Dans le document ci-après, Dr. LOUGUE Siaka, Biostatisticien à l’Institut de Recherche en Science de la Sante (IRSS/CNRST), aborde la question de l’infertilité qui constitue « un réel problème pour de nombreux jeunes couples au Burkina Faso ».
Introduction
En 2009, l’Organisation Mondiale de la Santé s’est associée à d’autres organisations internationales pour définir l’infertilité comme l’incapacité chez un couple en âge reproductive à concevoir un enfant après plus d’un an de relations sexuelles régulières sans contraception. A l’opposé, la stérilité serait l’incapacité totale et irréversible pour un couple de concevoir. De ce fait, la stérilité ne pourrait se mesurer que lorsque la femme a atteint la ménopause et ou l’homme du couple a atteint un âge qui scientifiquement ne le permet plus de concevoir.
Cependant, il existe plusieurs définitions de l’infertilité. D’autres définitions considèrent une période minimum de tentative de grossesse allant jusqu’à deux ans et d’autres même cinq ans. Dans certains couples, l’incapacité de concevoir se manifeste par une incapacité de grossesse dans l’intervalle de temps requis tandis que d’autres couples ont plutôt des problèmes à conserver des grossesses jusqu’à l’accouchement d’une naissance vivante, du fait de problèmes tels que les fausses couches ou mort-nés. L’infertilité est aussi associée au terme d’infécondité involontaire qui est l’incapacité à procréer malgré la présence du désir et moyen mises en œuvre pour enfanter.
Selon une étude de Mascarenhas, M. N et al. (2012), l’infertilité a touché 48,5 millions de couples dans le monde en 2010. La même source a permis de mettre en relief que l’infertilité n’a pas vraiment varié entre 1990 and 2010. Datta, J. (2016) a montré dans son étude que la prévalence de l’infertilité était de 12.5% parmi les femmes et de 10.1% parmi les hommes. Au Burkina Faso, les études sur cette problématique demeurent insuffisantes et les statistiques à l’échelle nationale sont très faiblement vulgarisée.
La question de l’infertilité fait partie des sujets tabous au Burkina. Les couples vivant cette situation sont souvent amenés à adopter des stratégies d’isolement qui ne contribuent qu’a les éloigner des vraies solutions. Il n’est pas rare de voir la femme porter toute seule le lourd fardeau d’une telle situation. La femme est même très souvent accusée à tort et à travers sans aucune vérification ou preuve de l’origine de l’infertilité dans le couple. En effet, au Burkina Faso comme dans la plupart des pays africains, le bonheur dans le mariage est conditionné par la procréation. Que ce soit un problème lié à l’homme et ou la femme, l’infertilité inflige la même souffrance aux partenaires du couple. L’absence d’enfant dans un ménage après des mois de mariage est une importante source d’infidélité et de divorce.
Malheureusement, lorsqu’une situation de ce genre se présente, au lieu que la recherche d’une solution médicale au problème soit au cœur des préoccupations, il est très fréquent que les conjoints se rejettent mutuellement la responsabilité et la femme est généralement indexée. Des accusations de sorcelleries, des incitations à l’infidélité et au divorce, des intimidations à la répudiation, des insultes et autres maltraitances de tout genre sont le quotidien de certaines femmes dans les ménages où sévit l’infertilité. Toutefois, il ressort de façon générale que 30% des cas d’infertilité ont leur origine chez l’homme, 30% chez la femme, 30% chez l’homme et la femme et 10% serait de source inconnue. S’il y a une volonté réelle de recherche de solution dans le couple, il est donc indispensable que l’homme et la femme, tous deux, participent aux examens car les causes d’infertilité chez l’homme et chez la femme sont indépendantes.
Les conséquences de l’infertilité sont énormes et vont au-delà même du couple pour souvent affecter voire diviser des familles, ethnies, villages, communes et régions. Dans de nombreux couples, le problème d’infertilité est vite associé à des sentiments d’incompréhension, de colère, de culpabilité et de rancune. La première attitude du couple face à cette situation consiste à se renfermer dans la solitude et la frustration. Plus le temps passe et les tentatives se succèdent, plus le découragement s’installe avec son corollaire de dépression et les choses se compliquent, la situation devient difficile à gérer et les chances de trouver une solution s’amenuisent. La pression sociale et parfois familiale favorise l’anxiété, augmentant ainsi la liste des facteurs d’infertilité du couple.
La situation de l’infertilité au Burkina Faso
Dans cette étude, les données des Enquêtes Démographiques et de Sante (EDS) du Burkina Faso de 1993, 2003 et 2010 ont été utilisées. L’infertilité a ainsi été défini comme tout couple vivant en union ou mariée depuis un an ou plus, n’ayant aucun enfant vivant et la femme n’est pas enceinte, n’utilisant aucune méthode contraceptive et n’ayant pas l’intention d’en utiliser. Selon cette définition, l’analyse des données a fait ressortir un taux d’infertilité de 3,7% en 1993, 1,5% en 2003 et de 1,1% en 2010.
Le milieu rural avec 3,8% à un niveau d’infertilité légèrement supérieur à celui du milieu urbain (3%) en 1993. La situation inverse s’est produite en 2003 et en 2010 avec le milieu urbain qui enregistre (1,6% en 2003 et 1,4% en 2010) un niveau légèrement supérieur a celui du milieu rural (1,5% en 2003 et 1% en 2010). Les données de 1993 et 2010 montre que le niveau d’infertilité diminue selon l’âge jusqu’à 40-45 ans avant d’augmenter pour les femmes de 45-49 ans. Mais en 2003, le niveau a baissé jusqu’à l’âge de 35-39 ans avant d’entamer une remontée entre 40-44 ans. En 1993, le niveau d’infertilité était de 16,2% parmi les femmes de 15-19 ans contre 11% en 2003 et 5,2% en 2010. Le niveau en 1993 est passé à 4,5% et 1,4% parmi les femmes de 20-24 ans et 40-44 ans respectivement à 1,5% et 0,3% pour les mêmes groupes d’âge en 2010. Toutefois le niveau d’infertilité a augmenté à 2,9% pour les femmes de 45-49 en 1993 et 0,7% en 2010. En 2003, le niveau d’infertilité a baissé avec l’âge jusqu’à 0,6% pour les 35-39 ans avant de remonter à 1,2% pour les 40-44 ans.
En 2003, les régions avec les niveaux d’infertilité les plus élevé étaient les régions du Sahel (2,8%), du Centre-Sud (2,7%) et la ville de Ouagadougou (2,7%). Les niveaux les plus bas ont été enregistrés dans le Plateau Central (0,4%) et les Haut Bassins (0,9%) en 2003. En 2010, les régions les plus atteints étaient les régions des Cascades et du Centre avec 1,2% d’infertilité. Les régions les moins touché en 2010 étaient les régions du plateau central et du Sud-Ouest avec respectivement 0,3% et 0,4%.
Des facteurs de la vie quotidienne qui expose au risque d’infertilité
Dans cet article, l’accent est mis sur les facteurs sociaux, économiques et environnementales de l’infertilité ainsi que des pistes de solutions pour les couples vivant une telle situation. Les aspects cliniques ne seront pas au cœur de la réflexion. Les couples sont invités dès qu’un problème d’infertilité se présente à aller au plus vite consulter des médecins en vue d’une recherche des causes chez l’homme et la femme en vue d’un traitement adéquat. L’intérêt de cet article est porté sur des mesures préventives souvent simples pour éviter de telles situations ou ne pas les aggraver.
Il est clairement ressorti dans la littérature que certains facteurs non cliniques perturbent la fertilité des hommes et des femmes. L’âge est un élément important pour l’homme et la femme dans le couple pour ce qui est des questions d’infertilité. Après un certain âge dépendant du pays, de la région, du sexe et de plusieurs autres facteurs, la fertilité de l’homme et de la femme diminue jusqu’à l’atteinte d’un âge de stérilité irréversible. Le poids a une influence sur la fertilité. Un surpoids ou un sous-poids d’un conjoint exposerait le couple a un risque élevé d’infertilité. Un indice de masse corporelle (IMC) en dessous ou au déçu de la normale est un indicateur d’exposition au risque. Le tabac, l’alcool et la consommation de drogues ou autres stupéfiants diminuent les chances de grossesse et augmente les risques de fausses couches et de morts nés.
Les conditions au travail et la profession sont des éléments importants lorsqu’il s’agit d’infertilité. En effet, la pénibilité du travail, le stress, le manque de sommeil, l’exposition prolongée aux ondes mobiles, l’exposition aux pesticides ou polluants organo-chlorés, à la chaleur et aux substances toxiques (plomb, aluminium, etc), les longues durées de transport et le sport intensif sont d’autres facteurs de risque d’infertilité. Des antécédents de divers ordres peuvent influencer la fertilité du couple. Il s’agit en autres des antécédents génitaux ou gynécologiques tels que des malformations, IST, chimiothérapie et radiothérapie, des antécédents familiaux (souvent héréditaires) comme la ménopause précoce, cancer du sein, des antécédents médicaux comme le diabète, l’épilepsie et les antécédents de chirurgie pelvienne ou de chirurgie ovarienne. Certaines pratiques sexuelles telle que l’arrêt de la contraception ou l’irrégularité de l’acte sexuel sont également des facteurs contribuant à l’infertilité.
Conclusion
Les jeunes couples devraient commencer les examens médicaux d’infertilité après un an de rapports sexuels réguliers sans contraception. Il n’est pas conseillé de le faire trop tôt après deux, trois ou quatre mois ou tard après deux ou trois ans. Toutefois, une consultation trop tôt serait conseillé si l’âge des conjoints ou de l’un d’entre eux est élevé ou s’il y a des antécédents exposant à un risque d’infertilité. Pendant une année, il est plutôt conseillé au couple d’avoir des rapports sexuels réguliers.
Certains médecins conseillent chaque deux (2) jours et d’autres conseilleraient deux à trois fois par semaine. Pendant cette première année de rapports sexuels réguliers il faudrait que le couple observe une bonne alimentation (alimentation équilibrée pour tous les deux partenaires) et une bonne hygiène de vie avec une réduction de consommation d’alcool, tabac ou d’autres produits source bien connue d’infertilité.
A ces mesures s’ajoutent les pressions psychologiques, le stress, la fatigue et les pressions dont il faudrait s’en éloigner car ne contribuant qu’à aggraver voire pérenniser la situation d’infertilité dans le couple. Les résultats ont clairement mis en évidence que les jeunes filles de 15-19 ans ont les prévalences d’infertilité les plus élevées ainsi que les couples vivant dans la région du Centre et plus particulièrement à Ouagadougou.
Références bibliographiques
Seisen, T., & Huyghe, É. (2015). Item 37 (Item 29)–Stérilité du couple : conduite de la première consultation. Urologie.
World Health Organization, & World Health Organization. (2004). Infecundity, infertility, and childlessness in developing countries. DHS comparative reports, 9.
Mascarenhas, M. N., Flaxman, S. R., Boerma, T., Vanderpoel, S., & Stevens, G. A. (2012). National, regional, and global trends in infertility prevalence since 1990 : a systematic analysis of 277 health surveys. PLoS medicine, 9(12), e1001356.
Datta, J., Palmer, M. J., Tanton, C., Gibson, L. J., Jones, K. G., Macdowall, W., … & Johnson, A. M. (2016). Prevalence of infertility and help seeking among 15 000 women and men. Human Reproduction, 31(9), 2108-2118.
Source: LeFaso.net
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