La maladie à coronavirus gagne du terrain au Burkina, et les mesures de prévention deviennent de plus en plus drastiques. Dans une note datée du 22 mars 2020, le département en charge des transports a ordonné l’arrêt des activités de transport sur toute l’étendue du territoire national, à compter de ce lundi 23 mars. Constat à gare de la Société de transport Sana Rasmané (TSR) et à celle de la Société de transport Aorèma et frères (STAF), toutes deux situées au quartier Gounghin de Ouagadougou.

« Depuis Koudougou, j’ai payé le ticket dans la matinée du dimanche pour Ouahigouya. Nous avons donc quitté Koudougou ce matin, mais une fois arrivé ici (Ouagadougou), on nous a fait comprendre que les voyages étaient annulés. Je tente en vain de joindre une tante pour qu’elle vienne me chercher ; mais en en attendant, je suis bloqué à la gare », témoigne Sékou Ganamé, que nous avons rencontré à la gare TSR située au quartier Gounghin. Affirmant avoir pris connaissance de la mesure du ministère des Transports après l’achat de son ticket de voyage, Sékou estime que « TSR aurait pu nous donner des précisions pour que ceux qui ne viennent pas pour Ouaga uniquement prennent leurs précautions ».

Quelques passagers traînent toujours dans les locaux de la gare

Comme lui, Issoufou Sawadogo a quitté Korsimoro ce matin avec la même compagnie. Espérant se rendre à Dano dans le cadre du travail, il dit être contraint d’élire domicile à la gare, en attendant de trouver une solution. « Je n’ai pas de parents ici. Je ne peux pas me rendre à Dano, ni retourner à Korsimoro », a-t-il déploré.

Les compagnies de transport ont-elles la prétention de poursuivre leurs activités malgré la mesure gouvernementale ? « En réalité, toutes les activités ont été suspendues. Il s’agit des cars qui se trouvaient dans les autres villes et que nous avons voulu ramener à Ouaga pour parquer », a justifié Karim Ouédraogo, chef de la gare TSR de Gounghin. Si Karim Ouédraogo reconnaît la pertinence de cette mesure qui vise à réduire la propagation de l’épidémie, il dit cependant avoir été pris de court. « Il y a quelques passagers qui n’ont pas été avisés et qui ont payé leurs tickets pour voyager. Mais nous avons procédé au remboursement des tickets », souligne-t-il, précisant que la seule gare de Ouaga enregistre près de 61 départs par jour.

Lassané Ouédraogo, responsable des gares STAF

A gare STAF de Gounghin, on ne rejette pas non plus la nécessité de cette mesure. « La santé avant tout. On ne peut que respecter la mesure, puisque nous-même ça nous protège », indique le responsable des gares STAF Ouaga (siège), Lassané Ouédraogo. Néanmoins, dit-il, « je pense qu’on devait nous donner un délai pour nous permettre de prendre nos dispositions. J’ai pris connaissance de la mesure hier. C’est vers 12h que j’ai eu l’information. Déjà, avec le couvre-feu, on était obligé de réduire le nombre de départs pour permettre aux cars de respecter l’heure », commente-t-il. Puis de soutenir : « Il y a par exemple des passagers qui ont quitté les provinces et qui veulent continuer ailleurs. Ils sont bloqués à la gare parce qu’ils n’ont pas de parents, ni de l’argent pour aller se loger dans un hôtel ».

Impossible de se procurer un ticket à STAF

Une décision prise de concert avec les organisations des transporteurs ?

Venu lui-même constater l’effectivité de la mesure, le directeur général des transports terrestres et maritimes, le colonel Mamadou Vokouma, que nous avons rencontré à la gare STAF, soutient : « Nous sommes là pour les encourager. Cette décision, il fallait la prendre à un moment donné. Dire qu’elle est brusque, c’est trop dire, parce que tout le monde commençait à sentir que la situation devenait complexe. On a même décrété un couvre-feu. Au regard de l’évolution de l’épidémie, il était nécessaire de se pencher sur la question pour que les gares routières ne soient pas des foyers de transmission ».

Colonel Mamadou Vokouma , directeur général des transports maritimes et terrestres,

Précisant que la présente mesure a été prise hier (22 mars 2020), de concert avec les organisations des transporteurs, Mamadou Vokouma inscrit cette décision dans le cadre des mesures fortes prises par son département pour lutter contre la propagation de l’épidémie du Covid-19. Ce, d’autant plus que certaines mesures de prévention prises au niveau des compagnies de transport peinaient à être respectées.

« Il fallait donc des mesures plus fortes, et nous allons continuer à évaluer la situation et si elle est meilleure, la mesure pourrait être levée. En attendant, elle doit être respectée et on essayera de résoudre les cas particuliers », a-t-il insisté. A ce propos, il note que les cas particuliers exposés par les compagnies ont été résolus de concert avec les forces de sécurité et de contrôle.


« Ce matin, nous avions des gens qui ont quitté Fada, Tenkodogo ou Cinkansé, mais la gendarmerie les a laissés rentrer. C’est un cas particulier. Il y a aussi le cas de TSR où il y avait des cars en provenance d’autres pays qui étaient bloqués à la frontière. Il faut bien laisser ces Burkinabè rejoindre leurs familles », a-t-il conclu.

Karim Ouédraogo, chef de gare TSR Goughin

Avec des guichets fermés et quelques passagers qui trainent toujours dans les locaux des gares avec leurs bagages, STAF et TSR étaient loin de leur affluence des grands jours, ce lundi 23 mars. Le peu que l’on puisse dire, c’est que la vie tourne désormais au ralenti dans le monde du transport. Même les taxis se font rares dans les environs de la gare. On espère donc que le Burkina sortira bientôt de cette crise sanitaire, qui ne sera pas sans conséquences sur l’économie.

Nicole Ouédraogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net