La justice burkinabè a obtenu une certaine légitimé grâce à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Cet état de fait s’est accompagné d’une revalorisation salariale. Cela, pour permettre aux animateurs du troisième pouvoir d’être à l’abri du besoin. Seulement, depuis un moment, les magistrats donnent l’impression qu’ils ne se préoccupent plus du sort du peuple. Ils sont plutôt prompts à gérer leurs affaires personnelles.
La justice, en principe, est rendue au nom du peuple. Depuis des années, le peuple burkinabè s’est rendu compte qu’elle avait les mains liées. Elle subissait le diktat du pouvoir exécutif. Les jugements se faisaient à la tête du client. Seuls les petits voleurs étaient jugés et condamnés.
Par moments, certaines décisions laissaient croire que c’était l’argent qui faisait la justice. Pourtant, en démocratie, la justice doit être indépendante, au même titre que l’exécutif et le législatif. C’est pourquoi, au péril de leurs vies, les Burkinabè se sont battus pour arracher cette véritable indépendance.
Les citoyens ne se sont pas saignés pour cela seulement. Ils ont consenti d’énormes efforts sur le plan financier. Les magistrats ont bénéficié, dans la foulée, d’une revalorisation salariale. Le peuple les a rétablis dans leurs droits. En retour, l’institution judiciaire ne devrait faire qu’une chose : veiller à ce que la société vive dans l’équité et la justice.
Mais que nenni. Depuis que cette indépendance est réelle, rien n’a presque changé pour les justiciables. Au contraire, l’on a l’impression que les magistrats se sont contentés de leurs acquis. Des dossiers emblématiques sont entassés dans les tiroirs. Les justiciables se plaignent de la lenteur de la justice.
Le problème même n’est pas à ce niveau. La façon dont les dossiers sont traités inquiète. L’état de la situation laisse croire que la justice se préoccupe davantage de ses propres dossiers. Quand ce sont les juges eux-mêmes qui introduisent les requêtes, la justice est rendue rapidement. Les exemples sont légion.
D’abord, on peut citer la suspension du concours de la magistrature où le gouvernement avait autorisé les titulaires de la licence du système LMD à concourir au même titre que les maitrisards classiques. Ensuite, en août 2019, les élèves magistrats de 3e année ne voulaient pas participer au service militaire à Bobo dioulasso. Une requête a été introduite et, en 24 heures seulement, la sentence est tombée.
Enfin, le 17 avril dernier, le président du tribunal administratif a ordonné l’arrêt de coupure des salaires des magistrats. Cette requête aussi a été entendue en moins de 48 heures. Que les magistrats saisissent la justice quand ils se sentent lésés, c’est bien. C’est la voie normale. Mais le problème ici, c’est qu’on a l’impression que les magistrats utilisent la justice pour leur propre intérêt.
Puisque selon certaines informations, les référés introduits par d’autres citoyens ordinaires ne connaissent pas autant de diligence. Des dossiers attendent toujours d’être jugés. Aujourd’hui, la façon dont les magistrats conduisent le bateau de la justice risque de désenchanter les citoyens. Et ce serait vraiment dommage.
L’institution judiciaire coûte trop cher au contribuable burkinabè. Cela est normal, vu le rôle qu’elle joue dans la société. Cependant, les résultats obtenus ne cadrent pas avec les sacrifices consentis. La justice ne doit pas être rendue à la tête du client, fut-il magistrat. On ne doit pas arriver à la caporalisation de l’institution judiciaire. Il est grand temps que le troisième pouvoir s’assume et joue son rôle.
Leurs conditions d’aujourd’hui, les magistrats les doivent aux citoyens, au peuple. Les honorables doivent travailler à mettre en confiance le peuple, les justiciables. Il est grand temps qu’on rectifie le tir avant qu’il ne soit trop tard.
Dimitri OUEDRAOGO
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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