est n’en avait vraiment pas besoin. Déjà, elle souffre des attaques terroristes.

S’il faut ajouter ce flou à la tête du royaume, la situation sécuritaire risque de se dégrader fortement. En réalité, dans l’accomplissement de certains rites liés aux coutumes, il n’est pas exclu qu’il y ait des télescopages. Chacun revendiquant la légitimité, les deux prétendants intronisés voudront accomplir certaines missions dévolues au « roi ». Les partisans risquent de s’affronter.

Transfert du bicéphalisme au niveau des villages et des cantons

Ce n’est pas tout. Le plus difficile est à craindre dans les cantons et les villages. Cette bagarre va forcément s’exporter en ces lieux. Selon la coutume, il revient au roi de Fada N’Gourma d’introniser les chefs de canton et de village. Le risque ici, c’est que chaque candidat pourrait aller chercher son bonnet chez qui il veut. Ainsi, ils reviendront dans le canton ou dans le village pour régner. En clair, le bicéphalisme au niveau du royaume va se transposer naturellement au niveau des villages. Là aussi, les affrontements ne sont pas à écarter.

Les problèmes de succession ne sont pas nouveaux au Burkina

Les autorités administratives semblent impuissantes face à cette situation. Pourtant, les problèmes de succession ne sont pas nouveaux au Burkina Faso. L’histoire nous rappelle le couronnement à Ouagadougou de Koumdoumié au détriment de Yadéga, son aîné. Si cela relève d’une vieille épopée, le royaume du Rissiam, dans la province du Bam, est une parfaite illustration contemporaine des problèmes de succession.

Depuis 1969, deux rois se disputent le royaume. Dans le passé, l’un était obligé de s’exiler à Zandkoom. L’autre est resté à Sabcé, capitale du royaume. Aujourd’hui, ce sont Naaba Kiiba et Naaba Koanga qui perpétuent cette division. Là aussi, des nominations parallèles de chefs de village sont faites. A la moindre occasion, les populations veulent s’affronter.

Codifier nécessairement les modes de succession

Tout comme à Ouagadougou, à Fada N’Gourma, dans le royaume du Rissiam et ailleurs, les règles de succession sont connues. Nous sommes certes dans une République, mais si l’on estime que les royautés doivent être maintenues, il faut prendre des dispositions pour éviter ces problèmes. Cela passe par la codification des règles et modes de succession.

Ce qui permettra, en cas de problème, à l’administration d’intervenir pour sauvegarder la paix sociale. Les modes d’organisation de la chefferie peuvent avoir des statuts au même titre que les associations. En cas de litige, en fonction des règles écrites par les notables, les autorités tranchent.

Que les politiques cessent de manipuler les organisations traditionnelles !

L’intervention de l’Etat dans les processus de succession à problème évitera certainement que des politiques s’ingèrent dans la gestion des coutumes. Dans la plupart des cas, on voit bien que des politiques prennent faits et causes pour l’un ou l’autre des candidats.

Parfois, en foulant même aux pieds les règles coutumières. Au Rissiam actuellement, même si ce n’est pas la guerre, ce n’est pas non plus la paix. Pour le cas de Fada N’Gourma, il est impératif qu’on tue le poussin dans l’œuf. Sans quoi, il faut se préparer à des situations désastreuses. Et là, ce serait vraiment dommage !

Dimitri OUEDRAOGO

Lefaso.net

Source: LeFaso.net